GLDF | Revue : Points de Vue Initiatiques | 1T/1982 |
Pourquoi la
Franc-Maçonnerie répond-elle
à un besoin de notre Temps Les réponses à
cette question sont nombreuses, mais nous pouvons essayer de les classer : 2 — En notre temps, plus que jamais peut-être, il faut aider tous ceux qui pensent que « la grande bouffe » ne suffit pas à remplir une existence, à trouver leur spiritualité, à trouver « un supplément d'âme ». 3 — En notre temps, plus que jamais peut-être, face à l'agressivité et à la violence qui montent à une allure vraiment inquiétante, il faut apporter la Fraternité et l'Amour aux Hommes, à tous les Hommes, nos Frères, qu'ils soient Francs-Maçons ou non. Défendre l’Homme contre la « Robotisation »Nous voulons rester
Armand, demeurant à Paris, ou Pierre, demeurant à Beaulieu-sur-Mer, et ne pas
devenir H4 3274 BMY (même si cela devient H4 pour les intimes !) demeurant à
14370. Or, c'est cela qui nous menace. Pourquoi ? D'abord en raison
de l'explosion démographique qui veut que, plus les êtres à administrer sont
nombreux, plus ils deviennent anonymes aux yeux de l'Administration, plus les
Administrateurs ont besoin de chiffres et de plans. Et gare à celui qui ne
s'inscrit pas dans les chiffres, qui n'entre pas dans le plan, qui ne veut pas
être le boulon interchangeable d'un gigantesque jeu de Meccano. Mais l'explosion
démographique n'explique pas tout. Pour comprendre pourquoi l'homme est menacé
de robotisation, il faut remonter à la fin du siècle dernier — à l'époque de
l'essor prodigieux des sciences techniques, des sciences mathématiques, des
sciences physiques, des sciences chimiques, bref des sciences dites « exactes »
qui ont apporté — c'est indiscutable et loin de nous l'idée de le discuter — le
Progrès à l'Humanité. Mais la
généralisation était facile, l'erreur était tentante : éblouis par la vérité de
ces sciences, certains hommes ont cru qu'ils avaient découvert la Vérité. Ils
ont cru qu'avec ces sciences « exactes », ils allaient pouvoir résoudre tous
les problèmes humains. Et c'est là qu'est l'erreur, c'est là qu'est le danger
que nous, Francs-Maçons, devons dénoncer. Car si les sciences techniques sont
une chose — et une chose, répétons-le, indiscutable — les sciences humaines en
sont une autre, et l'on ne résoudra pas plus les problèmes humains avec les
lois de la Mathématique que l'on ne résoudra une équation avec les lois de la
Psychologie. N'oublions pas
qu'en matière scientifique, l'un des critères est que
— toutes choses égales
d'ailleurs — une expérience peut être
répétée à volonté 10 fois, 100 fois,
1
000 fois, indéfiniment. Trempez du tournesol dans de l'acide, il
deviendra
rouge et vous pourrez recommencer aussi souvent que vous voudrez. En
sciences
humaines, ce n'est pas vrai. Les médecins savent bien que
l'injection d'une
même culture microbienne ou d'un même médicament ne
donnera pas deux fois la
même réaction, non seulement sur deux hommes
différents, mais encore sur le
même homme à deux moments différents. Parce que les
choses ne sont pas égales
d'ailleurs, parce que l'Homme est en évolution constante.
Les réactions
humaines n'obéissent pas aux lois exactes. Et quelle loi
mathématique ou physique, quelle formule chimique nous expliquera le parfum
d'une rose ou traduira l'émotion que chacun de nous ressent — à sa manière et
différemment — devant un coucher de soleil, une toile, une oeuvre poétique ou
musicale ? Mais il y a pire.
Les sciences exactes ignorent la notion de RESPONSABILITE. Prenons des
exemples. Les colorants sont
des produits chimiquement parfaits. Leur invention a été saluée par les
chimistes comme un grand progrès. L'ennui, c'est qu'on s'aperçoit qu'ils
risquent d'être nocifs pour l'Homme. Mais cela, les chimistes qui les ont
inventés ne s'en sont pas soucié. Ce n'était pas leur problème. Dans son livre « La
puissance et la fragilité », le professeur Hamburger raconte avoir vu un jour,
sur un écran de télévision, un journaliste demander à un illustre physicien : «
Pensez-vous quelquefois aux conséquences de vos découvertes ? » Et l'illustre
physicien répondit : « Je n'y pense jamais ; ce n'est pas ma tâche. D'autres le
feront pour moi. » Cette absence de
sens de la responsabilité, c'est-à-dire cette absence de solidarité humaine est
proprement effarante pour un Franc-Maçon. Que des hommes — et des hommes
éminents - puissent être obnubilés par leur savoir ou par leurs recherches au
point d'oublier qu'ils ne sont que des éléments d'un tout, voilà qui nous
laisse pantois, nous Francs-Maçons, qui pensons que rien de ce qui est humain
ne nous est étranger. Et si notre temps a besoin de cette notion de
responsabilité et de solidarité, eh ! bien, la Franc-Maçonnerie doit répondre
à ce besoin. Une fois de plus,
répétons ce qui est un lieu commun pour nous, à savoir que l'erreur, avec un
grand E, le péché contre l'Esprit, c'est de croire qu'une vérité est LA Vérité
et de la transformer en dogme. Le drame, d'ailleurs, c'est que ce « péché »
part très souvent d'un bon sentiment. L'homme qui croit avoir découvert la
Vérité, qui croit la posséder, en est transfiguré, illuminé au sens propre du
terme, et il veut la faire partager aux autres. il est altruiste, il veut faire
partager son enthousiasme, sa certitude, il veut que tous les autres soient
persuadés de sa Vérité et en bénéficient... au besoin par la force ! Et c'est
là que ça ne va plus. L'Inquisition, les Fascismes partaient probablement d'un
bon sentiment : « C'est LA Vérité, c'est le bonheur des Hommes, donc mon
devoir est de le leur apporter. Et s'ils ne veulent pas comprendre, s'ils ne
veulent pas voir leur intérêt, eh ! bien-tant pis, je leur imposerai ma vérité
par la contrainte, puisque c'est leur bonheur. » Mais peut-on,
a-t-on le droit, est-il légitime, est-il même seulement possible de faire le
bonheur des hommes malgré eux ? La Franc-Maçonnerie répond évidemment NON, non
ce n'est pas légitime, non ce n'est pas possible. Prenons enfin un
dernier et évident exemple. Donnez à un homme les pinceaux de Léonard de Vinci,
donnez-lui sa toile, donnez-lui ses couleurs. Il ne peindra pas la Joconde. Pardonnez-moi tous
ces lieux communs, mais je les ai utilisés pour en arriver à la conclusion de
mon premier point, à savoir que chaque homme, chaque individu est UNIQUE ET
IRREMPLAPLAÇABLE. C'est ce qui le rend précieux, c'est ce qui l'empêche
d'entrer dans un plan trop étroit, dans un cadre trop rigide. Et c'est cette
notion de l'Homme, que nous connaissons bien et que nous défendons, qui est, à
mon sens, la première raison pour laquelle la Franc-Maçonnerie répond à un
besoin de notre temps. Répondre au besoin de Spiritualité de l’Homme de notre tempsNotre Terre est un
vaisseau spatial qui se dirige vers une destination inconnue.. Ces paroles,
vitales pour notre Devenir, ont été prononcées en 1972 par l'un des plus grands
savants de notre époque, savant qui est à la source des premières réussites
aérospatiales américaines. J'ai nommé Werner Von Braun, l'ex- directeur de la
NASA. Avant lui, après lui, des centaines de savants, de réputation
internationale, des centaines de personnalités ont exprimé les mêmes idées sous
d'autres formes, ont dénoncé les cataclysmes que la civilisation moderne est en
train de préparer à ses enfants, voire à elle-même. « Notre
Terre est un vaisseau spatial qui se dirige vers une destination inconnue. »
Cette affirmation de Von Braun est bouleversante. Serions-nous donc capables
d'aller dans la Lune, mais incapables de bien gérer notre patrimoine terrestre
et spirituel ? La crise des
valeurs que connaît la société contemporaine a mis à nu le désarroi dans lequel
se trouvent hommes et femmes de toutes catégories, insuffisamment préparés à
comprendre et à assumer les changements auxquels ils sont confrontés. Par ailleurs,
l'évolution du cadre de vie, l'évolution de la civilisation industrielle et
urbaine entraînent des ruptures au niveau affectif et spirituel chez la plupart
des individus et, de ce fait, engendrent des besoins du même ordre, affectifs
et spirituels. Or, les institutions habituelles ne répondent pas à ces besoins,
ou très imparfaitement. L'école et l'enseignement en général procurent des
connaissances, les partis proposent des programmes politiques, les syndicats
défendent les intérêts de ceux qu'ils représentent, les Eglises sont plus ou
moins en crise. Les physiciens eux-mêmes commencent à dire que l'explication
physique du monde laisse subsister de nombreux mystères. Ils laissent donc
place à une métaphysique, c'est-à-dire, non pas à une pure spéculation
de l'esprit, mais à la recherche de ce que sont les choses en elles-mêmes, par
rapport ou par opposition à leurs apparences. Car il est dans la nature de
l'esprit humain de vouloir comprendre tout ce qui est inexpliqué et même, à la
limite, tout ce qui est inexplicable, ne serait-ce que pour appréhender la
cause immanente de l'impossibilité d'une explication. Cette idée va à
l'encontre de celle que l'on entend souvent énoncer, à savoir que la Science
nous fera connaître un jour la nature intime des choses, c'est-à-dire leur
essence, et, par voie de conséquence, que la Science suffira, à elle seule, à
satisfaire tous les besoins de l'intelligence humaine. Il nous parait que c'est
avoir une vue un peu courte des choses. Il nous semble qu'il y a des choses qui
ne se prêteront jamais, pour nos cerveaux humains, à une interprétation de type
concret. Einstein d'ailleurs nous apporte son appui quand il écrit que a le
monde, dans sa majesté totale, ne peut être saisi que par une intelligence cosmique.. En fin de compte,
on ne retrouve nulle part ce qui était autrefois l'apanage du cadre familial
et, dans une certaine mesure, de la pratique religieuse, à savoir un point
d'ancrage qui soit d'ordre affectif et spirituel, qui puisse être source de
foi en un système de valeurs en harmonie avec le monde environnant, et en
harmonie avec le Cosmos. La Franc-Maçonnerie
peut-elle jouer ce rôle, être ce « point d'ancrage » et répondre ainsi à un
besoin de notre temps ? S'il est, hélas !
vrai que nombreux peut-être, sont ceux qui ne se posent pas de questions, nous
croyons que plus nombreux encore sont ceux qui cherchent un sens à leur vie.
Combien est réconfortant le nombre toujours croissant de jeunes qui viennent
frapper à la porte de nos Temples ! C'est pour tous ceux-là, pour tous ces «
cherchants », que la Franc-Maçonnerie répond à un besoin de notre temps, parce
qu'elle est un Ordre Traditionnel et Initiatique. Or, qui dit Tradition, qui
dit Initiation, dit nécessairement spiritualité, et c'est cela le besoin de
notre temps. La TraditionL'Histoire nous
apprend que la vie culturelle de tous les peuples a commencé par la création de
mythes, ce qui nous incite à penser que, dès les temps les plus reculés, l'être
humain s'est posé la question, toujours actuelle, du sens de la vie. Jung a fait
remarquer que les plus belles pensées se forment autour des images primordiales
qui sont depuis des millénaires le bien commun de l'Humanité. Il explique ainsi
que lorsqu'on examine l'ensemble des légendes, des mythes et des contes dans
tous les pays du monde, on y retrouve des similitudes, ce qui est normal si on
leur attribue une origine commune. Ce que nous pouvons traduire en disant que
la Tradition est universelle dans le temps et dans l'espace : qu'elle est
transmise par une chaîne d'union invisible remontant dans la nuit des temps.
Chacun de nous a reçu, et reçoit chaque jour la Tradition qu'il transmettra à
son tour. C'est ainsi que la Franc-Maçonnerie est à la fois le passé, le
présent et l'avenir. Chaque homme porte en lui l'expérience de générations
innombrables. C'est ce qui lui permet de comprendre le passé, de s'y associer
et de le reprendre. Si l'Immortalité— au sens habituel du terme — n'existe pas,
la Permanence, elle, existe et la Tradition est son support. Car qui dit
Tradition dit continuité, ce qui veut dire que la Tradition incarne des Vérités
universelles, dont aucun individu, à aucune époque, ne peut, n'a pu ou ne
pourra revendiquer la propriété exclusive. Vérités universelles qui sont à la
base de la complexité du réel dont l'homme fait partie intégrante et qui
expliquent sa réalité, sa qualité, sa raison d'être. La Franc-Maçonnerie
est donc un des rameaux de cette Tradition primordiale qui se perd dans la
nuit des temps. Elle cherche la Connaissance, la Connaissance immanente, déjà
présente dans un état de choses antérieur à l'Humanité. Etat de choses qui est
depuis toujours sous la dépendance du principe d'Ordre universel qui, d'une
manière visible ou cachée, gouverne notre monde. Les Francs-Maçons ont
donné à cet élément, qui échappe au déterminisme de la simple logique,
l'appellation de « Grand Architecte de l'Univers ». Ce n'est pas pour nous,
ici, la croyance obligatoire en Dieu et en sa volonté révélée. Mais c'est la
croyance que nous ne sommes pas des passants, nés par hasard, et traversant en
aveugles un monde cohérent. Ce que d'autres appellent hasard, nous l'appelons,
nous, Grand Architecte de l'Univers. La Franc- Maçonnerie, de par ses origines
et sa spiritualité, entend ainsi échapper à l'alternative entre la croyance
aveugle et le scepticisme destructeur. L'InitiationOrdre traditionnel,
la Franc-Maçonnerie est aussi, et surtout, et avant tout, un Ordre Initiatique.
Le but même de l'Initiation est de permettre à l'Homme de se connaître d'abord,
pour s'épanouir ensuite et se dépasser enfin. Qu'est-ce donc
qu'un Initié ? Les définitions — ou les tentatives de définition — sont
innombrables, tant il est vrai que la notion même d'Initiation est difficile à
appréhender. Disons, dans le cadre de la question qui nous est posée, que
l'Initié est celui qui, ayant vraiment fait mourir en lui le vieil homme, et
ayant su effacer en lui jusqu'à la trace de ses métaux, travaille, dans le
Temple et hors du Temple, de tout son être à enrichir sa spiritualité et, par
voie de conséquence, celle des autres. Si le monde peut
être comparé à un labyrinthe dans lequel fourmillent les hommes, il se trouve
dans ce labyrinthe des individus qui, un jour ou l'autre, décident qu'ils en
ont assez de toute cette agitation absurde, de ce bavardage et de ce vacarme
incessants, répercutés sans cesse par tous les échos, de ce mélange éprouvant
d'agressivité et d'inertie et de l'éblouissement aveuglant et décevant de faux
remèdes. Ceux-là se mettent
en route un jour et cherchent la sortie du labyrinthe. C'est le premier pas
vers l'Initiation. Ensuite, il y a ceux qui, arrivés en vue de la première
lueur qui indique la sortie du labyrinthe, pénètrent dans le sanctuaire et dans
le silence, et prennent conscience du fait que la sortie est verticale, car
c'est d'en haut qu'arrive le rayon lumineux venant de l'Axe Cosmique. Ils
cherchent alors un second départ, celui de la montée vers la Lumière, non à la
façon d'Icare, mais selon la voie intérieure, qui est proprement la voie initiatique,
et qui fera d'eux, qui étaient des Initiés virtuels, des Initiés réels à
différents degrés. Le profane est un
homme seul, inquiet, qui pratique souvent la politique de l'autruche envers son
moi et de ce fait il peut être heureux en apparence, bien qu'il soit dans la
vie comme un scaphandrier sans son lest, c'est-à-dire qu'il se laisse balloter
par tous les courants et tous les remous. Or, dans le monde d'aujourd'hui, ces
courants et ces remous sont d'une telle violence que tout est balayé et que notre
homme risque fort d'être emporté. L'Initié, lui, a ce lest, il peut marcher en
suivant sa voie, il peut donc — et il doit — aider les autres à trouver leur
lest — et leur voie. Car l'Initié a acquis la maîtrise du moi par
l'identification de son microcosme individuel au macrocosme cosmique, ce qui
lui permet de prétendre s'employer à l'amélioration du monde et de collaborer
au Grand OEuvre. Possédant cette «
connaissance supplémentaire » — celle de son moi — l'Initié va pouvoir
inspirer une morale universelle. Or, qu'est-ce que la morale ? La morale est un
ensemble de règles qui permet de se conduire librement. L'homme est amené à
choisir un ordre, peu importe lequel à partir du moment où il est amené à
réfléchir sur son existence, à lui donner un sens. La morale apparaît alors
comme une nécessité avec deux supports essentiels : la liberté d'une part et
le choix d'autre part. Ce libre choix
étant fait, dans quelles conditions l'Initié va-t-il pouvoir proposer au monde
une morale universelle, dans quelle mesure peut-il en être le véhicule ? Il
faut d'abord qu'il soit un véritable Initié, c'est-à-dire qu'il soit capable de
faire abstraction de tout préjugé, de tout dogmatisme. Il lui est donc
nécessaire de prendre une certaine vue d'ensemble, une certaine hauteur de
survol. En effet, s'il limite sa recherche à une classe, à une religion, à une
race, à une frontière, il aboutira fatalement à un échec. L'Initié doit donc se
situer hors du temps. Il doit réfléchir en dehors du tumulte et des passions du
siècle pour être le transmetteur du passé à l'avenir. Pour que la morale soit
universelle, pour qu'elle soit acceptée par tous, il faut que ce soit une
morale d'hommes libres, découlant sans coercition d'une croyance profonde en un
équilibre harmonieux, ordonné du monde. J'ai insisté,
peut-être un peu longuement, sur ce chapitre « spiritualité », parce que je
crois que c'est le chapitre essentiel de mon exposé. A la limite, s'il m'avait
fallu répondre d'une seule phrase à la question posée : « Pourquoi la
Franc-Maçonnerie répond-elle à un besoin de notre temps ? », j'aurais
répondu : « Parce qu'elle
a une spiritualité, parce qu'elle est une spiritualité et que c'est la
spiritualité qui est à mon avis le plus grand besoin de notre temps. » Apporter la Fraternité et l’AmourMais avant de
conclure, et plus brièvement, je pense qu'il nous faut aborder le troisième
point de notre plan et dire que la Franc-Maçonnerie répond aussi à un besoin de
notre temps parce que, dans notre monde d'agressivité et de violence, elle
apporte la Fraternité et l'Amour. L'Initié doit être en effet un transmetteur
de Lumière et d'Amour. Sur l'agressivité,
sur la violence, ces fléaux de notre temps (mais pas seulement de notre temps)
tout a été dit et redit et je ne voudrais pas allonger inutilement cette
planche en procédant à des répétitions de ce que vous avez déjà entendu maintes
fois. D'ailleurs, ce n'est pas la question qui nous est posée aujourd'hui. La Franc-Maçonnerie
est Fraternité, elle est Amour et ce sont ces deux notions, qui sont d'ailleurs
indissociables, que je voudrais évoquer brièvement. Dans l'Antiquité,
la Fraternité était considérée comme le plus noble, le plus élevé des
sentiments, même avant la Sagesse. Car la Fraternité s'établit par une décision
de volonté personnelle ; qu'elle n'inclut aucune passion, aucun sentiment de
possession ou de domination, ce qui pourrait l'opposer à l'Amour, du moins
dans une certaine conception de ce dernier. La Fraternité,
c'est quand « moi » pense à l'autre, c'est quand moi ne pense plus « moi » mais
l'autre, c'est quand penser à soi, c'est d'abord penser à l'autre. En somme,
tout commence et se poursuit par l'Autre. L'homme fraternel ne peut être
heureux que lorsqu'il peut être librement, pleinement, également, un homme
parmi les autres hommes, un homme AVEC les autres hommes. C'est cela, la
Fraternité humaine et c'est sans doute pour la trouver plus vite, en la
construisant de leurs propres mains et de leur propre coeur, que certains
profanes veulent un jour devenir Francs-Maçons. Car la Fraternité
maçonnique, c'est plus encore, c'est une façon, non seulement de démontrer sa
foi en l'Homme, mais de la rendre agissante, de la concrétiser. C'est une
action permanente, après un choix fait librement une fois pour toutes. Choisir
d'aimer, n'est-ce pas faire le plus beau des choix ? La Fraternité
maçonnique, ce n'est pas de vivre à côté, c'est de vivre avec l'Autre, notre
Frère, de vivre ensemble, de construire sa vie en fonction de celle des autres,
de chercher sa vérité en retrouvant celle des autres. La Fraternité
maçonnique, c'est un pacte contre l'égoïsme, l'indifférence, l'incompréhension,
c'est aussi un pacte de disponibilité permanente. En fait, la Fraternité
maçonnique, c'est tout simplement reconnaître l'Homme, son Frère, dans sa personnalité,
sa dignité, son intégrité, sa liberté, son égalité, et c'est vouloir vivre avec
cet autre homme, ce Frère reconnu comme tel. J'ai dit
Fraternité. J'aurais pu dire Amour fraternel, car pour être authentique,
valable, agissante, solide et durable, l'affection fraternelle a besoin de se
maintenir au-dessus d'un certain seuil critique. A une intensité faible, les
liens risquent de se distendre et de dépérir. A une intensité suffisamment
grande, il se produit une réaction en chaîne. Certes, cette réaction se produit
d'abord à l'intérieur de la Loge, mais ses effets se répercutent bien au-delà —
et c'est ce qui importe. Nous estimons que
l'Amour fraternel est une valeur digne d'être proposée au monde qui nous
entoure parce qu'elle nous encourage à répandre la semence de notre patrimoine
spirituel à tous les êtres humains. C'est parce que la
Franc-Maçonnerie est Fraternité, parce qu'elle est Amour, qu'elle répond à un
besoin de notre temps et peut être le ferment du monde de demain. Souvenons-nous de
la conclusion du livre de notre Passé Grand Maître Richard Dupuy : « De la
réconciliation de l'Homme avec lui-même et avec son temps resurgira
spontanément la Parole perdue et enfin retrouvée qui illuminera le monde :
AMOUR. Bien que la question
posée soit : pourquoi et non pas comment la Franc-Maçonnerie
répond-elle à un besoin de notre temps, qu'il me soit permis pour conclure de
dire que c'est par l'exemple, par l'exemple individuel que nous devons agir.
Exemple individuel, car nous sommes des Initiés et que l'Initiation ne peut
être qu'individuelle. Le chemin initiatique que chacun de nous suit, aucun
autre ne le suit, ne l'a suivi, et ne le suivra. C'est donc « en poursuivant au dehors l’œuvre « en portant parmi
les autres Hommes les Vertus dont nous avons promis de donner l'exemple »,
c'est-à-dire en vivant maçonniquement notre vie profane que nous pourrons
faire en sorte que la Franc-Maçonnerie réponde effectivement à un besoin de
notre temps. « Fais en sorte que tes actes puissent être érigés en règle
universelle » a dit Kant. Armand FARAGGI |
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