GLDF | Revue : Points de Vue Initiatiques | 3T/1990 |
Labyrinthe et Mandala Aux temps anciens
vécut en Chine un Roi nommé Yin. Il eut un fils nommé Yang et son éducation fut
confiée à l'architecte Lao, homme savant aux paroles rares. Quand Yin mourut
Yang partit à la conquête du monde, et conquit un empire qui s'étendait à
toutes terres connues. A son retour, il
connut rapidement l'ennui et convoqua son ministre Lao et lui dit : «Je
t'ordonne de construire le plus formidable labyrinthe jamais imaginé. Dans sept
ans, je veux le voir, devant moi, dressé sur la plaine. Je partirai à sa
conquête, si j'en découvre le centre, tu seras décapité. Si je m'y perds, tu
régneras sur mon empire ». Lao accepta. Pourtant
l'architecte reprit le cours de ses activités ordinaires et parut oublier
l'oeuvre ordonnée. Au dernier jour de
la septième année, l'empereur Yang lui demanda où était le labyrinthe. Alors
Lao lui tendit un livre et dit : «Le voici, c'est l'histoire de ta vie, quand
tu auras trouvé le centre tu pourras abattre ton sabre sur mon cou ». C'est ainsi que Lao
conquit l'empire de Yang. Bien entendu il le refusa car il possédait la
sagesse. Le seul labyrinthe
digne de conquête, c'est nous-même. En nous sont les impasses, les
chausses-trapes, les couloirs obscurs, les perditions, mais aussi les voix
secourables. En nous est l'étrange et douloureux chemin qui conduit au centre,
découverte d'un savoir qui nous vient au travers de nos pires errances. Ce savoir a une
saveur douce amère mais il n'est rien de plus précieux que cette saveur car où
elle est ne sont plus ni la peur, ni la mort. Connais-toi
toi-même : voilà la porte, maintenant, va, le gardien du seuil se tait, se
défait comme une figure rêvée : l'homme entre, il tâtonne en aveugle, avance,
palpe les murailles, les perd, survivra-t-il ? son voyage sera le plus
périlleux mais le plus essentiel qui soit. Il n'en est pas d'autre, on ne va
jamais qu'à la rencontre de soi-même, parmi les pièges de la vie. C'est ce que
figurent tous les Labyrinthes et Mandalas du Monde, qu'ils soient inscrits,
bâtis, dansés ou racontés. Du labyrinthe de Cnossos à la «danse des pas de
grues» qui perpétue le cheminement de Thésée, en passant par les contes et
légendes qui décrivent presque toujours un voyage héroïque, semé d'épreuves et
d'embûches vers une lumière promise. La quête de Perceval le Gallois,
poursuivant inlassablement le Graal, n'est autre qu'une chevauchée
labyrinthique vers un centre, un lumineux essentiel. Il est vrai que la
représentation graphique est plus franche et évite à celui qui la contemple la
distraction de l'anecdote. Des premiers
Labyrinthes inscrits dans l'argile, au Labyrinthe de Chartres, les traits
lentement se sont épurés, la représentation du symbole est passée de
l'instinctif à l'esprit, mais l'essentiel est demeuré immuable : la vie n'est
qu'apparemment hasardeuse. Elle doit conduire quelque part où tout s'éclaire.
Le Monde a son soleil, ce qui est au dedans de nous est comme ce qui est au
dehors, chaque •Homme doit donc porter un soleil intime. Le Labyrinthe du
moyen-âge, palliatif à l'impossibilité du voyage à Jerusalem, avait une
fonction rédemptrice pour le pélerin des cathédrales et là, nous pouvons
trouver la preuve de sa représentation d'une quête vers le sacré, apparemment
errante et désorientée, si l'on ne prend pas en considération l'intention du
pélerin dont. le but est le centre. Cette intention est son orientation.
Inaccessible pour le Profane puisque cette Orientation n'est pas sur le même
plan de compréhension. Cette démarche
n'est pas seulement intellectuelle, mais lente intégration de la connaissance
par le corps et l'âme. Subtile alchimie née de la confrontation de l'intention,
qui est la direction, avec l'expérience, qui est le cheminement de l'initié. Cette quête n'est
plus errance car elle a pris tout son sens, déambulation d'occident en orient,
d'apprenti à compagnon, à la recherche du centre, de la chambre du milieu. Atteindre la
chambre du milieu est une étape ; une fois le centre du labyrinthe atteint,
même si l'initié a trouvé son axe, son travail est loin d'être terminé. Cet axe, fil
d'Ariane, fil de Lumière, servant de guide à l'élévation sur la verticale,
passage très progressif du Moi anecdotique, personnel, à un Moi plus dépouillé,
à un dégonflement de l'Ego, à un élargissement de la conscience symbolisés,
chez nous, par l'ouverture progressive du compas, premier pas vers la
connaissance de soi et du soi. Si parfois le
Mandala est labyrinthique, en général il est quintessence du Labyrinthe unique
expression du centre, figuration et symbolisation de la structure cosmique et
de la potentialité divine en l'homme. La précision du
rituel qui s'y rattache ainsi que le verbe représenté par ses Mantras peuvent
être comparés au rituel de la Loge, par l'exigence de l'effort de
concentration, base de la méditation. Pénétrer le Mandala, c'est aller à la
recherche de soi-même et du Divin en soi. Le Mandala
représentation de la Totalité, de l'Un, est le Centre virtuel puisque tracé,
immobile et immuable. Si l'on atteint ce Centre, il y a déplacement de l'Axe de
la personnalité, changement de point de vue et de perception, découverte d'un
nouveau pôle, le soi. Mais tout ceci sans abstraction du Moi, car ce serait la
triste expérience faite par les existentialistes, mais plutôt réconciliation
avec le Moi idéal. Celui-ci passant d'unique dimension de l'individu à un état
de satellite du Soi. Passage de l'horizontalité à la verticalité, ordre di
valeur supérieur à l'Ego. Le Soi n'est pas
uniquement une recherche au niveau de l'individuel car il est synthèse de
l'individuel et du collectif, il implique l'union du principe de plaisir et du
principe de réalité. Comme le disait C.G. Jung : «Il nous rattache à la
conscience collective, le Soi est l'union des contraires, un archétype qui
réunit le momentané et l'éternel, l'individuel et le collectif». Aussi un des
symboles du Soi est-il l'androgyne ou l'homme cosmique, ce que nous retrouvons
au centre du Labyrinthe dans la figure, Christ ou Jésus, et au centre du
Mandala, par la Fleur de Lotus, principe Divin ou bien le Bouddha image de
l'homme réalisé. Que ce soit par le
cheminement dans le Labyrinthe ou par la méditation face au Mandala, le
résultat du processus devrait être la transformation du regard et de l'être de
l'Initié. Il sera alors dans l'acceptation et le lâcher prise, il pourra entrer
dans le discernement et l'entendement et tirera les leçons que la vie lui
présente pour transmuter le plomb en or. Ce processus n'est
pas l'effet d'un libre-arbitre soumis aux impulsions du Petit Moi mais libre
arbitre dans la seule vraie liberté, celle qui est faite d'une adhésion sereine
à un Ordre dépassant la finitude de l'Humanité, comparable à l'Amor Fati des
Stoïciens, à l'abandon Chrétien ou à la vacuité Taoïste. Sur le chemin vers
la Lumière à travers le Labyrinthe et jusqu'au Mandala, passons du Monde Créé
au Monde Créateur, alors la Lumière qui éclaire nos Travaux dans ce Temple
brillera au dehors. Bernard Delapeyre |
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