Obédience : NC Bulletin de SUB ROSA : Une Parole Circule 10/2011


La Doctrine Secrète des Anciens Initiés

INTRODUCTION
Ce texte extraordinaire est intriguant et enthousiasmant par sa puissance, sa densité et son universalisme mais en même temps il fait un peu peur.
Patiemment étudié, épluché, comparé il fallait le partager. Mais il n’était pas possible de le proposer en Loge Bleue.
Cette étude s’adresse plus, en évidence, à une Loge de Recherche. Ainsi SUB ROSA a bien évidemment répondu présent pour accueillir ce Morceau d’Architecture corres­pondant mieux à un niveau précis des études développées autour de «l’Écossisme» et dans d’autres rites.

TRADITION ORALE
Il est très difficile de trouver les mots pour éclaircir les ombres et les mystères évoqués par ces sages antiques car ce texte a son origine dans la Tradition Orale, dans la préhistoire.
Jean Bottéro, dominicain français, histo­rien assyriologue, spécialiste de la Bible et du Moyen-Orient antique écrit: «Il y a 6000 ans a fleuri pour la première fois dans l’histoire de l’humanité une haute civilisation urbaine, complexe et originale en Mésopotamie pays de limon, d’argile et de bitume qui se trouve être notre plus vieil ancêtre connu en ligne ascendante directe.»

Cette civilisation a pour moteur l’arrivée mystérieuse d’on ne sait où, d’un peuple tout aussi mystérieux, parlant une langue inconnue dont on ignore toujours la parenté et l’origine. Ce peuple est celui qu’on appelle Sumérien et qui, fièrement, s’intitulaient «têtes noires», têtes fécondes comme les terres noires des deltas.
Parmi une foule d’inventions, ils provo­quèrent une révolution dans la grande aven­ture humaine avec celle de l’écriture qui apparaît vers -3200. C’est le début de l’époque historique et de la civilisation.

Transmis à l’Égypte 200 ans plus tard, en Inde: vers -2500 et en Chine: vers -2000/ -1500. Cette culture, par son écriture cunéi­forme, a créé, entre autres, une grande quantité d’oeuvres littéraires majeures et mythiques dont l’apogée se situe à l’époque babylonienne et qui s’arrête avec l’expansion araméenne, l’invention de l’alphabet à l’origine du nôtre, et les premiers écrits bibliques vers -1000.

La langue sumérienne et cette culture ont été totalement occultées de la mémoire humaine durant plus de 2000 ans. Mais curieusement, depuis sa découverte vers 1850, il y a comme un silence inconscient ou hypocrite qui entoure ce patrimoine de l’humanité dont on va soulever un voile important dans la suite de cette étude.
A noter que le sumérien a été traduit, dans un silence bien étrange et injuste, vingt ans avant Champollion par un célèbre inconnu: Georg Friedrich Grotefend.

CE QUI SE VOIT
Dans l’invention de l’écriture il y a dès le départ le soucis de conserver une part de secret. Même avec la création de l’alphabet il n’y a que les consonnes d’écrites, les voyelles sont cachées, elles doivent être connues du lecteur par la «Tradition Orale».

Ce texte (pages 2 et 3) est la traduction par Kramer et Bottéro d’une série de tablettes gravées par un copiste il y a 3300 ans et les documents qui lui servent de modèle ont 1000 ans de plus.
D’abord quelques informations sur le texte: il est écrit en deux langues, chaque ligne alternée: une en sumérien, la suivante répétant le même texte en akkadien.

Doctrine Secrète des Anciens Initiés

1- Quand le ciel eut été séparé de la terre, jusque là solidement tenus ensemble.
2- Et que les Déesses-mères furent apparues
3- Quand la terre eut été fondée et mise en place;
4- Que les dieux eurent établi le programme de l’univers
5- Et que, pour préparer le système d’irrigation,
6- Ils eurent constitué les cours du Tigre et de l’Euphrate
7- Alors An, Enlil, Utu et Enki les dieux majeurs,
8- Ainsi que les autres grands dieux,
9- Prirent place sur leur Haute Estrade, et conférèrent.
10- Comme ils avaient déjà établi le programme de l’univers,
11- Et dans le but de préparer le système d’irrigation,
12- Constitué par le cours du Tigre et de l’Euphrate
13- Enlil demanda: «Et maintenant qu’allons nous faire ? Qu’allons-nous fabriquer ?»
14- Ô grands dieux qu’allons nous faire maintenant?
15- Qu’allons-nous donc créer?
16- Et les grands-dieux, là présents, assignateurs des destins,
17- Tous répondirent en chœur:
18- Dans le «Fabrique-chair» de Duranki (Nippur)
19- Nous allons immoler un ALLA
20- Et de son sang donner naissance aux hommes,
21- La corvée des dieux sera la leur, Ils délimiteront les champs définitivement
22- Et prendront en mains houes et couffins,
23- Au profit de la Maison des grands dieux, digne siège de la Haute Estrade !
24- Ils ajouteront glèbe à glèbe;
25- Ils délimiteront les champs une fois pour toute
26- Ils mettront en place le système d’irrigation
27- Ils délimiteront les champs
28- Pour arroser partout
29- Et faire pousser toutes sortes de plantes
30- .... la pluie ...
31- Ils délimiteront les champs et entasseront les gerbes
32- 34 ...«Série de 6 cassures» .......
35- Ainsi cultiveront-ils les champs des dieux
36- Amplifiant les richesses du pays
37- Célébrant dignement les festivités des dieux
38- Et déversant l’eau fraîche en la Grande-Résidence, digne siège de la Haute Estrade !
39- On les appellera ULLE-GARRA et ANNE-GARRA
40- Qui multiplieront pour la prospérité du pays: bovidés, ovidés, animaux (autres), poissons et oiseaux
41- Voilà ce qu’ont décidé et, de leur bouche sacrée, Enul et Ninul
42- Et dont Arourou la grande génitrice a ratifié le programme
43- Techniciens après techniciens, rustauds après rustauds
44- D’eux-mêmes pousseront comme du grain.
45- Et pas plus que les étoiles éternelles du ciel, cela ne changera jamais !
46- Lors on célébrera dignement jour et nuit les festivités des dieux.
47- Selon l’ample programme établi par
48- Les quatre dieux majeurs: An, Enlil, Enki et Ninmah
49- Et là même où les hommes avaient été créés
50- Nisaba fut installée pour leur souveraine.
 
« C’EST LÀ UNE DOCTRINE SECRÈTE,
ON N’EN DOIT PARLER QU’ENTRE INITIÉS »

L’écriture est formée de signes cunéiformes pour les 2 langues. Ce document se trouve sur une suite d’au moins 3 tablettes. La première et le début de la seconde sont occupées par un ensemble de caractères incompréhensibles pour les traducteurs. Jean Bottéro note: « C’est une énumération ou de noms propres archaïques ou d’éléments de ces noms formés de syllabes simples: a-a; a­a-a; a-ku; a-ku-ku; ma-ma; ma-ma-ma; me­a; meme- a.... etc

Le reste de la seconde tablette transcrit le texte en 50 lignes (voir l’encadré en couleur) et la dernière ligne, comme c’est l’usage, renvoie au mythe d’Atrahasis qui faisait 1245 lignes lequel était probablement suivi de l’épopée de Gilgamesh (3600 lignes). Ligne par ligne, il est nécessaire de donner quelques explications :
1- Unité première de l’univers, premier instant, origine du monde, Big-Bang, Tsimtsoum etc. Les religions mono­théistes ont pour point de départ la genèse de la Torah. La plupart des autres religions dites polythéistes ont une genèse qui suppose une unité d’origine.
2- L’apparition des Déesses-mères indique qu’il s’agit bien là d’un processus de création.
3- Le fondement de la terre se place à la troisième ligne car traditionnellement dans la symbolique des nombres ce n’est qu’au troisième temps que la dyna­mique s’exerce puisqu’au deuxième temps de la dualité les éléments issus de l’unité forment des oppositions opposées et complémentaires tels le Yin/yang ou Matière/Antimatière qui s’équilibrent. Ce n’est qu’après un léger déséquilibre que la rupture se fait et que l’expansion, que la dynamique se produit.
4- 5- 6- Le centre du monde, à l’époque est le pays de Sumer/Akkad situé entre les 2 fleuves et se limite aux pays voisins avec lesquels il est en relations... pacifiques ou non. Sans la mise en place des deux cours d’eau la région ne serait
qu’un désert. Cela permettra cette chose étonnante: l’installation dans cette contrée marécageuse, ce “pays de limon, d'argile et de bitume”, dépourvu de pierre et de bois, de ce mystérieux peuple sumérien créateur des premières cités-états qui avant d’être construites doivent d’abord posséder des champs, des pâturages et des jardins. Le système d’irrigation est un travail de longue haleine qui demande planification, organisation, administration, hiérarchie à longue échéance, très certainement sur plusieurs générations. Pourquoi avoir choisi cet endroit qui nous semble si peu propice pour exercer leur fabuleux talent de créateur de richesses, leurs dons d’invention et d’imagination, leur génie de concepteurs, vertus que célèbrent et que célébreront à travers leurs écrits pendant plusieurs millénai­res les nombreux successeurs de ces «têtes noires», c’est-à-dire têtes riches, fécondes ... noires comme les terres limoneuses du delta des fleuves. Un des noms de l’égypte était Khémit = la noire. Qui a donné par les Arabes: Al Chimie.
7- Ces 4 dieux majeurs notés ici sont AN, ENLIL, UTU et ENKI. An(Sumérien) ou Anou (Akkadien) Père des dieux, roi des dieux, Dieu suprême. Enlil – Dieu du ciel Utu/Shamash - Dieu soleil – Dieu de justice Enki/Éa dieu de la terre, maître de l’Absû (Les eaux pures souterraines), dieu des techniciens, des créateurs. On trouve ici la structure en 4 éléments, les 4 évangélistes, les 4 états de la matière, les 4 forces fonda­mentales de la physique, etc...
8- Ces grands dieux sont appelés les Annuna et leur rôle consiste à travailler pour nourrir entretenir et honorer AN le dieu suprême.
9- « Haute estrade » est une expression très répandue dans les écrits qui a une grande force et correspond à « Cime du monde » ou «point culminant du ciel» ou « Orient éternel ».
10- 11- 12-
13- 14- 15- 16- 17- 18- La demeure où se fabrique la chair, la grande matrice primordiale est située dans le lieu sacré (temple modèle ou prototype) de DUR-AN-KI mot impor­tant formé de 3 éléments: DUR qui signifie tenir ENSEMBLE, AN qui est le principe du ciel et KI celui de la terre. Duranki est donc traduit par «LIEN DE L’UNIVERS». On est là dans un lieu magique où ciel et terre sont unis.
19- Le copiste a écrit 2 fois le signe ALLA que les traducteurs ont noté par un pluriel qui n’apporte rien. ALLA – Très intéressant ce mot à rapprocher de Al, Aelleh, Aelohim (Le DIEU pluriel du début de la Bible) et bien sûr Allah.
20- Rappel: le mot A DAM vient de l’hébreu dam = sang. Comme dans le mythe d’Atrahasis (Autre mythe fonda­teur et fondamental qui suivra ce texte) c’est en pétrissant de la glaise humi­difiée par un sang divin qu’ ARURU la déesse génitrice procède afin que l’Homme possède sa part de divinité. Les dieux utilisent dans plusieurs textes leur salive pour humecter la glaise et transmettre une partie de leur divinité ou peut-être une parcelle de leur «verbe» à la nouvelle créature.
21- Les champs délimités pour toujours d’une terre qui appartient uniquement aux dieux. On constate ainsi que l’hom­me n’est pas propriétaire de la terre... Mais cela va, au fil du temps (1 à 2 millénaires...) se modifier et les terrains attachés au temple vont peu à peu devenir la propriété des rois, des familles royales puis des héros semi-divins et enfin des privés (Chefs militaires, hauts- fonctionnaires, haut clergé...). Passe-t- on ainsi du communisme au capita­lisme ? S’il faut délimiter les champs c’est au départ pour l’organisation des divers cultures et pâturages, des jachè­res, pour les problèmes de drainage et d’irrigation. Cette délimitation pour retrouver les parcelles après chaque crue, comme en Égypte implique de solides connaissances mathématiques.
22- Houes et couffins: à noter le sym­bolisme sexuel de fertilité des deux instruments la houe mâle et le couffin femelle mais aussi outils des travailleurs manuels qui creusent les canaux, les fondations des maisons...
23- 24- 25- Délimiter non pas pour s’appro­prier les terrains mais pour cloisonner et différencier les diverses sortes productions.
26- 27- 28- 29- 30- 31- 32- 34- Les traduc­teurs précisent que ces caractères effacés l’étaient déjà dans l’original copié.
35- 36- Il est intéressant de noter que pour les Sumériens «croissez et multipliez» signifie d’abord faire fructifier, croître et multiplier les ressources écono­miques. A noter que les rendements agricoles obtenus en pays sumérien il y a plus de 4.000 ans sont équivalents à ceux réalisés aujourd’hui. La roue qu’ignorent les Égyptiens, les charrues efficaces, les semoirs, la traction ani­male sont depuis longtemps utilisés en pays sumérien. Les archéologues ont été surpris de découvrir que dans les villes construites par les sumériens lorsque la population augmentait beaucoup la ville était rasée et reconstruite sur un plus vaste plan. (Ville de Mari).
37- A l’origine la célébration des cultes et fêtes divines est un devoir. « La vie humaine n'a de sens, de raison d'être et de finalité qu'au service des dieux. » a écrit le dominicain Jean Bottéro. Ceux qui manquent à ces devoirs sont punis. Glorifier pour essayer de s’attirer la protection et les bonnes grâces est une dérive.
D’ailleurs, pourquoi glorifier Dieu, le « Grand Architecte de l’Univers »... C’est stupide un Être Suprême, suprêmement intelligent ne peut apprécier les compli­ments, flatteries, les cadeaux intéressés. Avec les offrandes l’Homme cherche à acheter Dieu. Mais comme il voit qu’il ne peut pas L'acheter alors il Le LOUE...
38- Pain et eau fraîche (ou bière ou vin) ont été et sont les offrandes rituelles. «La Grande Résidence» à rapprocher du mot Pharaon , Per Aha en égyptien qui veut dire aussi Grande Demeure. Les sumé­riens ont construits les premiers temples mais paradoxalement le mot TEMPLE n’existe pas dans leur langue. Le mot maison, foyer, domicile etc... se dit «é». Ce «é» accompagné d’une étoile indique qu’il s’agit d’un Temple.
39- Jean Bottéro note que ce document est le seul à donner ces noms au couple qui engendra l’humanité. L’Adam et l’Eve de la Bible qui se nomment, rappelons-le, d’abord Adam et Aïsha, sont nommés par les Mésopotamiens: Ullegarra et Annegarra: tirés d’une alliance de racines akkadiennes et sumériennes. Ils sont formés du sumé­rien GARRA qui signifie: posé, placé, établi et pour le premier de l’akkadien «ULLE» qui indique ce qui est éloigné dans l’espace et le temps, et pour le second de «ANNE» qui désigne ce qui est proche, près ou présent. Donc les noms suggèrent un carrefour de forces convergentes, un LIEN entre le passé et l’avenir, entre le proche et le lointain en même temps qu’une idée de stabilité et de globalité dans l’espace.
40- A noter que ce sont les hommes qui sont chargés de la prospérité, et donc de la variété et de l’abondance de la nour­riture des dieux. A noter aussi que les hommes reçoivent la mission de faire prospérer les animaux domestiques mais il n’est pas dit comme dans la Bible croissez et multipliez vos descen­dants. Il est évident que la multiplica­tion du cheptel va permettre l’augmen­tation de la population mais les Sumériens, très sages et pragmatiques, conseillent de créer le conditions écono­miques favorables avant tout. Le problè­me de la surpopulation sera traité dans le texte qui fait suite à celui-ci le mythe d’Atrahasis le Noé sumérien.
41- 42- 43- 44- Les traducteurs ont traduits : 43- Techniciens après techniciens,
rustauds après rustauds. C’est lourd, car l’idée, il me semble, est plutôt d’évoquer l’opposition et la complémentarité: Ingénieurs/Ouvriers ou Intellectuels/ Manuels ou Citadins/ Paysans et surtout Sédentaires et Nomades, Sumer et Akkad de ce texte bilingue. En fait, les générations humaines fécondes se pour­suivraient à jamais. L’esprit de recher­che, de créativité et de génie inventif allié à des réalisations précises, soigneu­ses pour assurer le progrès et l’équilibre du monde. Deux aspects de la nature de l’Homme, qui doit chercher, concevoir, être imaginatif, créatif, certes... mais qui doit aussi agir, mettre « les mains à la pâte » et ne pas se contenter de penser, de faire de l’intellectualisme, de faire tra­vailler les autres, ce qui est nettement meilleur pour son équilibre et sa santé morale et celle de tous...
45- 46- 47- 48- Parmi les 4 dieux, le dieu soleil UTU a été remplacé ici par Nin-mah (Dame-Grande) déesse mère liée à Enki.
49- 50- Cette déesse patronne de l’agri­culture, de la production des céréales, point essentiel de la civilisation. A Babylone elle deviendra en plus la protectrice des scribes

« C’EST LÀ UNE DOCTRINE SECRÈTE :
ON N’EN DOIT PARLER QU’ENTRE INITIÉS »

Jean Bottéro refuse le terme d’initié qu’il qualifie d’onirique et a préféré écrire: « On n‘en doit parler qu’entre compétences ». Le mot initié fait peur aux profanes et c’est pourquoi il est fait pour être partagé et approfondi dans un lieu tel que celui-ci à un degré déjà élevé.

CE QUI NE SE VOIT PAS
A l’origine cette doctrine ne doit être transmise oralement qu’entre initiés, donc à un cercle très fermé d’individus. L’invention de l’écriture va ouvrir un peu ce cercle.
Au cours de la grande aventure de l’humanité il y a eu 5 grandes révolutions:
– la première fut l’invention de l’écriture (-3200),
– la seconde fut l’invention de l’alphabet (phéniciens -1000),
– la troisième celle de l’insertion des voyelles par les Grecs (-500),
– la quatrième celle de l’imprimerie (Chine +750 et Gutenberg +1450),
– et enfin la révolution que nous sommes en train de vivre avec les télécommunications (internet, radio, tv, etc...), sans forcément en être assez conscients. Un simple téléphone portable donne accès à tous, à des milliards d’informations.
C’est à dire qu’à chacun de ces paliers la connaissance à élargi son cercle. Ces décou­vertes sont-elles à la portées de tous ou aurait-il fallu les garder secrètes ?
– Quelle est cette doctrine secrète dont on ne peut parler qu’entre «initiés» ?
– Qu’est-ce que le scribe entend par doctrine ?
– Où une doctrine secrète est-elle cachée dans ce texte ?
– Le copiste a-t-il compris tout le message ?

Pour les Sumériens écrire un texte en 50 lignes a une signification. 50 est le nombre symbolique affecté à Enlil le dieu du ciel, de l’air et du vent, du souffle et de l’esprit. Babylone qui a transmis le savoir sumérien a érigé Mardouk en dieu suprême et célèbre sa gloire par l’exaltation de ses 50 noms dans un texte majeur et trop peu connu l’ENUMA ELISH ou «épopée babylonienne de la création».

Il y a une chose cachée très simple à concevoir, d’une profondeur extraor­dinaire et qui a eu des conséquences fabuleuses. Le récit est composé de 4 parties ce qui est suggéré et souligné au début (ligne 7) et à la fin (ligne 48) par la présence fonda­trice des quatre dieux. Ces quatre parties sont réparties comme suit : 2 lignes + 10 lignes + 28 lignes + 10 lignes. 28 peut être considéré soit sous l’aspect du cycle lunaire soit dans sa réduction: 8+2 = 10.

1) Le récit commence donc par poser la création issue de l’unité-GERME qui a tout engendré. (Ciel et Terre solidement tenus ensemble). Ce point d’origine comme la graine contient tout le
potentiel de l’univers à venir. C’est le grand mystère de l’unité primordiale qui ne peut être percé par le mental et que tous les grands prophètes et mystiques ont tenté d’en transmettre le vécu avec des mots et des images difficiles à partager. La ligne 2 indique que cette unité est en germination. Ce n’est pas la graine sèche abritée par sa coque qui avec tout son potentiel attend le terrain ou le moment propice.
2) Dans un deuxième temps est développé le programme, la destinée de l’univers qui est fixée par les 4 grands dieux. Il s’agit du SOUFFLE, du MOUVE­MENT qui va organiser et animer toute la création. Ce souffle, ce courant qui va tracer symboliquement le cours des 2 fleuves et rendre possible l’Eden en place du désert.
3) Le troisième temps commence par une interrogation: «Qu’allons-nous créer maintenant ?» Les dieux, les forces de la nature, ne restent jamais inactifs, ils doivent avancer, progresser sans cesse. La vie est mouvement. Ceux que les auteurs nommaient «LES DIEUX» et que nous appelons «LA VIE» ou «LA NATURE» est un laboratoire d’invention, de diversification, de création permanente. Les dieux se questionnent sur l’avenir... La réponse évidente s’impose: «Créer l’Homme !» Cette humanité va être conçue comme le LIEN entre la terre et le ciel en un lieu nommé «lien de l’univers» et par un couple dont les noms suggèrent qu’ils sont à la fois le lien entre le lointain et le proche, entre le passé et l’avenir.
Poser l’Homme comme lien entre ciel et terre c’est le situer exactement là où la vie l’a placé et c’est aussi mettre l’accent sur les responsabilités qui lui incombent. Et ce qui est primordial cela évite de placer l’Homme au dessus de la création ... dérive qui est la cause des détériorations actuelles.
4) Le couple primordial ainsi créé va devoir propager le SOUFFLE initial de la création en créant des richesses sur la terre appartenant aux dieux, en rendant, jour et nuit, les rites et les offrandes dues aux dieux. L’Humanité est à leur service, lesquels sont au service du dieu suprême symbole d’Unité, de Lumière, de Vérité et d’Absolu. C’est une tension, un élan qui la pousse à cette recherche.

On peut tirer de ce texte extraordinaire­ment profond une foule d’enseignements et de sages principes à commencer par le sens de l’unité de la création. Ce sens de l’unité profondément ancré en nous qui pousse à la fois les initiés à rassembler ce qui est épars et les scientifiques à rechercher la formule qui unifierait toutes les sciences de l’infinité­simal et de l’astronomique, du quantique et du relativisme.

Il est important de connaître le symbo­lisme des lettres hébraïques pour découvrir un secret bien gardé à la fois si simple et si compliqué qui montre que le fameux nom que seul le grand prêtre ne peut prononcer qu’une seule fois par an dans le Saint des Saints et que les croyants-ignorants prononcent YAWÉ, YAVHÉ, GÉOVAH, ADONAÏ etc... n’est pas un nom. C’est l’exposé dans un certain ordre de 3 forces, de 3 principes universels réunis en une sorte de formule mathématique de 4 ou 10 sons. Et cette formule était transmise de bouche à oreille, entre initiés depuis la nuit des temps.

Abraham Aboulafia (XIIIe siècle) s’est servi pour ses exercices de méditation (yoga mystique) de la prononciation de ces mêmes lettres hébraïques en les associant à toutes les voyelles. Donc si on veut résumer en 4 idéo­grammes toute cette doctrine on ne pourrait mieux faire que d’inscrire les quatre lettres correspondant aux 4 chapitres du texte:
IOD, , VAV, dont le symbolisme nous dit la TRADITION hébraïque (Qabbale) est respectivement GERME, SOUFFLE, LIEN et SOUFFLE.
Le Tétragramme prononcé par 10 lettres: IOD HÉ VAV HÉ

אה - ואו - אה - דוי    ou  יה - ויו - יה - דוי
IOD       HÉ      VAV      HÉ                    IOD           VAV    
( Note de l'Edifice : Pour plus de fcilité, l'écriture en Hébreux à été mise de gauche à droite.)

Cordovero) car 10 marquant les nombres de lignes des chapitres du texte, les 10 séphiroth, les 10 objets de la table du bateleur, les 10 points de la tetraktys pythagoricienne... Une autre curiosité: ce Tétragramme sacré ne comporte que 3 forces/ principes universelles qui peuvent être associées en un simple dessin. Le cercle avec son point central. Or il est étonnant de constater que le Hiéroglyphe du soleil Râ est un cercle qui comporte un POINT au milieu.


S009-1-1
En sumérien, à l’origine l’idéogramme du soleil est un cercle avec un point au centre. En chinois le signe soleil «Ri» est encore un cercle avec cette même trace ponctuelle du compas.
Donc la représentation quasi universelle de notre astre est un cercle dans lequel figure le centre et non un simple cercle jaune comme Akhénaton l’a représenté.
Ce point central correspond au «IOD», le germe dont on a gardé le point sur les quatre «i» de initiation.

Le souffle «HÉ» c’est l’expansion de ce point, qui va engendrer le cercle. La mesure de ce souffle est représentée par le rayon du cercle. Chaque point de la circonférence a un double lien «VaV»: celui, invisible, qui le lie au centre et celui apparent qui l’unit aux autres points de cette chaîne d’union.
Le mot religion dans son sens pur de lien double; vertical avec le ciel et horizontal avec les frères humains.
Et comme dans le Tétragramme le deuxième «HÉ» correspond au rayonnement solaire. Ce texte précède d’au moins 1500 ans les écrits bibliques. Que la pensée qui le guide prenne racine dans la Tradition Orale de la préhistoire est une hypothèse plus que vraisemblable.
Pour les initiés qui ont mit par écrit ce texte il n’y a pas d’anthropomorphisme. Pas de Dieu barbu, simplement des principes, des forces, un ordre permanent et sousjacent de tout mouvement du vivant.

Pour expliquer ces idées abstraites ils ont utilisé, pour les gens simples, les images des dieux représentés dans les temples. Était-ce par pédagogie ou comme puissant outil de pouvoir ?
A notre époque ce texte fondamental mérite d’être connu et médité car il parle de choses simples et universelles qui devraient aider à unir les initiés de tous les horizons, à les faire dépasser les meurtrières querelles autour de noms divins inventés par des appareils (églises, sectes et obédiences) enivrés de pouvoir et aveuglés par leur propre gloire.

Un Franc-Maçon initié devrait se situer bien au-dessus des religions, et même de ce «GADLU» qui n’est que le sac du bateleur qui renferme tous les autres noms divins.
Et comme l’écrit Lao-Tseu au chapitre 1 du Tao Te King: « La voie (Tao) qui peut être exprimée par la parole n’est pas la Voie éter­nelle. Le nom qui peut être nommé n’est pas le Nom éternel. » Et il ajoute: «Avec un nom, il est la mère de toutes choses.» Ce qui correspond exactement à la 2e ligne du texte qui parle de déesses mères. Cela fait 2500 ans que ce vénérable sage le disait...

Mais, hélas, au chapitre 70: «Mes paroles sont très faciles à comprendre, très faciles à pratiquer. Dans le monde personne ne les comprend, personne ne les pratique.»
Si le Grand Architecte de l’Univers a pu unir, réconcilier des croyants, surtout chrétiens, frères ennemis au XVIIIe siècle..., à notre époque si on veut que les guerres entre les religions cessent, il faut dépasser «les texte de Anderson» et se situer au-dessus de ces images anthropomorphiques créées pour les naïfs ou ceux que l’on veut soumettre.
Les divisions amenées par ceux qui détiennent leur vérité, quand trouveront- ils la volonté de rassembler et de se rassembler ?

Nous laissons la conclusion au Vénérable Maître chinois: « Si l’homme peut connaître l’origine des choses anciennes, on dit qu’il tient le fil du Tao

Michel Mora

Référence: Lorsque les dieux faisaient l’homme de Jean Bottéro et Samuel Noah Kramer, éditions Gallimard, Paris 1989.
Publié dans le Bulletin de SUB ROSA : Une Parole Circule - Bulletin N° 9 - Octobre 2011  -  Abonnez-vous

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