GLDF Revue : Points de Vue Initiatiques 3T/1989

Les chemins de la Fraternité

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Suite :  12éme orateur

Michel Barat

Merci Emmanuel Méfane d'avoir rappelé les exigences de la fraternité surtout dans cette optique de la construction européenne qui, à nos yeux, ne saurait jamais être le repli des pays riches sur eux-mêmes pour garantir leurs richesses mais qui a une vocation d'universalité et d'ouverture sur le monde comme le disait notre Grand Maître Guy Piau, que l'Europe Patrie soit le premier pas de la terre Patrie.

Je donne la parole maintenant au représentant de la Grande Loge Suisse Alpina, à Guy Chevrolet.

Guy Chevrolet

Très Respectable Grand Maître, Vous tous mes frères et mes sœurs, Mesdames et Messieurs,

En ma qualité de Maître maçon, initié, il y a une trentaine d'années dans une loge de Suisse Romande, ainsi membre de la chaîne maçonnique uni­verselle et momentanément porteur de quelques responsabilités au sein de la maçonnerie helvétique, j'ai le grand honneur de vous apporter le grand salut fraternel de tous les maçons de mon pays.

Quelle joie de pouvoir ainsi vous passer le message par le moyen du seul passeport maçonnique valable, celui de l'individu maçon libre et conscient de la grandeur de son idéal. Et puis, puisque vous m'en donnez l'occasion, permettez-moi de vous rapporter quelques réflexions que nous, petits maçons suisses qui vous devons beaucoup, surtout nous Suis­ses romans, permettez-moi donc de vous rapporter quelques réflexions qui se font actuellement dans nos loges et en particulier dans nos loges de Suisse romande sur le thème justement qui nous a tellement préoccupé aujourd'hui, le Franc-Maçon à l'heure du choix, car il s'agit bien du choix d'une action.

Dans sa signification symbolique incomparable, la méthode initiatique confère aux maçons l'art, le langage et les outils qui lui permettront de construire le Temple idéal, c'est-à-dire harmoniser l'Homme aux lois uni­verselles.

Or, tandis que le maçon se forme, le monde profane vit, quant à lui, dans une agitation incessante qui l'éloigne des vraies valeurs. Ce monde pro­fane se fourvoie dans une imbrication invraisemblable d'intolérance et de sectarisme destructeurs, d'égoïsme et de violence stupides, nœuds de vipè­res où «l'homme individu» perd tout bénéfice de ses droits.

Le Maçon devrait-il, lui qui a reçu la lumière en privilège, considérer pas­sivement cette aberration et laisser le-monde profane construire sans lui un avenir où il saura que ses principes ne pourront jamais être acceptés. Bien entendu, il n'est pas question que le maçon se précipite les yeux fer­més dans une mêlée, les affaires profanes sont souvent pure agitation et le maçon qui cherche à s'harmoniser aux lois universelles ne peut s'insérer dans la politique stupide de l'instant présent.

En revanche, il sait que ses principes lui font un devoir d'aider les autres dans la réalisation d'un monde qui devrait être heureux. Pourquoi lui qui a reçu la lumière ne devrait-il pas être le moteur de cette réalisation diffi­cile, un moteur immobile sans doute selon l'expression d'Aristote «un moyen autour duquel la roue puisse tourner» ? Certains objecteront que le bonheur, un monde heureux est réalisation impossible et surtout utopi­que : le monde est ce qu'il est.

Cette attitude ne peut pas être celle du maçon, évidemment. Considéré dans l'absolu, il est vrai que la réalisation d'une idée peut s'avérer utopi­que. Il n'en reste pas moins que le maçon peut tout tenter, même l'impos­sible, pour se rapprocher de son idéal. Il en a d'ailleurs prononcé l'obliga­tion le jour de son initiation. Emile Zola a écrit «il faut vivre pour l'effort de vivre, pour la pierre apportée à l’œuvre lointaine et mystérieuse, la seule paix possible sur cette terre et dans la joie de cet effort accompli».

«C'est toute notre existence qui prend un sens, nous ne sommes plus per­dus dans un univers indifférent et muet. Nous sommes ceux pour qui la parole est dite ». Cette parole nous ouvre le sens de l'univers que ne peut percevoir le profane. Le Franc-Maçon libéré des préjugés, vainqueur des passions et pratiquant de la tolérance est peut-être le seul aujourd'hui à comprendre ou à pouvoir comprendre le monde ingrat et donc à pouvoir proposer les remèdes.

Autrement dit, il est avant tout pour le maçon nécessaire de se situer par rapport à une société intolérante, sectaire et en conséquence, violente et peu encline à placer l'Homme à la première place, celle qu'a voulu pour lui le Grand Architecte de l'Univers. Se situant, il verra que si son voisin profane est considéré comme simple objet au sein de la société moderne, c'est que lui-même est aussi considéré comme un simple objet au sein de cette société. Il s'agit dès lors pour le maçon de se former une idée à peu près correcte de ce qui l'attend dans les vingt ou trente années à venir.

Ainsi, bien des maçons souhaitent mieux comprendre ce monde où nous vivons, en raison même de ces tares. D'autres allant plus loin, veulent uti­liser leurs connaissances acquises, par l'initiation pour engager d'autres hommes, dans ou en dehors de la Maçonnerie, à travailler avec eux au bonheur de cette humanité, jouant de cette façon le rôle discret du moteur immobile ou de l'essieu qui permet à la roue de tourner. Ces maçons ne sont pas des irréalistes ni des utopistes, ils veulent simplement pouvoir appliquer dans leur totalité les principes généreux qui régissent la Maçon­nerie Universelle. Pratiquer l'introspection, aller au fond de son être et chercher la vérité, certes, mais ce n'est là que la première partie des princi­pes maçonniques. Le rayonnement, le combat pour la tolérance, pour le progrès et le respect des Droits de l'Homme, ils considèrent que cela aussi fait partie du travail maçonnique. C'est de cette manière, estiment-ils, qu'ils prouveront la vérité de leur initiation et qu'ils se réaliseront.

Et si des Francs-Maçons apportaient à notre monde désarçonné «l'indis­pensable règle de vie, individuelle et sociale, qu'aucune autre autorité ne semble en mesure de trouver», en somme, les bases d'un nouveau sens de l'humain, d'un nouvel humanisme tel qu'on en a parlé aujourd'hui. Merci.

Publié dans le PVI N° 74 - 3éme trimestre 1989  -  Abonner-vous à PVI : Cliquez ici

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