GLDF Revue : Points de Vue Initiatiques 4T/1989

Le Grand Architecte de l'Univers

«La Grande Loge de France travaille à la gloire du Grand Architecte de l'Univers ». Cette affirmation lapidaire, qui figure dans notre Déclaration de Principes du 5 décembre 1955, est éclairée dans une certaine mesure par le Manifeste adopté unanimement à Lausanne le 22 septembre 1875 par le Convent Universel des Suprêmes Conseils du Rite Ecossais Ancien et Accepté. On peut lire dans ce texte fondamental : «La Franc- Maçonnerie proclame, comme elle a proclamé dès son origine, l'existence d'un principe créateur sous le nom de Grand Architecte de l'Univers ».

Par ces mots soigneusement pesés les plus hautes autorités de l'Ordre entendaient concilier, au delà des tensions idéologiques du dix-neuvième siècle finissant, la Tradition maçonnique et la liberté de conscience des Frères. Les débats parfois passionnés qui n'ont pas cessé depuis lors ont montré à la fois les vertus et les limites de ce texte.

Aussi n'est-il pas inutile de se demander quelle est encore sa signification, dans une période de bouleversements matériels et spirituels aussi rapides que profonds. Car si la Franc-Maçonnerie se veut le support d'une Tradi­tion, il s'agit d'une tradition ouverte et évolutive, qui vise à réunir les hommes dans le respect de leurs légitimes différences.

Un symbole

Il convient d'abord d'affirmer avec force que le Grand Architecte est maçonniquement un symbole et ne saurait être autre chose qu'un symbole. Toute tentative pour donner à ce concept un contenu précis relè­verait du dogmatisme et serait ainsi incompatible avec les fondements de notre Ordre.

Pourtant c'est un symbole bien particulier. Alors que notre langage symbolique est composé d'un grand nombre d'éléments figuratifs (outils, astres, figures géométriques, etc.) un seul échappe à cette matérialisa­tion : notre Grand Architecte.

Nous ne l'approchons en effet que par des mots, comme si quelque crainte révérentielle nous interdisait d'aller plus loin. Pourtant il eût été facile — et même plaisant — d'incarner un concept aussi anthropomor­phique qui stimule notre imaginaire du dix huitième siècle et rappelle à la vie le divin horloger du Frère Voltaire.

En fait il n'est rien de tel et le franc-maçon qui entend pénétrer la signifi­cation du Grand Architecte doit créer pour lui-même et s'il en éprouve le besoin une représentation de son symbole. Ce symbolisme, qu'on peut dire du deuxième degré, renvoie donc à un concept unique, dont chacun, loin de tout catéchisme, possède dans son Temple intérieur l'image entiè­rement personnelle et difficilement communicable.

Attestant cette singularité l'histoire du symbole est, du reste, tout à fait significative. Les auteurs disputent de son origine. Certains la font remonter aux temps les plus reculés, via les Opératifs. Mais leurs argu­ments historiques sont légers. Pour la plupart l'expression date de la nais­sance de la franc-maçonnerie spéculative. En 1723 Anderson écrit dans ses Constitutions : «Adam, notre premier parent, créé à l'image de Dieu, Grand Architecte de l'Univers...» En 1756 on peut lire également dans un ouvrage symboliste, l'Ahiman Rezon de Laurence Dermott : «Le Grand Architecte de l'Univers est notre Maître Suprême».

On pourrait citer d'autres textes de la même époque: L'intérêt de ces réfé­rences est de montrer à l'évidence que les fondateurs de la franc- maçonnerie tendaient à faire du Grand Architecte le symbole de la Divi­nité. Mais pour éviter d'introduire dans les Loges les querelles religieuses et philosophiques de ce temps, ils s'en sont tenus à une formulation volontairement imprécise.

Cette prudence n'a cependant pas empêché les controverses de se poursui­vre. Au fil des années il fallut faire cohabiter, plus ou moins bien, ceux qui ne voyaient dans le Grand Architecte qu'un autre nom pour leur Dieu révélé avec ceux qui y trouvaient le rappel de la grande Loi newtonnienne fondamentale censée régir le Monde. Puis d'autres francs-maçons, et non des moindres, croyant sortir de ces disputes et s'estimant contraints dans leur liberté de pensée par l'invocation du Grand Architecte, ont expulsé le symbole de leurs Loges.

Le Rite Ecossais a, pour sa part, conservé une place très haute au Grand Architecte ; mais il faut insister sur le fait qu'à travers ce vocable il pro­clame seulement un «principe» et non un «esprit» ou un «être suprême».

Principe ? Etymologiquement «le commencement, l'origine». Mais aussi par extension «proposition première posée et non donnée» et même «règle d'action s'appuyant sur un jugement de valeur et constituant un modèle, une règle, un but» (Robert). On le voit le symbole est beaucoup plus complexe qu'une lecture au premier degré pourrait le laisser suppo­ser. Chacun peut y loger à son choix, soit une explication du Monde, soit un simple postulat constituant un aveu d'ignorance, soit même un système éthique appuyé ou non sur la transcendance.

Mais ce «principe» est également qualifié de «créateur». S'agissant d'un symbole ce qualificatif peut difficilement être pris dans son sens premier de fabrication matérielle : l'horloger n'est pas un «principe», c'est un «agent». Il est sans doute plus fructueux d'entendre cette «création» au sens de la création poétique, où l'ordonnancement des mots compte plus que les mots eux-mêmes. Si l'on se place de ce point de vue, plus ésotéri­que, le Grand Architecte symbolise non seulement un «principe», mais aussi un «ordre», une «méthode», un «arrangement» : bref, une attitude spirituelle.

Que ce «principe d'ordre» s'inscrive ou non dans l'Univers concret, et de quelle manière, c'est à chacun de le dire. Le symbole propose, la libre pensée des francs-maçons dispose. Au fond ce que le Rite Ecossais invite ses membres à méditer dans le Grand Architecte c'est le contraste entre notre propre finitude et l'infini auquel nous aspirons. Un tel symbole, on le conçoit aisément, ne peut faire l'objet d'aucune représentation maté­rielle, sans quitter pour cela nos Loges. Il appartient à chaque franc- maçon de meubler, dans la mesure de ses désirs et de ses moyens, cet espace de liberté offert à sa réflexion. La Tolérance devrait faire le reste et rendre chacun acceptable pour tous.

Subsidiairement on peut se demander pourquoi la franc-maçonnerie éprouve le besoin de «proclamer» un symbole aussi difficile à définir. Le motif est dans la méthode même de travail de l'Ordre : après avoir ouvert la voie initiatique par une table rase intérieure, il appelle les francs- maçons à se reconstruire eux-mêmes sous le signe le plus élevé et le plus large de leur relation avec le Cosmos. On ne pouvait trouver meilleur symbole que le Grand Architecte pour cet effort de dépassement.

Reconnaissons toutefois que travailler «à la gloire» d'un «principe» peut paraître surprenant. Cela l'est moins si l'on considère l'héritage tradition­nel et religieux des francs-maçons ainsi que les diverses interprétations qu'ils donnent à ce symbole.

Les interprétations

Ainsi notre Grand Architecte se prête-t-il à des interprétations diverses. L'ésotérisme de la définition, l'absence de toute représentation matérielle lui donnent, on l'a vu, un vaste champ de perception. Pour l'aborder il est des itinéraires simples et des chemins plus complexes. Chacun doit tracer sa propre voie.

Sans avoir la prétention d'explorer toutes ces routes on peut, en première approche, se borner à évoquer les trois grandes familles de pensée aux­quelles se rattachent les acceptions habituelles du Grand Architecte. Ce faisant il faut garder conscience d'agir de manière extrêmement réduc­trice, chacun ayant des convictions dont le caractère personnel et subtil échappe à toute généralisation. Telle est la limite d'une réflexion sur les symboles.

Il y a d'abord le théisme ; spécialement le monothéisme issu des Ecritures. Pour ses adeptes le Grand Architecte s'identifie sans problème au Dieu créateur, esprit éternel qui a fait l'Homme à son image et organisé l'Uni­vers pour l'héberger. Un Plan préside à la Création, mais nous ne pou­vons en percevoir que des fragments : le reste est mystère. Toutefois Dieu a consenti à l'Homme sa «révélation». Par des moyens divers il lui a fait part explicitement aussi bien de son existence que des sentiments d'amour ou d'irritation qu'il lui porte. Malgré sa faute originelle et pour assurer son salut. Il lui a même indiqué des règles de comportement. Il en résulte un dialogue sur plusieurs registres entre le Créateur et sa créature, mêlant la liberté et la contrainte, les promesses et les menaces, les récompenses et les punitions. Selon les Religions et les Eglises tout cela fait l'objet d'un corps de doctrine, plus ou moins dogmatique, toujours exotérique mais parfois aussi d'un profond ésotérisme.

Qu'on soit fidèle de telle ou telle religion révélée n'empêche pas malgré ses dogmes d'être un excellent franc-maçon. Le Grand Architecte devient alors un détour d'expression presque superfétatoire, car équivalent à Dieu. Il suffit d'accepter que d'autres lui donnent d'autres significations.

Mais cela peut être difficile ; car ce qui est acquis en certitude spirituelle peut menacer l'esprit de tolérance qui se nourrit du doute. Il n'est pas aisé d'accepter des opinions divergentes lorsqu'on croit soi-même posséder non seulement la Vérité, mais encore la manière de s'en servir sous forme de règles morales intengibles. Certaines Eglises ne considèrent-elles pas que convertir est l'un des premiers devoir du croyant ? Pour l'homme qui n'a pas reçu l'initiation maçonnique la pente qui mène de la Foi à l'intolé­rance est glissante. Pour le franc-maçon qui croit à une révélation la tolé­rance est le produit naturel de la fraternité.

Quant-au fond, cette interprétation du Grand Architecte ne semble pas nécessairement liée à l'évocation ou à la réfutation des «preuves» habi­tuellement avancées de l'existence de Dieu. La métaphysique n'est pas du domaine de la raison «raisonnante» et il paraît puéril de vouloir y «prou­ver» une chose ou son contraire.

En revanche il n'est pas interdit de penser que ce Dieu révélé est par bien des aspects plus ou moins anthropomorphique. A tel point même que par­fois on peut se demander si ce n'est pas l'homme qui l'a créé à son image et non l'inverse. Certains francs-maçons estiment que seul un acte de Foi, aussi inébranlable qu'irrationnel, permet de croire à un Créateur omnipo­tent et infiniment bon qui, pour punir sa créature d'une seule faute bien prévisible, lui a réservé un sort passablement lamentable. De ce point de vue il est effectivement bien difficile d'admettre que notre vallée de lar­mes soit une œuvre digne de notre Grand Architecte.

La deuxième famille d'interprétation du symbole échappe à cette criti­que c'est le déisme des philosophes. Ces derniers sont gens subtils. Ils ont beaucoup réfléchi et l'incertitude de la Vérité et des fins dernières les trouble autant que les rebutent les invraisemblances contradictoires des diverses Révélations. Aussi chacun imaginant sa propre solution polit sa théodicée personnelle. L'un est plus rationnel, l'autre plus affectif et tous essaient de maîtriser leur mystère particulier. On pourrait évoquer en détail les pensées de Spinoza, de Locke, de Leibnitz... et de bien d'autres. Mais cela n'est pas indispensable car du seul point de vue de la significa­tion du Grand Architecte le Déisme des philosophes peut être ramené sans simplification excessive à quelques propositions.

Le Dieu des philosophes n'est pas un Dieu révélé. Il n'a pas éprouvé le besoin de signaler aux hommes par des manifestations matérielles son existence ni les règles de conduite qu'il entend voir observer.

Mais c'est un Dieu créateur, qui a fait jaillir l'Univers du Chaos par un acte de volonté à partir duquel l'enchaînement inéluctable des causes et des effets constitue le grand ordonnancement mécanique de la Provi­dence. Cette Providence n'est pas le hasard ; elle suit un Plan divin qui met de l'Ordre dans le Chaos. Ce Plan est une sorte de Loi abstraite et universelle qui s'étend jusqu'au domaine de l'éthique sous la forme d'une «morale naturelle» immanente et valable en tout temps et en tout lieu. L'Homme doué de Raison, qui est une parcelle de l'esprit divin, peut con­naître cette Loi et doit en faire bon usage.

A première vue ce déisme convient bien à notre Grand Architecte et ce n'est pas surprenant si nombre de francs-maçons s'en réclament, qui opposent une conception déiste de l'Ordre aux conceptions théiste ou athée. Etranger à tout dogmatisme comme à toute pratique il correspond probablement à la religion abstraite des élites cultivées du siècle fondateur de la franc-maçonnerie spéculative ; ce qui explique son importance dans notre Tradition. Comme elle il est tolérant et fraternel. Mais il tend à limi­ter ces vertus à l'intérieur de sa métaphysique.

Ce sont précisément ces limites métaphysiques qui posent problème. Le Dieu des philosophes est, semble-t-il lui aussi, largement anthropomor­phique : c'est un «Deus faber». Si, avec Voltaire, on postule l'existence de l'horloger quand on voit l'horloge, on ne sort pas du champ spatio­temporal de notre Univers. Dans ce champ après avoir trouvé l'horloger faut-il chercher son père et pourquoi pas la lignée de ses ancêtres ?

Ce Dieu planificateur et sa Loi universelle sortent tout armés de la cosmo­logie de Newton. N'est-ce pas un peu dépassé pour identifier notre Grand Architecte ? Et peut-on croire à une «morale naturelle» figée alors que nos Sociétés sont diverses et si rapidement évolutives ?

C'est pourquoi d'autres francs-maçons trouvent que la signification déiste du Grand Architecte est, à la réflexion moins cohérente que les interprétations théistes. Celles-ci ont le mérite de la clarté : fondées sur un acte de Foi elles ne se discutent pas. Au-delà de l'exégèse, au fond tou­jours superflue, voyez votre charbonnier habituel ! Le déiste raisonne; il entend expliquer ce qui est peut-être inexplicable. Il voudrait que son intelligence perce à jour les desseins du Grand Architecte : le Plan divin, quintescence de la Raison ne serait-il pas peu ou prou accessible à l'esprit de l'homme, fraction de celui de Dieu ? On conçoit que certains francs- maçons soient gênés par cette sorte de divination de la psyché humaine.

Cela nous amène à envisager la troisième famille des interprétations du Grand Architecte : celle des francs-maçons qui n'éprouvent pas le besoin de faire appel à la transcendance.

Dans cette conception le propre d'un symbole est de pouvoir être inter­prété de multiples façons mais de ne pas pouvoir être nié. On peut nier l'existence de Dieu ; on ne peut pas nier celle du Grand Architecte, car le Grand Architecte n'existe pas. C'est un pur signifiant qui attend de cha­cun de nous son signifié. Autant de francs-maçons autant de réponses. On peut peut-être essayer néanmoins d'avancer quelques idées.

Puisque le manifeste du Convent de Lausanne a posé le Grand Architecte comme un «principe» il semble pertinent de le traiter comme tel : c'est-à- dire en posant pour l'appuyer d'autres principes. Par exemple on peut présenter trois ensembles qui paraissent capitaux :

1 - Notre connaissance est bornée par nature à l'univers spatio-temporel où nous sommes. Même dans le cas très improbable où notre appareil cérébral et les instruments les plus performants qui pourraient le prolon­ger permettraient un jour de connaître tous les secrets du fonctionnement du Monde, nous n'aurions jamais une connaissance absolue car elle serait limitée par l'espace et par le temps. Nous pouvons pressentir ou non la présence d'une Vérité ineffable mais nous ne pouvons jamais l'atteindre car nous vivons dans un huis-clos. La conceptualisation la plus élaborée de cet enfermement est sans doute celle de la courbure de l'espace-temps inventée par les mathématiciens. Bien qu'on ne puisse s'en former une image mentale elle permet de rendre compte d'un Univers à la fois cycli­que, fini et illimité. Mais l'éternel et l'infini sont pour nous à jamais hors d'atteinte : nous pouvons les imaginer par extrapolation à partir du tem­poraire et du fini qui sont nos seules certitudes. Nous ne pouvons pas les comprendre, c'est-à-dire les recréer intérieurement. La franc-maçonnerie nous invite à prendre conscience de cette aspiration toujours insatisfaite mais elle ne nous guérit pas de notre originelle infirmité.

2 - L'idée de «création» n'est pas une idée «en soi», mais seulement une idée «pour nous». Elle n'a en effet de sens que dans notre Univers et par la représentation que nous nous en faisons. Il est important de compren­dre qu'elle trouve son origine et sa seule justification dans la réflexion immédiate que nous avons sur notre propre sentiment d'exister. Dans notre espace-temps rien ni personne ne procède de soi-même; et notam­ment pas les hommes ! Aussi nous paraît-il évident que puisque tout a sa source hors de lui-même, l'Univers au premier chef doit également avoir été créé. C'est pourtant là où le bât blesse ! Si on y réfléchit un peu, affir­mer la création de l'espace-temps est proprement inintelligible pour un esprit humain. Elle postulerait en effet l'existence d'un super-espace­temps englobant le nôtre... et d'autres encore s'emboîtant comme des poupées russes. Pour cette raison la théorie du «big bang» chère aux astrophysiciens ne nous apporte aucune lumière, qu'elle soit ou non véri­fiée. Avant comme après cette hypothétique explosion créatrice nos savants oeuvrent toujours dans notre espace-temps. Ils ne peuvent pas plus s'en évader que le plus ignorant de nos contemporains.

3 - Sauf, par un pur acte de Foi, à meubler l'inconnaissable et à accepter le mystère, il faut donc nous résigner à ne jamais connaître les fins derniè­res. Bornons nous donc à l'Univers qui est le nôtre ! Il n'est pas si mal et ouvre un immense champ à notre réflexion. Dans ses limites nous assis­tons émerveillés à un processus perpétuel de création. L'apparition avec l'évolution du vivant de l'espèce humaine, créatrice collectivement d'une réalité spirituelle immatérielle, témoigne de la manière dont le Tout Cos­mique se pense lui-même. Pour autant qu'il puisse s'en rendre compte l'Homme a un rôle fondamental à jouer dans son Univers. Porteur de l'esprit il est à la fois la conscience du macrocosme, qui l'entoure à l'infini de ses horizons concentriques, et celle du microcosme, qui plonge aussi à l'infini dans les profondeurs de son âme. Cette merveilleuse faculté spiri­tuelle lui permet de rendre significatif pour lui ce qui n'a pas de sens en soi. «Ordo ab Chao» est une devise qui contient toute l'Humanité.

Pour ceux qui acceptent ces trois prolégomènes le Grand Architecte a une signification symbolique fondamentale. Il figure dans nos Loges la cons­cience collective de l'Humanité, le Principe créateur de sa marche vers le Progrès. Il nous montre que l'Univers, qui n'a en lui même aucun sens, n'est pour nous pas absurde. Il nous invite à travailler sans relâche pour lui donner sa signification. Hasard ou nécessité (mais le hasard a des Lois) le Grand Architecte manifeste notre emprise spirituelle grandissante sur un Monde temporel et limité. Il montre que pour nous rien ni personne n'est isolé. Dans un Univers en perpétuelle création l'homme est relié à tout ce qui existe et rien ne lui est indifférent.

C'est pourquoi la troisième famille de pensée ne se sent pas séparée des deux précédentes. Si on peut la qualifier d'«athée» par rapport au théisme des religions révélées, et d'«agnostique» à l'égard du Déisme philosophi­que, cela ne gène en rien leur commune invocation. Leurs conceptions respectives ne se situent pas en effet sur le même plan.

Quelque soit le point de vue de chacun il est bon que la franc-maçonnerie, avant même de nous guider sur la voie initiatique, nous invite à proclamer l'existence du Grand Architecte. Par là elle nous conduit à abandonner nos références particulières pour mieux comprendre notre place dans l'Univers. Elle nous invite à élargir notre réflexion pour nous préparer plus lucidement à l'action. Au-delà de la signification que chaque franc- maçon lui donne le Grand Architecte évoque pour tous le Genre Humain, dans ce qu'il doit avoir de sacré, dans son passé difficile et dans sa quête toujours insatisfaite de la perfection. C'est pourquoi le Rite Ecossais est pleinement justifié de le considérer comme le symbole princeps de l'Ordre, qui peut aussi (après tout pourquoi pas ?) travailler à sa gloire.

André L. Chadeau

Publié dans le PVI N° 75 - 4éme trimestre 1989  -  Abonner-vous à PVI : Cliquez ici

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