GLDF | Revue : Points de Vue Initiatiques | 4T/1989 |
Marcel Clavelle dit Jean Reyor Marcel Clavelle,
connu surtout sous le nom de Jean Reyor, est décédé le 3 juillet 1988, il avait
84 ans. Sans aucun doute, il a été le plus proche collaborateur de René
Guénon. Clavelle fréquentait les frères Chacornac, éditeurs d'une petite revue
à tendance occultiste Le Voile d'Isis et, par leur intermédiaire, il prit
contact avec René Guénon dès 1928. Ils nouèrent des relations suivies jusqu'au
départ, en 1930, de René Guénon pour l'Egypte. Désireux de changer
complètement l'orientation de leur revue, les frères Chacornac en proposèrent
en 1929 la direction à René Guénon ; celui-ci refusa, mais accepta volontiers
d'y collaborer régulièrement. Clavelle signa ses
premiers articles Jean Reyor. René Guénon une fois en Egypte chargea celui-ci
de veiller attentivement à ce que les nouveaux rédacteurs donnent des textes
qui ne soient pas en contradiction flagrante avec les idées qu'il développait
dans ses ouvrages et ses articles. Mission de confiance certes, mais combien
délicate ! Reyor l'assura jusqu'à la mort de Guénon en janvier 1951. Chacornac avait
changé le titre de la revue en 1936, le Voile d'Isis devint Etudes
Traditionnelles, Reyor en assumant de fait la direction. Dans les années
précédant la dernière guerre, des fidèles lecteurs de René Guénon, voulant
passer de l'étude théorique de l'initiation à sa réalisation effective,
adhérèrent à l'Islam et reçurent l'initiation d'une confrérie musulmane ; et
sur l'insistance de René Guénon, Jean Reyor en devint membre. A la suite des
travaux sur le symbolisme chrétien de CharbonneauLassay, Clavelle s'intéressa
plus particulièrement à l'ésotérisme chrétien. En compagnie de
Georges Tamos, il devint membre de l'un de ces groupes d'hermétistes chrétiens
extrêmement fermés dont René Guénon avait révélé l'existence. Comme cette
double appartenance était incompatible, il abandonna l'Islam. Après la dernière
guerre, il participa activement au développement de la loge La Grande Triade
fondée au sein de la Grande Loge de France par un ami de René Guénon, le comte
Morvinoff avec l'assistance des principaux dignitaires de l'obédience. Jean
Reyor y fit initier plusieurs fidèles lecteurs de René Guénon. Celui-ci mit
beaucoup d'espoir en cette loge qui aurait pu être, d'après lui, le germe d'un
re-nouveau de la Franc- Maçonnerie. Au bout de quelques
années, Reyor, à la suite de graves désaccords avec le vénérable d'alors,
quitta La Grande Triade. Néanmoins, il ne renonça pas au projet de fonder une
loge qui épouserait aussi près que possible la ligne tracée par René Guénon. Responsable en
fait, sinon en titre, des Etudes Traditionnelles, il était très vigilant sur
tout ce que publiait la revue afin que ne surgissent pas de désaccords avec les
idées exposées par René Guénon. Tant que celui-ci vécut, la participation
écrite de Clavelle était épisodique. Il entreprit cependant la publication
d'une série de commentaires sur un livre essentiel de Guénon : Aperçus sur
l'initiation, en les axant plus particulièrement sur la Maçonnerie. Articles
riches de multiples aspects, insistant sur le fait que l'ésotérisme maçonnique
doit être complété par la pratique d'un éxotérisme. La pratique de l'un et de
l'autre est indispensable, selon Jean Reyor, pour mener à une réalisation
spirituelle effective. Après la mort de
René Guénon en 1951, sa participation à la rédaction des Etudes Traditionnelles
s'élargit et il lui donna résolument une orientation chrétienne, rédigeant de
nombreux articles sur l'ésotérisme chrétien et en publiant des textes anciens :
de maître Eckhart, de la Kabbale chrétienne, en particulier la traduction avec
de nombreuses notes d'Yves Millet d'extraits des Lieux communs Kabbalistiques
de Knorr de Rosenroth, les études d'archéologie traditionnelle de Mgr Devoucoux
sur la cathédrale d'Autun ; le Miroir des Simples Ames d'une béguine anonyme du
XIII° siècle, etc... Ce changement d'orientation ne plut pas à tout le monde et
de graves divergences s'élevèrent entre l'éditeur Chacornac et Clavelle ;
celui-ci quitta donc la revue en 1960, plusieurs de ses amis, fidèles rédacteurs,
le suivirent. Mais il avait commencé dès 1954 à collaborer régulièrement à la
revue maçonnique de Marius Lepage : Le Symbolisme; collaboration qui durera
jusqu'à la disparition de celui-ci en 1970. Il signait ses articles sous divers
noms, on en a relevé jusqu'à six. Si bien que dans un article signé J. Hugonin
dans Le Symbolisme, il commentait avec le plus grand sérieux un texte portant
la signature de Jean Reyor des Etudes Traditionnelles, ou vice-versa. Beaucoup
des articles parus dans Le Symbolisme relèvent de la polémique, défendant avec
âpreté certains aspects de la pensée de René Guénon concernant l'ésotérisme
occidental, c'est-à-dire l'ésotérisme chrétien et la Maçonnerie. Son activité de
publiciste traditionnel s'appuyait sur une action toute personnelle dans le
domaine initiatique, comme étant l'un des responsables d'un groupement
d'ésotéristes chrétiens. Il avait finalement réussi à fonder une loge
indépendante, mettant ainsi en oeuvre l'enseignement personnel que lui avait
communiqué René Guénon. Pour passer de l'initiation virtuelle à une initiation
effective, Clavelle jugeait que la voie était rude à parcourir. Il en donne un
aperçu dans un commentaire sur un livre posthume de René Guénon : Aperçus sur
l'ésotérisme chrétien (Etudes Traditionnelles n° 318, p. 275-276). La maison d'édition
Arché, de Milan, a entrepris la publication des études de Reyor. Un premier
volume est paru sous le titre : Pour un aboutissement de l'oeuvre de René
Guénon. Ce livre comprend entre autres, les articles que publia Jean Reyor dans
les Etudes Traditionnelles concernant les Aperçus sur l'Initiation. Pierre Prévost |
P075-5 | L'EDIFICE - contact@ledifice.net | \ |