Obédience : NC | Bulletin de SUB ROSA : Une Parole Circule | 01/2011 |
De
la création
musicale
à l’initiation maçonnique Présentée par Jean-Paul Holstein (Compositeur et Musicologue), Vénérable Maître en chaire de la Loge Nationale de Recherche Villard de Honnecourt, cette conférence (Morceau d’architecture) s’est tenue le 27 novembre 2010 dans le cadre du cycle de conférences du GROUPE DE RECHERCHE ALPINA. Des remerciements chaleureux à Walter Spahn et à Jean Bénédict (Président et Secrétaire du GRA) pour cet enrichissement unique. Voici un extrait du texte original évoquant le SILENCE en relation avec la création musicale. Ce thème correspondant au chantier que SUB ROSA réalise pour sa prochaine publication portant le titre générique «LE SILENCE». La Création musicale comme l’Initiation font la nuit en l’Homme pour lui permettre de trouver le jour. C’est une nuit abritée du jour physique, qui crée les conditions d’un égarement nécessaire (les voyages de l’Initiation et des cérémonies de réception aux autres degrés) et ouvre la fenêtre à l’apparition d’une autre lumière que celle du jour physique (on dira l’inspiration en matière musicale). Cet amour de la nuit artificielle, cette passion pour l’obscurité unilatéralement décidée, qui est celle des Grands Initiés et des grands Créateurs, n’est ni innocente ni représentative d’un désordre. C’est un «coup de folie contrôlé» car on n’est jamais assez déraisonnable, lorsqu’il s’agit de quitter le monde extérieur c’est-à-dire le «plancher des vaches» pour pénétrer dans le monde intérieur. Depuis l’enfance, la nuit est le lieu et le monde des mondes imaginaires, non du virtuel mais de l’irréel, ce qui a puissance d’être, qui n’est pas et, pourtant, qui est. Pour pénétrer dans cette zone intermédiaire de l’existence, où l’esprit est assez fort pour créer un monde à côté du monde, peut-être un reflet du monde parfait, celui des Idées de PLATON, il faut faire confiance à l’imaginaire. Celui-ci n’est pas le décalque de la réalité mais l’initiation d’une nouvelle réalité à côté de l’ancienne. Or la nuit est l’instant privilégié pour l’apparition de cet imaginaire et du reflet platonicien qu’on y devine. Les Maçons comme les musiciens sont des amoureux invétérés de la nuit d’où ils tirent leurs propres fils de lumière. En faisant référence au grand compositeur MENDELSSOHN on dira que la Musique et l’Initiation sont le songe d’une nuit rêvée par référence au «Songe d’une nuit d’été». L’intérieur de la Loge ou d’une salle de concert est le lieu et le moment de nuit indispensable à l’émergence du rêve initiatique ou sonore. Les deux rêves tirent leur inspiration de l’Harmonie de l’Univers, vue sous un angle vibratoire pour la Musique, sous l’angle symbolique pour l’Initiation. La nuit physique virtuelle voulue est donc la première face d’une nuit réelle morale attendue, celle-là, dont le deuxième outil primordial est le Silence. Le Silence est le compagnon privilégié de la nuit mais c’est aussi l’ami de cœur du Musicien et du Maçon. Ce Silence se décompose en deux formes, le silence extérieur pour éviter ce que PASCAL appelait le «divertissement» et le silence intérieur pour être à même d’entendre la Voix. Le compositeur entend sa voix qui chante en lui et dont il essaie de transcrire en langage codé les modulations, l’Initié entend aussi sa voix intérieure, grâce au rituel, voix qui lui procure une nouvelle conscience d’être. Les deux situations mènent à une Fraternité inconnue, celle que BEETHOVEN a traduite dans l’ «Ode à la Joie» et que les Maçons s’efforcent de vivre quotidiennement. Cette culture du Silence est ce qui permet au compositeur de créer, à l’interprète d’interpréter, à l’auditeur de se laisser envahir, c’est aussi ce qui permet à l’Initié d’éteindre le «vieil homme» en lui au profit du nouvel Adam. La Nuit ajoutée au Silence fait du compositeur un Grand Initié à lui-même et de l’Initié un Grand Créateur de lui-même. Il s’agit bien de participer au mystère de l’Univers, en faisant en sorte que ce mystère décrypté par les moyens de la Musique ou de l’Initiation devienne signifiant et signifié. Le Mystère est, à coup sûr, le troisième pilier, après la nuit et le silence, du processus initiatique de la Création musicale et du processus créatif de l’Initiation maçonnique. Dans ces deux processus, l’homme cherche à rendre le mystère proche de tous, à faire communiquer tous avec et dans le mystère sans contrevenir à son opacité. Car si le mystère du Mystère, dans l’Initiation comme dans la Création, s’épaissit d’autant qu’on le dévoile, il garde, néanmoins, son pouvoir d’illumination, de métamorphose et d’ouverture sur l’extase: il s’agit d’éprouver du bonheur en se reconnaissant soi et de le partager en se faisant reconnaître des autres comme tel. C’est le début de la Perfection. Ainsi l’on peut être sinon certain du moins confiant dans le fait qu’un Essentiel émerge de chacun et en chacun, que le Souffle primordial inspire l’âme de tous et que le bonheur «initiatiquo-créatif» partagé soit le signe du passage au plan de l’Universel, en étant la flamme vacillante de celui-ci. Si la Création musicale est un voyage dans l’imaginaire et l’Initiation un voyage dans l’imaginal, comme le dit René GUÉNON, dans les deux cas il s’agit d’un voyage. Or que signifie le mot voyage ? Le voyage est un «égarement» volontaire, un déracinement, un arrachement à l’ordinaire, c’est aussi l’expression d’une volonté de curiosité au-delà des limites habituelles de l’intérêt de la vie. Pour que le voyage initiatique mais aussi le voyage musical constituent de vraies excursions au-delà des limites matérielles et humaines, certaines conditions doivent être réunies: pour la Musique, qui a le redoutable privilège, si c’en est un, de n’être que virtuellement et de n’exister vraiment que lorsqu’elle est interprétée, il y a la salle de concert, lieu de l’obscurité nécessaire et du silence consenti mais lieu neutre tant qu’un seul son ne la fait pas sonner – pour l’Initiation, ce lieu est la Loge qui présente la particularité, analogue à celle de la salle de concert, de n’être qu’une forme sans âme tant que le rituel ne l’anime pas mais de devenir un volume résonnant dès que la présence des participants la comble... Publié dans le Bulletin de SUB ROSA : Une Parole Circule - Bulletin N° 6 - Janvier 2011 - Abonnez-vous |
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