GLDF | Revue : Points de Vue Initiatiques | 3T/1989 |
Les chemins de la Fraternité...............Suite : 3éme orateur Michel BaratMesdames,
Messieurs, notre première conférence sera
prononcée par M. le professeur
Babinet. Permettez-moi de présenter en quelques mots M.
François Babinet.
Professeur de Droit à l'université de Strasbourg,
il est le doyen de la Faculté
des sciences politiques de cette ville européenne. M.
Babinet, s'il est
juriste, s'est surtout penché sur les problèmes
de l'histoire et de la
philosophie du droit. Homme de pensée, il est aussi homme
des choses concrètes
puisque, pendant dix ans, il a travaillé au sein de
l'Institut du Travail. M.
Babinet a été l'élève de M.
Marcel David, professeur d'abord à Strasbourg puis
à Paris, qui est l'auteur d'un livre
célèbre sur la Fraternité et la
Révolution
française. M. David, qui est retenu aujourd'hui par des
obligations bien plus
lointaines, n'est pas là, mais M. François
Babinet, au sein de son
intervention, nous donnera les informations que M. David nous
aurait données.
Que M. Babinet soit remercié, je lui donne
maintenant la parole. François BabinetNous
le savons
bien, la fraternité est devenue trop souvent un mot que nous
lisons
distraitement au fronton de la République. Cette situation
est- elle due, pour
reprendre les termes de François Furet, à ce que
la Révolution française est
terminée ? Sans doute, elle est terminée, mais
à entendre Furet, il aura fallu
un grand siècle pour qu'elle se termine, pour qu'elle
s'acclimate, et on peut
même se demander si quatre-vingts ans de plus sont
nécessaires à notre pays et,
avec la constitution de la Vème
République, pour que la France trouve une
forme politique qui lui permette de vivre l'alternance politique sous
la forme
pacifiée de l'alternance plutôt que sous celle, le
cas échéant, de la guerre
civile. Cette
forme
politique, que nous connaissons maintenant, nous permet de vivre les
principes
fondateurs de 1789. Une première question se pose : la
fraternité
figurait-elle dans ces principes fondateurs ? On sait que la triade
républicaine « Liberté,
égalité, fraternité»
apparaît, pour la première fois,
dans nos constitutions avec celle de la IIème
République. C'est en 1848
seulement qu'elle apparaît dans les textes. Rien de tel dans
la Constitution du
3 septembre 1791 qui instaure en France la monarchie constitutionnelle
que
vivra le régime que nous avons appelé la
législative. Rien de tel même mais
néanmoins le mot fraternité figure
relégué dans un article additionnel du titre
ter de cette constitution. Rien non plus, et c'est peut-être
plus troublant,
dans le texte fondateur de la Révolution à
savoir, la Déclaration des Droits de
l'Homme et du Citoyen du 26 Août 1789 dans lequel le mot ne
figure pas. Cette
déclaration,
je ne suis pas sûr que nous mesurions encore la
portée qu'elle avait. Disons,
pour ce qui nous occupe ici, qu'elle inaugurait d'abord une nouvelle
manière de
penser les principes du gouvernement et de la
société. Elle affirmait les
droits naturels de l'homme, droits naturels c'est-à-dire
antérieurs à la
société politique, préexistant
à la société politique. Elle
entendait
organiser le lien social à partir de la liberté
et de l'autonomie de l'individu.
Elle voulait substituer un nouveau type de
société politique à l'ancien
régime
dans lequel, nous le savons, la souveraineté
s'incarnait dans la personne du
roi. Cette révolution et les constituants de 1789/1791, ont
dû répondre à une
double question : la première était une question
très générale, fondamentale
pour toute réflexion de philosophie politique, comment
préserver les droits
naturels des individus quand ils deviennent les droits de l'homme
vivant en
société ? Comment sauvegarder ces droits lorsque
de l'état de nature, pour
utiliser les termes des philosophes de la philosophie
politique, on passe à la
société politique ? La
seconde
question, elle était circonstancielle mais au regard de
travaux d'ailleurs
récents sur l'histoire de la révolution, il me
semble que, quoique
circonstancielle, elle a été très
importante. La seconde question était comment
assurer une légitimité incontestable à
l'assemblée en face du roi ? Les
constituants se trouvaient en face d'une monarchie
immémoriale et face à cette
situation considérable et qu'on ne voulait pas d'ailleurs
abattre, il fallait
assurer la légitimité incontestable de
l'assemblée. Il semble bien que la
réponse à cette seconde question, comment assurer
la légitimité, est largement
conditionnée par la réponse qui fut
donnée à la première question, comment
concilier les droits naturels de l'homme et les droits de l'homme dans
la
société politique. Elle
l'a
conditionnée, en forçant un peu les termes, en
constituant une sorte de cercle
vicieux qui est un problème de la pensée
politique issue de la révolution. Une
façon de penser la liberté qui risque
d'empêcher de la réaliser. Et quand on
lit avec attention la Déclaration des Droits de l'Homme et
du Citoyen, ce texte
si fondamental, l'article 4 confère à la loi
à la fois le soin d'assurer la
liberté et simultanément, le soin d'en fixer les
bornes. C'est la loi qui
assure la liberté et qui la borne. L'article 2
légitime la résistance à
l'oppression mais l'article 7 déclare que quiconque
n'obéit pas à la loi se
rend coupable par la résistance. Indiscutablement, il y a
ici des contradictions
; les droits individuels sont sacrifiés à la
puissance collective, la garantie
des droits est menacée par son absorption dans la
sphère de la loi et de la
souveraineté du législateur. Et je crois qu'il
est nécessaire de s'interroger
sur le fait que à la différence par exemple des
constituants américains du
XVIIIème siècle, la pensée
sous-jacente à la déclaration
française ne croit
possible le développement de la liberté
privée que par sa reconversion en
autorité publique. Mais cette démarche, qui se
trouve à l'origine de la dérive
terroriste de 1793, dérive terroriste qui n'était
pas fatale (il n'y a pas de
fatalité historique) que l'on peut expliquer par les
circonstances que
traversait la révolution. Mais il est probable qu'elle a
aussi trouvé une
partie de ses sources dans la volonté de donner à
l'assemblée une légitimité
politique incontestable en face de celle du roi. Car
l'assemblée va être conçue
comme le roi. L'unité de la nation et du roi, l'intime union
traditionnelle de
la monarchie française, du gouvernement et de la
société, l'absence de distance
entre la société civile et l'état qui
est réalisée en la personne du roi ;
cette absence de distance va être projetée sur
l'assemblée, pour ne plus être
seulement représentative de la nation auprès du
roi. L'assemblée se confondra
aussi avec la nation agissante, comme le roi agissant par ses
délégués. Cette
conception rendait très difficile une conception de
la représentation,
c'est-à-dire aussi de la distinction entre les
gouvernés et ceux qui les
représentent et il est très probable que nous
sommes ici à l'origine de la
difficulté qu'a rencontrée notre pays pour
instaurer une démocratie
représentative et c'est en ce sens que,
François Furet que je citais tout à
l'heure, disait «la révolution est
terminée», en considérant qu'elle est
terminée avec la IIIème République. En
1789, d'une
manière paradoxale, la volonté d'assurer
absolument l'indépendance des
individus, l'autonomie et la liberté de chacun, conduit
à la placer entièrement
dans la dépendance du pouvoir social de la
société organisée politiquement. Je
me demande alors si la profondeur et en même temps les
avatars de la fraternité
dans la révolution, n'illustre pas cette
difficulté que la pensée politique des
constituants rencontrait ; elle avait à résoudre
le problème grave et difficile
de se fonder en face du roi. Il est donc probable que la
fraternité nous
permette d'illustrer cette difficulté à penser la
représentation des individus
qui caractérise, me semble-t- il, la vie politique
française pendant très
longtemps. Peut-être qu'une réflexion acceptant
d'affronter les interrogations
de la pensée contemporaine, pourrait nous permettre
de renouveler une vision
de la fraternité et de ne plus la regarder d'un ceil
distrait lorsque nous la
contemplons sur les temples de la République. D'une
certaine
manière, on peut dire que la Révolution
française a inventé la fraternité.
Bien
sûr, on rappelait, tout à l'heure, la tradition
judéo-chrétienne, bien sûr,
tous les éléments de la fraternité
existent auparavant, mais le formidable
ébranlement des mentalités que constitue la
révolution, ébranlement de la
société dans ses profondeurs, dans ses rapports
sociaux, dans ses
affrontements, dans ses luttes de classes aussi, ce formidable
ébranlement des
mentalités qui constitue la révolution, donne
à la fraternité une signification
nouvelle et en fait un levier, un levier qui variera suivant les
moments de la
révolution selon les protagonistes, selon les
groupes qui vont vivre les
événements révolutionnaires. Il faut
rappeler, bien sûr, qu'elle était
déjà
présente dans la philosophie des Lumières. La
conception de la fraternité, ou
mieux vaut dire une des conceptions de la fraternité, car
elles sont diverses
dans la révolution, étaient
déjà présente dans la philosophie des
lumières et
dans la nouvelle culture qui se répandait depuis une
cinquantaine d'années. La
fraternité va prendre, dans la première phase de
la révolution, la forme du
trait d'union entre les patriotes. Ceci de Juin 1789 jusqu'à
la proclamation de
la République après la fuite du roi et son
arrestation. Elle va ensuite
s'éprouver dramatiquement sous la Terreur, de Septembre 1792
au 9 Thermidor,
c'est-à-dire au 28 juillet 1794. Enfin, elle va, je crois
qu'il faut dire se
pervertir sous la Convention thermidorienne et sous le
Directoire jusqu'au
coup d'état césarien de Brumaire. Examinons
tout
d'abord, la fraternité très
révolutionnaire, celle de la pensée des
lumières
qui va précéder la révolution.
L'enquête très minutieuse
menée par Marcel
David, dans son livre sur la fraternité dans la
Révolution française, trouve de
nombreuses traces du sentiment de fraternité
puisque la fraternité est d'abord
un sentiment, avec la richesse et les risques aussi que cela comporte.
Précisément, la philosophie va tenter de lui
faire franchir les limites que
peut-être le sentiment risque de lui assigner. Elle
y parviendra très
difficilement. C'est probablement l'une des interrogations qui
demeurent pour
la pensée contemporaine. L'encyclopédie,
pour laquelle le terme a d'abord une connotation
passéiste quand on lit
l'article « fraternité » y voit d'abord
le symbole de sentiments partagés dans
le passé : le passé de la fraternité
d'armes, c'est la fraternité d'ordre
religieux très profondément
décrié au XVIIIème siècle.
Elle énumère ensuite les
principaux traits de la fraternité sous d'autres termes :
l'humanité, la
bienveillance, la tolérance, mais elle le fait non pas
à propos de la
fraternité, mais lorsqu'elle réfléchit
sur l'égalité. L'Encyclopédie
déjà
montre ce problème qui va consister à situer la
fraternité au carrefour
d'autres valeurs ou d'autres concepts. Elle la relie à une
morale du bonheur
couronnant l'édifice des vertus et inclinant à la
fraternité, fraternité qui
secrète la modération, la tempérance,
la confiance nous dit l'Encyclopédie. Avec
Rousseau, la
fraternité ne sera plus confinée dans la seule
sphère privée, ce qui est encore
le cas dans l'Encyclopédie. Dans le «Discours sur
l'inégalité» dans les
«Considérations sur le gouvernement de
Pologne» dans la «Lettre à
d'Alembert»
il va rapprocher la fraternité et la raison, la
fraternité et la patrie, la
fraternité et l'humanité. Dans le
«Contrat social», la fraternité
ne devient
pas un principe fondateur pour Rousseau ni une perspective
téléologique qui
s'imposerait à l'histoire mais elle signifie la
reconnaissance de l'autre comme
l'égal de soi en liberté naturelle. Elle est
sentimentale et on a pu dire qu'elle
était l'équivalent affectif des postulats
juridiques du «Contrat social» de
Rousseau. Au fond, la trace d'une nostalgie de la transparence. Cette
fraternité rousseauiste et le colontarisme
égalitaire du «Contrat social»
constitueront les références explicites pour les
Jacobins rassembleurs d'un
peuple bon et vertueux. Et Rousseau va finalement cantonner la
fraternité dans
le sentiment et sa manifestation : cela va être la
fête ; c'est la fête qui va
donner son champ de possibilités à la
fraternité. Mais
au-delà de la
littérature, on peut invoquer aussi toutes sortes de
textes qui montrent de la
fraternité une vision concrète de la
bienfaisance, de l'amitié, qui manifeste
une réaction prudente, par exemple dans les
académies contre la société
d'ordre
mais on recourt peu au mot fraternité. Quand on
échenille tous ces textes
extrêmement nombreux qui sont donnés dans
tous les concours des académies
locales par exemple, les frères du langage courant restent,
pour la plupart des
hommes du XVIIIème siècle, les membres
des ordres religieux décriés dans une
large mesure. D'autre part, bien sûr, le christianisme au
XVIIIème siècle
contribue à préparer le thème de la
fraternité, disons par une transformation
déjà de la symbolique de la mort qui s'humanise,
ce n'est plus seulement
l'enfer ou l'au-delà, mais cela devient aussi ces
réalités très humaines que
sont la maladie, la misère et qui commencent à se
superposer dans la mentalité
sur les thèmes dramatiques qui servaient de supports
à la pensée sur la mort qui
concerne évidemment tous les êtres. Mais
le terme de la
fraternité va être l'apanage de la
Franc-Maçonnerie et les loges et les
ateliers sont des fraternités ; à
l'intérieur des loges la fraternité est
un
devoir, à l'extérieur une simple
humanité. La discrétion et la discipline des
rites et du secret permettent l'amitié et la
fraternité, condition du bon
travail maçonnique. Il y a eu beaucoup de discussions, bien
sûr, sur
l'influence de la Franc-Maçonnerie et de la
fraternité maçonnique dans la
Révolution. Elle apporte un courant démocratique
car la Maçonnerie pratique
l'élection aux responsabilités, insiste sur
l'égalité qui est étrangère
à la
société d'ordre, mais en même temps, la
pratique maçonnique du XVIIIème
siècle
souvent est aussi encore largement empreintée au
passé. L'amitié dûe au
prochain est une charité qui implique des
sentiments fraternels en
Jésus-Christ comme ceux des premiers chrétiens.
Elle se recoupe souvent avec
l'idéal de la société d'ordre, la
concorde entre les hommes et entre les ordres
ou les groupes au nom du bien commun. La fraternité qui fait
que, par exemple,
dans la perspective monarchique les ordres doivent être unis
comme les frères
d'une même famille dont le roi est le père. La
fraternité des
loges s'exprime par la bienfaisance qui prend de plus en plus
d'importance au
fur et à mesure que l'on avance dans le XVIIIème
siècle et que l'on se
rapproche de la Révolution. Elle couvre un très
vaste champ qui permettra à la
fraternité concrète des loges de se manifester.
Fraternité concrète qui va
anticiper sur un certain nombre de manifestations de la
fraternité des groupes
révolutionnaires. Ainsi, parfois
mélangée à une vision
ancienne, la fraternité
liée au bonheur, au sentiment de
l'égalité naturelle cheminait ; elle va
s'épanouir
dans les premiers temps de la révolution. La
première période révolutionnaire
est celle qui s'étend des Etats
Généraux jusqu'à la proclamation de la
République et elle connaît d'abord une grande
année heureuse passée la grande
peur de l'été 89. La fraternité va
être le trait de l'union entre les patriotes
et c'est comme cela, me semble-t-il, que l'on peut le mieux la
définir, avec,
bien sûr, d'autres courants. Mais les Etats
Généraux sont ouverts par un
discours de Barentin, ministre du roi, au nom du roi, qui
évoque la fraternité
et qui demande aux députés de prendre un
engagement solennel qui les lierait
dans tous les noeuds de la fraternité. Mais il y avait une
équivoque dans les
propos de Barentin qui ne tranchait pas : s'agissait-il de la
fraternité de
l'union des ordres dans la famille dont le roi est le père
ou s'agissait-il de
la fraternité égalitaire du vote par
tête que le Tiers-Etat comme vous le savez
va finalement imposer. La Déclaration des Droits va
éviter le terme de
fraternité ; l'une des raisons de cet évitement
c'est l'équivoque qu'il
recouvre encore à cette période de la
révolution. Fin 89, courant 90, même si
la constitution évite le terme sauf de façon tout
à fait marginale, et pour des
raisons que nous verrons, les références
à une fraternité de large union vont
se multiplier. Mais le silence de la Déclaration ne
signifiait pas seulement
le contournement des équivoques que pouvait
représenter le mot. C'était aussi
le choix de l'égalité en droit qui restait
compatible avec la prédominance
bourgeoise et qui était étayée par la
sacralisation de la propriété
à laquelle
la Déclaration procède comme vous le savez. D'autre
part, en
1971 puis 92, les difficultés vont s'accroître,
difficultés religieuses,
difficultés financières ; le double jeu du roi
inquiète, une fraternité
populaire va prendre ses distances par rapport à la
fraternité de large union
des débuts de la révolution.
Fraternité de large union dont l'expression va se
trouver dans le serment prêté par les gardes
nationaux lors de la fête de la
fédération un an après le
début de la révolution, le 14 juillet 1790. Il a
été
précédé de prestations de serment dans
tout le pays, les gardes nationaux qui
vont mélanger des pratiques très anciennes, avec
la fraternité de tous les Français
au-delà des anciennes provinces, au-delà des
limites des ordres et le roi va
s'adresser à La Fayette : «Dites-leur que le roi
est leur père, leur frère,
leur ami ». Les fédérés
prêteront le serment de demeurer unis à tous les
Français par les liens indissolubles de la
fraternité. L'année
heureuse,
1790 (les historiens l'ont appelée l'année
heureuse) culmine dans cette fête
de la Fédération. Ce ne sont pas des sujets qui
prêtent le serment de fidélité
au monarque, ce sont des citoyens d'une même patrie. Camille
Desmoulins,
emporté par son enthousiasme
révolutionnaire, affirmera que vingt cinq
millions de Français l'ont prêté,
c'est-à- dire presque la totalité de la
population de l'époque ; il était loin de la
réalité : l'ont
prêté les
patriotes et les troupes de ligne qui ont participé
à toutes ces cérémonies. Mais
je citerai ici
une prédication faite par le prédicateur du roi
à Notre- Dame, prêtre ayant
participé à la prise de la Bastille, cherchant un
enrichissement mutuel avec
les Francs-Maçons ; il sera prêtre
assermenté et fait la théorie de cette
fraternité dans un sermon au roi car il est
prédicateur du roi
constitutionnel, à Notre-Dame. Il définit la
fraternité comme un principe à
substituer au désordre, au vice, au despotisme qui
découlent de l'intérêt
personnel. L'accent rousseauïste est très sensible
; il prône la fraternité
obligeant les citoyens à se conformer à la loi,
souveraineté de la volonté
générale, la loi expression de la
volonté générale, raison de la société.
Et il va
faire apparaître dans l'histoire la triade
républicaine lors de ce sermon en
parlant de la liberté oecuménique, de la
fraternité générale, de
l'égalité
universelle comme base d'un régime politique et la
fraternité telle qu'il
l'envisage s'étend au genre humain et se relie d'ailleurs,
par la religion au
Dieu, père de toutes les patries. C'est
ensuite le
décret du 22 mai 1790 qu'il vaut citer, par lequel la nation
française s'engage
à ne jamais diriger ses armes contre la liberté
d'aucun peuple, décret dont,
bien sûr, l'histoire verra une utilisation diverse. Ainsi, la
fraternité
couramment est reliée, maintenant, à
l'égalité et à la liberté :
elle l'est au
Club des Jacobins, elle l'est à l'Assemblée et,
par exemple, l'abbé Grégoire,
cette grande figure du clergé constitutionnel, en septembre
1791, dans un
discours à l'assemblée, va, lui aussi, utiliser
cette triade républicaine et
montrer que c'est l'union de la fraternité et de la
liberté des hommes égaux,
égaux en droit, qui fonde la révolution et le
nouveau régime politique. On va
la voir aussi apparaître dans la
législation. En 1790, tous les Français
sont
frères et ne composent qu'une seule famille dans un
décret du 8 janvier 90.
Dans un décret du 8 août 1790 qui abolissait le
droit d'aubaine, cet ancien
droit féodal qui permettait aux seigneurs de s'emparer des
biens de l'étranger
qui mourait sur le territoire de la seigneurerie : l'abolition de ce
droit
d'aubaine va se faire au nom de la fraternité qui lie tous
les hommes quels que
soient leur pays et leur gouvernement. Il est
étrange que la constitution de
1791 n'utilise pas le terme. La constitution de 1791 ne l'utilise
qu'une seule
fois dans un article additionnel au titre I qui la cantonne
dans les fêtes
nationales destinées à entretenir le souvenir de
la révolution. La constitution
n'en parle ni aux articles consacrés à
l'instruction civique qui va permettre
de diminuer l'inégalité ou à
l'organisation d'établissements pour les enfants
abandonnés, pauvres, sans travail ; mais ce texte
n'est pas relié à la
fraternité. Elle cantonne la fraternité dans les
fêtes. Mais, entre-temps, est
intervenue la distinction que la constitution va imposer entre citoyens
actifs,
payant au moins un marc d'argent, seuls électeurs ou
éligibles. Et malgré
Camille Desmoulins, malgré l'abbé
Grégoire, malgré Condorcet, malgré
Robespierre,
malgré Pétion, malgré Marat aussi, qui
protestaient contre le refus du suffrage
universel, la constitution instaure un suffrage censitaire. Et la
fraternité
n'apparaît pas aux constituants comme incompatible avec cette
moindre
participation du peuple aux institutions, à la
société politique. Ces
difficultés
peuvent aussi se mesurer par le recul difficile des
discriminations dans ce
premier temps de la révolution, discriminations
religieuses ancrées dans une
pratique ancestrale. Les Juifs se voient reconnaître
difficilement la
citoyenneté dans des aires territoriales encore
délimitées. Difficultés
linguistiques aussi, le français est imposé
à l'encontre des patois et je parle
en Alsace qui était ressenti comme une atteinte à
l'égalité réelle entre les
Français. Difficultés et discriminations envers
les esclaves. On n'abolira pas
l'esclavage, c'est la Convention qui l'abolira plus tard,
malgré un remarquable
plaidoyer pour cette abolition de l'abbé
Grégoire. Discriminations sur la base
du sexe. En 1791, des sections militantes créent des
associations où on débat
de toutes questions entre citoyens et citoyennes mais malgré
Marat, on leur
refuse le port d'armes, on supprime leurs journaux, on
arrête leurs chefs. La
situation se tend et l'hostilité se manifeste
envers les cercles populaires où
apparaît l'idée de la confiscation du
superflu de chacun pour assurer à tous
le nécessaire. Ces cercles d'ailleurs ont une
audience encore faible malgré
quelques grandes voix comme celle de Camille Desmoulins qui leur donne
leur
retentissement. La
fraternité est
assimilée à l'égalité
réelle ; elle apparaît dangereuse ici, aux
constituants,
comme la fraternité concrète des sections
populaires du peuple parisien. Mais
dans les provinces aussi cette fraternité
concrète s'approfondit : elle
organise matériellement à la fois un certain
nombre de tâches qui relèvent de
la société politique, comme le recrutement des
volontaires et diverses
opérations qui relèvent de la
société politique, pratiquant une sorte
de
démocratie directe implicite, et, d'autre part, une
série d'institutions de
bienfaisance malgré les interdictions des
associations économiques et sociales
que la révolution a proférées par la
célèbre loi Le Chapelier qui constitue
encore à l'heure actuelle la base d'un des délits
du code pénal, celui
d'opposition à la liberté du travail et qui
interdisait aussi la
reconstitution de toute association de travail.
Concrètement, les sections
sans-culottes commencent à pratiquer une association qui,
d'une certaine
manière, tourne cette loi, même si elle se fait
ici en plein accord avec les
autorités. Au total, malgré une large mutation
révolutionnaire et l'annonce de
difficultés, en toute cette période de la
révolution, la fraternité n'est pas
liée à la violence, ou très rarement,
et quand elle l'est, elle l'est de
manière défensive. C'est la violence de la
fraternité contre les brigands. On
va se prêter une aide fraternelle contre les
brigands durant l'été 89, contre
les accapareurs ; elle s'étend à tous les
Français patriotes, elle est reliée
à l'égalité et à la
liberté, avec beaucoup de prudence pour la
première mais,
surtout, elle était maintenant dans les idées, si
ce n'est bien sûr dans les
textes, une triade devenue implicite et parfois explicite dans les
discours de
certains que j'ai évoqués ; elle était
la triade de la liberté, de l'égalité
et
de la fraternité, la triade dominante de ce
régime qui était la loi, la nation,
le roi, et cela pendant que la révolution va entrer
en guerre et bientôt
juger, condamner à mort et exécuter le
père de la nation d'ancien régime :
Nouvel acte fondateur, acte irrévocable, le meurtre
du père et, bien entendu,
nous évoquons immédiatement le freudisme ici,
mais deuxième acte fondateur de
la révolution et ici fondateur de la
République. Nous
arrivons alors
à une troisième phase, celle de la
fraternité éprouvée dans et par la
Terreur
qui s'étend de Septembre 1792 jusqu'au 9 Thermidor,
jusqu'à l'arrestation et
l'exécution de Robespierre. La
fraternité va
trouver des acceptions différentes. Il y a ici un travail
sur le sens qui est
très porteur. Le père monarchique ne peut plus
être le maillon de la chaîne de
la fraternité. Les dangers sont terribles, la violence se
déchaîne, elle va se
mélanger à la fraternité. Je dis se
mélanger à la fraternité,
j'essaierai de
montrer que je ne crois pas qu'on ait à faire
l'assimilation. On
va voir
apparaître de nouvelles fraternités. Les
sans-culottes, les militants
sectionnaires, ne sont plus maintenant des citoyens passifs
cantonnés dans la
tolérance de leur bienfaisance organisée
malgré les interdictions des
associations. Ils ne sont plus des citoyens passifs, au contraire, ils
deviennent les meilleurs garants de la sauvegarde de la
République et le
pouvoir n'exprime plus sa réserve devant la
fraternité comme égalité sociale.
Cela va être manifesté par la loi du maximum
général des prix qui est votée
sous l'impulsion, sous la pression des sans-culottes parisiens, du
peuple
sectionnaire de Paris, et qui tente de maintenir le niveau de vie de la
population. Elle va aussi proclamer, sans commencement
d'exécution, à dire
vrai, le partage du bien des émigrés en faveur
des démunis, ce qui a été aussi
une manoeuvre parlementaire de Saint-Just dans un moment
extrêmement difficile
de la Révolution, dans les derniers mois de
l'existence du Comité de Salut
Public robespierriste. Les critères de l'exclusion de la
fraternité vont
changer, elle n'englobe plus les Français patriotes mais
seulement les bons
citoyens, ceux qui possèdent les vertus
nécessaires à l'adhésion à
une
République une et indivisible. La triade va
disparaître et quand la fraternité
apparaît, c'est presque toujours dans l'expression
liberté, égalité, unité,
indivisibilité de la République fraternelle. Ce
sont ces hommes dont le
courage, le désintéressement, la vertu doivent
être à la hauteur des dangers
présents, qui constituent l'association fraternelle. En
dehors des vertueux il
n'y a guère de place dans cette acception là de
la fraternité. Dans les
derniers mois de la Terreur, Robespierre dérive vers une
sacralisation, d'une
certaine manière, me semble-t-il, la fuite dans
l'irréel, dans une
sacralisation religieuse qu'il tente d'imposer ; il substitue
à l'unanimisme
rêvé des vertueux étendu à
la totalité de la nation le
théâtre de la religion
que la force de la République tente d'imposer. Et c'est
l'unanimisme jacobin,
l'unanimisme qui va prouver aussi par la terreur les
possibilités, les
équivoques de ses exigences. La liberté, le salut
de la République, déduisent
toutes les virtualités des contradictions de 89 ; la
sacralisation est un signe
de la conception monarchique absolue qu'on avait de la
souveraineté et qu'on a
accolée à la souveraineté de
l'Assemblée, disais-je en commençant cet
exposé.
La fraternité va se dédoubler : il y aura celle
des jacobins, cette morale des
patriotes qui évoque pour l'avenir les doux liens
de la fraternité pour un
avenir radieux, mais qui va durcir la fraternité
devant le danger
contre-révolutionnaire qui refuse
l'unanimité trompeuse qui émousserait le
refus de pactiser avec l'adversaire, qui va renforcer la
résolution sans pitié
contre ceux qui voudraient disputer le monopole du pouvoir. A
côté de celle
des jacobins, celle des sans- culottes, pas exactement la
même, aussi dure que
celle des jacobins, mais elle s'accompagne de fraternisation militante
pour
exclure, par exemple, les modérés des
responsabilités dans les sections ; une
section va fraterniser avec les sans-culottes d'une autre
section, fait
irruption, manipule les assemblées des sections et cette
fraternisation exprime
souvent une conception de la pratique de la volonté
fraternelle qui utilise la
violence. Elle s'appuie aussi sur une très forte
fraternité concrète qui est
réclamée pour l'immédiat avec la
pression pour la distribution des biens des
émigrés, la pression pour la
création d'institutions de bienfaisance diverses
qui s'exaltent souvent et débordent dans quelque chose qui
rappelle aussi le
retour de ce que l'Ancien Régime appelait les
émotions populaires, avec présent
dans ces évènements le goût morbide du
sang et du meurtre et de la mort. La
fraternité va rencontrer la violence et la mort. La Terreur
déchaîne la
violence à l'encontre des contre-révolutionnaires
mais la révolution aussi va
dévorer ses enfants dans la lutte des factions. La
détermination des
montagnards va ériger la guillotine en instrument de la
réalisation de l'idéal
révolutionnaire et elle va suspendre les garanties
constitutionnelles, la loi
des suspects va retirer toute protection. Le centre d'exclusion, le
critère
d'exclusion de la fraternité contrairement aux
périodes précédentes, nous avons
vu qu'il y avait certaines discriminations, devient la
suspicion. Certes,
l'esclavage sera aboli, la fraternité gardant
lointainement une vocation
universelle mais l'angoisse aidant, ou aussi les pulsions violentes qui
ne sont
pas la fraternité, mais qui en
véhiculèrent l'expression, la force
terroriste
radicalise une fraternité telle que celle de Caïn
et Abel. Une
analyse très
serrée montre néanmoins que le terme de
fraternité est très rarement associé
à
la mort. La mort est associée par la Terreur à la
liberté et à l'égalité
très
souvent. Elle est associée, dans l'expression
liberté, égalité ou la mort,
liberté,
égalité, unité,
indivisibilité ou la mort, fraternité ou la mort.
La triade
républicaine disparaît. Elle disparaît,
ce qui en reste c'est la liberté,
l'égalité ou la mort le plus souvent,
très souvent aussi accompagnée de
l'unité ou d'indivisibilité. L'unité,
l'indivisibilité au prix de la mort. La
mort de soi pour la liberté, mais aussi la mort de l'autre
pour la liberté. La
fraternité, il ne faut pas la confondre, comme on le fait
trop souvent, on dit
qu'elle est devenue un instinct de meurtre dans la Terreur, non, elle
est
englobée, elle est fondue dans l'unité
indivisible d'une République abstraite
et souveraine ; je crois qu'il vaut mieux dire qu'elle s'efface qu'elle
disparaît et, de fait, lorsque on oblige les
républicains et citoyens à inscrire
sur leur propre maison ces devises, liberté,
égalité ou la mort, liberté,
indivisibilité, unité, fraternité ou
la mort, la mort est le plus rarement
associée à la fraternité.
Après la chute de Robespierre, la fraternité va
refleurir puis je crois, dans une large mesure, se dissoudre
à travers
peut-être un certain nombre de corruptions ou de
perversions pendant le
Directoire, c'est la dernière phase de cette
période révolutionnaire. D'abord
le retour à la fraternité large, mais la
fraternité des seuls républicains, le
Directoire va lutter contre les tentatives
contre-révolutionnaires des
monarchistes. Les républicains ce ne sont plus ceux de l'An
II maintenant, les
douceurs de la fraternité sont
réservées aux gens instruits, aux gens
matériellement à l'aise, à ceux qui
participent aux suffrages censitaires et la
discrimination dans la fraternité va substituer à
la suspicion de la période
précédente, le critère du
rattachement à la France qui travaille, qui
prospère, la France consciente de ses droits et de ses
devoirs. La Convention
thermidorienne puis le Directoire vont reprendre la tradition
de la
législative ; la fraternité ne concerne la
société publique que dans
l'organisation des fêtes. Elle va être
cantonnée dans la fête et la
nécessité
de la lutte sur deux fronts contre les jacobins
intransigeants, contre les
monarchistes, va entraîner un effacement assez rapidement de
ces références à
la fraternité. Une annulation des mesures
révolutionnaires qui avaient été
favorables aux sectionnaires, abolition de la loi du maximum qui
entendait
lutter contre la hausse des prix, l'apparition de nouvelles
discriminations (on
ne distribue plus les fusils qu'aux bons citoyens), la fermeture des
clubs, la
dépanthéonisation de Marat, toutes mesures qui
vont alors enclencher une
nouvelle fraternisation, plutôt que
fraternité, populaire sans relais cette
fois-ci avec le pouvoir, dans l'émeute qui se
termine par la répression par
une armée qui ne fraternise plus. La
fraternité
jacobine n'ose plus dire son nom. La liberté,
l'unité, l'indivisibilité de la
République ne sont plus revendiquées
qu'indirectement par ces révolutionnaires
; on dira, par l'intermédiaire du recours à la
constitution 1793 «nous voulons
du pain », le thème de la fraternité
s'efface. Les fraternisations adverses
vont s'affronter ; celle de la vengeance, celle des royalistes, celle
des
terreurs blanches qui manifesteront une fausse
fraternité, que le Directoire
mettra en parallèle, par lesquelles il tentra
d'équilibrer celle des jacobins
que l'on va qualifier d'anarchistes. Le Directoire va en venir, dans
cet
effacement du recours à la fraternité,
à l'appel à la haine, faisant prêter le
serment de haine à la monarchie et bientôt aussi
à l'anarchie. A l'anarchie,
c'est-à-dire que le serment civique maintenant, le serment
civique qu'on
prêtait sous la Convention, que prêtaient tous les
fonctionnaires à la liberté,
à l'égalité, à la
fraternité, à l'indivisibilité,
maintenant se fonde sur la
haine ! il y a véritablement un effacement du
thème de la fraternité. Elle va
s'exclure de la politique. Il ne fallait pas la confondre avec la mort,
il ne
faut pas la confondre avec cet effacement ; si les régimes
politiques
l'effacent, la fraternité va retourner à la vie
sociale fragmentée, celle des
loges, celle de l'Eglise constitutionnelle, celle aussi de l'Eglise
romaine qui
retrouve la fraternité d'ancienne acception, celle aussi
ambiguë des relations
internationales de la République qui va propager une
hypocrisie et parfois des
équivoques. Les républiques soeurs vont
expérimenter la fraternité des armées
d'occupation d'une république à laquelle elles
demandent une aide fraternelle,
et ces termes, vous savez que l'histoire les reprendra de nombreuses
fois,
l'aide fraternelle, une aide fraternelle qu'elle élude
soigneusement en son
sein dans la pratique directoriale. Une certaine hypocrisie s'instaure
ici dans
les relations internationales avec tous ceux qui attendent de
la fraternité
qu'elle étende son audience et son règne. La
fraternité au fond s'estompe devant
le cynisme politique mais sans doute aussi s'estompe-t-elle comme un
germe
profond enfoui dans un sillon béant qu'avait
tracé un destin grandiose même
s'il fut aussi sanglant dans les périodes les plus dures.
Elle se maintiendra
hors du politique, généralement revêtue
par l'ordre juridique d'une qualification
délictuelle puisque les associations sont interdites. On va
la retrouver dans
les premières associations du mouvement ouvrier, dans les
ligues clandestines
des républicains, telle la Ligue des Droits de l'Homme.
Cinquante ans après, la
constitution de 1848 voulut la faire entrer dans l'ordre juridique et
instaura,
pour la première fois dans l'histoire, une nouvelle
catégorie des Droits de
l'Homme. Avec cette constitution, après les droits
liberté de 1789,
apparaissent les droits, créances de l'individu sur la
société créance envers
la société. Et apparaît
l'idée qui se développera d'une
manière considérable
au XXème siècle, à travers en
particulier toutes les institutions de protection
sociale, l'idée que la société a des
obligations vis-à-vis des citoyens. Timide,
fragile
pendant longtemps, la fraternité connaît un grand
destin au XXème siècle cette
vision de la fraternité muée en
solidarité et en dette de la société
à l'égard
des citoyens. Destin tragique à nouveau et trop
souvent, la fraternité,
autrefois malmenée par les contradictions des droits
idéaux d'un individu
abstrait à la liberté et à
l'égalité abstraites, la
fraternité va parfois
étouffer dans celle des libertés et de
l'égalité réelles de l'homme concret
des
autoritarismes. Et peut-être que notre réflexion
pourrait se tourner ailleurs
que dans une sorte de circulation qui s'apparente à
une mécanique, une
circulation des dialectiques des métaphysiques
anciennes. Dialectiques des
métaphysiques anciennes dont la pensée
contemporaine vit la crise et
s'affronter à ces pensées contemporaines qui
questionnent l'humanisme ; on
parle de la crise de l'humanisme, la crise philosophique de l'humanisme
ne
signifie pas la crise de l'homme, elle signifie la crise d'une
construction
philosophique de l'homme, qui fonctionne peut-être
à l'instar de nos
techniques comme une circulation des dialectiques anciennes, disais-je.
Je
dirai simplement, puisque j'arrive au terme de cet exposé,
nous arrivons au pied
du mur et peut-être au coeur de l'homme. Au pied de ce mur de
la crise
contemporaine de la pensée humaniste qui doit
affronter cette crise. La
fraternité pourrait-elle nous aider à nous faire
la courte échelle pour aller
voir au faîte du mur ? Je ne le crois pas si elle voulait
sous-tendre
sentimentalement, et par une sorte d'habitude, l'humanisme
théorique d'un
homme théorique, oui sans doute, si, nous arrivons
à construire une pensée qui
permettrait d'entrevoir le désir d'un
événement, la projection entraperçue
d'un
homme vrai, se découvrant autre que
lui-même par l'autre, ce frère-là en
nous-même, un étrange inconnu, une terre
étrangère, un événement
irréductible
dans les contraintes actuelles du monde et de la conscience. |
P074-C | L'EDIFICE - contact@ledifice.net | \ |