GLDF | Revue : Points de Vue Initiatiques | 3T/1989 |
Les chemins de la Fraternité...............Suite : 9ér orateur Michel BaratNous vous remercions
Monsieur Salvador Gamiz Fernandez, Grand Maître de la Valle de Mexico. Vous nous avez
rappelé que la maçonnerie si elle est traditionnelle est en même temps une
oeuvre de progrès, que les maçons sont des hommes de progrès parce qu'ils sont
des hommes de tradition et que si ils sont des hommes de tradition c'est parce
qu'ils sont aussi des hommes de progrès. Vous avez rappelé
aussi l'un des défis des temps modernes et des temps contemporains face à
l'indifférence c'est celui de l'avenir : cet avenir passe par l'éducation.
Santé éducation disiez-vous récemment, santé et éducation reprenez-vous
maintenant avec force. Le temps est
maintenant venu de faire la synthèse des travaux de ce jour avant de donner la
parole aux Grands Maîtres puis au Grand Maître de la Grande Loge de France pour
tirer les conclusions finales. Nous avons choisi
le site de Strasbourg pour nos Rencontres internationales pour trois raisons.
La première c'est qu'a Strasbourg, jadis, les maçons opératifs de toute
l'Europe se réunissaient. La seconde parce que ce qui est aujourd'hui la
Marseillaise fut chantée pour la première fois à Strasbourg. Enfin parce que
Strasbourg est une ville européenne et que son parlement a son siège à
Strasbourg. Vous me permettrez
de reprendre cette première référence symbolique
en vous faisant une citation
d'Edouard Jeanneret. Vous ne connaissez peut- être pas le nom
d'Edouard
Jeanneret, je dirai donc Le Corbusier. Et en nommant Le Corbusier par
delà
l'Atlantique, par delà ses successeurs je me tournerai vers nos
Frères
d'Amérique Latine parlant non pas l'espagnol mais le
portugais, à savoir le
Brésil. Voilà ce qu'il disait quand les
cathédrales étaient blanches :
«L'Europe une fois déjà avait organisé les
métiers à la requête impérative des
techniques. Il nous importe aujourd'hui d'organiser les métiers
non pas sur
l'organisation hiérarchique, non pas selon la simple
organisation technique,
mais sur la seule organisation qui puisse tenir entre les hommes qui
est celle
de la fraternité». Ici dans ce Parlement
européen la Grande loge de France
faisait référence à la Révolution
française, cela est vrai. Mais nous disons
aussi avec force que si les Etats-Unis d'Amérique s'ils
célèbrent l'abolition
de l'esclavage ne célèbrent pas les massacres de la
guerre de sécession et qu'à
l'image des peuples anglo-saxons sur ce point nous
préférons commémorer la
Déclaration des Droits de l'homme et son écho en 1948, la
Déclaration
Universelle des Droits de l'homme. Nous avons entendu
en fait que se posaient deux types de problèmes. Le premier était celui de
l'ordre de la révolution juridique. Monsieur Babinet nous en a retracé les
espoirs mais aussi les déviations, les perversions voire les abandons. Les
espoirs nous avons su les entendre dans la bouche du Grand Maître de la Valle
de Mexico quand il nous retraçait l'influence maçonnique et l'influence
française pour la naissance de la fraternité, de l'indépendance et de la
souveraineté nationale des pays d'Amérique latine. Mais nous voyons ici qu'il
s'agit de la Révolution juridique, c'est- à-dire de la Révolution dans laquelle
chacun contracte avec l'autre, dans laquelle les volontés s'accordent,
c'est-à-dire déjà du progrès dans lequel nous passons de la simple nécessité de
la nature à celle de la loi de volonté libre des hommes. Ces conquêtes nous les
revendiquons, ces conquêtes nous en demandons l'expansion. Mais nous avons
aussi entendu le Grand Maître Ricardo Noriega Salaverry, le Grand Maître Alejo
Neyeloff, qui nous parlaient de ces pays qui pour nous semblent lointains mais
qui ont entendu à un certain moment ces appels de fraternité nés de la culture,
de la philosophie européenne telle que Henri Tort-Nouguès les avait décrites.
Ces pays ont cru aussi dans les techniques dans cette Europe Prométhéenne qui
justement connut le décollage tant économique que démocratique parce qu'elle
avait su maîtriser la matière. Mais ce qu'il. nous disait c'est que la société
duelle commençait à envahir Lima, les pays andins et ceux d'Amazonie. Alors ce que nous
pouvons dire c'est : A quoi bon ces progrès, à quoi bon ces cultures, est-ce
que la culture et la civilisation deviendraient ennemies et ne pourraient point
se joindre. L'interrogation ici est importante car nous touchons la deuxième
révolution qui fut évoquée, la révolution technologique, tant la révolution
industrielle du 18ème siècle que la révolution technologique d'aujourd'hui, des
technologies de pointe qui sont propres à des pays européens, et aux pays qui
ont absorbé la culture européenne, qu'il s'agisse des Etats-Unis d'Amérique du
Nord et qu'il s'agisse du Japon sur ce point là ; en ce sens ils sont
occidentaux et européens. Cet ordre de la technologie c'est celui de la
personne avec le monde, du «je» au chose et de la domination. Peut-être
avons-nous décelé que ces révolutions économiques, industrielles et
technologiques, par l'appât du gain par la force des choses aussi, avaient pu
pervertir les espoirs nés de la fraternité tant philosophique que la
fraternité juridique naissante dans la philosophie du 18ème siècle et au cours
de la Révolution française. Nous sommes donc
amenés à la fin de ces travaux à nous demander comment cette perversion est
évitable, comment cette fraternité au lieu de s'étioler pourrait se poursuivre.
Et nous avons l'habitude en Maçonnerie de faire une référence qui est celle
d'une autre révolution, le mot vous paraîtra peut-être fort, c'est celle que
nous pouvons appeler une révolution symbolique, c'est-à-dire de permettre aux
individus de se donner les schèmes de représentation leur permettant de
profiter des acquis des révolutions juridiques, des acquis des révolutions
technologiques et des révolutions juridiques, ces révolutions technologiques
peuvent se pervertir en totalitarisme si les consciences ne savent en profiter
et ne savent les comprendre ; nous savons aussi que, si ces consciences ne
savent se les approprier, elles peuvent se transformer en leur contraire.
Prenons pour exemples ceux donnés par Madame Veil en ce qui concerne les
difficultés que connaît la démocratie hors d'Europe. Je me tourne vers notre
ami péruvien, il connaît cela durement aujourd'hui car au nom d'une cause
politique mystique, au nom d'un retour à des idéaux peut-être nobles au point
de départ, mais devenus faussement mystiques, le Chemin Lumineux entrave tous
les progrès de son pays. Je me tournerai
aussi vers le Grand Maître d'Argentine qui a lutté contre des schèmes
intellectuelles figées aux pays riches, à l'Europe, aussi à l'Amérique du Nord
: qui pouvait, en effet, imaginer dans sa géographie symbolique que l'Argentine
avait besoin d'eau ? Nous voyons donc
ici que ce qui est en cause, c'est cette révolution symbolique qui permet aux
hommes de s'approprier les progrès, progrès dans l'ordre juridique, progrès
dans l'ordre technologique. En quoi consiste aujourd'hui
la construction des cathédrales de notre temps ? Peut-être s'agit-il
d'organiser ce métier d'hommes, ce métier qui nous permet de nous donner les
moyens de progresser sans tomber dans les faux paradis de l'illusion. Ce métier
exige que la lucidité de l'intelligence accompagne la volonté du coeur. |
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