Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
La
voûte étoilée
Pour la deuxième planche qu’il m’a été donné d’exposer à votre réflexion, et donc d’éprouver la mienne, le choix s’est porté sur la voûte étoilée. Quelle belle expression, empreinte de poésie. J’ai hélas très peur que mes travaux ne soient pas à la « hauteur » de ce que ces deux mots peuvent évoquer en chacun d’entre nous. En effet il ne s’agit rien de moins que de tenter d’exprimer l’indicible, ce qui est vous l’admettrez est une tâche pour le moins ardue. Tout d’abord, lorsque j’ai eu connaissance du sujet, je n’ai pu m’empêcher de faire le lien avec celui de ma première planche : la caverne. De la caverne à la voûte étoilée, voilà manifestement la marque d’une volonté de me placer sur un axe vertical, de me contraindre à quitter le monde terrestre pour une odyssée vers l’espace. Je vous invite donc à me rejoindre dans mon vaisseau pour ce voyage vers une destination inconnue. Mon F\ André me pardonnera de ne pas évoquer 2001 l’odyssée de l’espace, et mon F :. Joël de ne pas parler de trous noirs, d’antimatière et d’exo planètes. Mais quelle approche choisir ? Quels thèmes explorer ? Ils sont aussi vastes que peut l’être l’univers. Je me souviens des propos tenus par Michel Serre dans une émission consacrée à l’astronomie. Il comparait les approches différentes dans l’antiquité entre Grecs et Egyptiens. Dans un dialogue de Platon, un vieux prêtre égyptien dit à un savant grec : vous autres grecs, vous serez toujours des enfants, vous n’avez pas de science blanchie par le temps, tandis que nous égyptiens nous sommes le plus antique peuple de la terre et avons accumulé dans nos bibliothèques un extraordinaire savoir. Vous êtes sans cesse en train de casser, de révolutionner votre savoir. Et c’est pour cela que vous les grecs vous êtes des scientifiques et que nous égyptiens nous ne serons jamais que de vieux historiens. Ainsi vais-je préférer dans cette planche le temps de l’histoire au cycle sans cesse renouvellé des découvertes scientifiques .Ce soir je serai plus égyptien que grec. Nous nous sommes tous construits sur un mélange complexe d’expériences, heureuses et malheureuses, chacune d’entre elles façonnant peu à peu notre personnalité et notre appréhension du monde. C’est, outre l’aspect biologique, ce subtil amalgame qui fait de chacun d’entre nous un être unique. Mais parmi ces différents parcours, il est une expérience dont je crois le caractère universel est partagé par l’humanité depuis le commencement. Quel être humain n’a pas levé les yeux une nuit vers la voûte étoilée ? Et ce faisant, quel est celui qui n’a pas été amené devant ce spectacle à se poser la question sur sa propre condition et sa place dans l’univers ? Mon plus beau souvenir de cette expérimentation se situe dans le désert mauritanien, lors d’une randonnée de deux semaines. Peut-on rêver d’un plus beau décor et plus propice à la méditation ? Imaginez : vous avez marché durant la journée sous un soleil qui vous semblait trop proche, vous avez partagé autour d’un feu la douceur de la soirée avec vos compagnons de voyage, goûtant avec délice la fraîcheur enfin revenue. Puis, comme il est temps, chacun se disperse pour profiter dans la solitude de l’incomparable silence. Allongé dans le duvet, les yeux grands ouverts, je contemple le ciel en train de vivre sa mutation. Une à une, les étoiles apparaissent, les constellations deviennent visibles alors que les reliefs du sol autour de moi s’estompent. La terre s’efface devant le ciel. Et immanquablement, je prends la mesure de mon état, de ma place dans l’univers. Quel terme pour définir la nature de ce ressenti ? Modestie ? Humilité ? Ces étoiles, à quelle distance peuvent-elles bien se trouver ? Existent-elles seulement encore ? Elles représentent à la fois une notion de distance non mesurable et de temps… tout autant inestimable. Et ces étoiles filantes, ces météores ne nous rappellent-elles pas dans leur fugacité la brièveté de nos propres existences ? Il me revient en mémoire une chanson d’Higelin dont les paroles conviendraient pour exprimer ce que je ressentais. Rassurez-vous, je ne vais pas vous la chanter mais simplement vous en livrer un couplet : Je
suis qu'un
grain de poussière,
Un grain de poussière, Perdu comme un enfant Dans l'œil du firmament Prisonnier d'un courant d'air Un grain de poussière Le fils de la terre et du vent. Mes FF\ …perdu comme un enfant…L’homme est perdu devant le mystère de la voûte étoilée. Plus de notion de temps ou d’espace dont il pourrait prendre la mesure. L’infini, échappe à notre compréhension, et comme toute chose non maîtrisée, il provoque la peur. Peur de ne pouvoir donner un sens à l’existence. Une petite digression sur l’espace et le temps. Mes FF\. Nous commençons nos travaux à midi. Midi sur vos montres indiquent une position relative des astres entre eux. Cette position a été, est et se renouvellera un nombre incalculable de fois. Midi à nos montres indiquent donc une position dans l’espace et non une mesure du temps. Mais l’usure du bracelet, des rouages, les rides qui se forment autour des yeux et les cheveux qui blanchissent…voila bien une manifestation du temps. Je vais citer l’écrivain Maeterlinck: “il est puéril de se demander où vont les choses et les mondes. Ils ne vont nulle part, ils sont arrivés. Dans cent milliards de siècles la situation sera la même qu’aujourd’hui, la même qu’elle était depuis un commencement qui d’ailleurs n’existe pas, et qu’elle sera jusqu’à une fin qui n’existe pas davantage”. La nuit succède au jour, les ténèbres à la lumière. Mais s’agit-il de ténèbres ? Si la lumière est la vérité, la nuit représenterait-elle l’ignorance ? En contemplant en été un ciel constellé d’étoiles, on ne peut que réfuter cette thèse. Des milliers de soleil brillent comme autant de vérités dans un univers sans limite. Notre soleil ne fait pas disparaitre les étoiles, il ne fait que les masquer à notre vue, nous rendant aveugles à d’autres mondes. J’y vois le symbole de la foi, qui occulte les yeux par un dogme affirmé, fermant l’esprit à d’autres possibles. Et quand j'évoque la foi, je parle de toutes les certitudes, quelles soient religieuses, scientifiques ou... ésotériques. Même dans les temples ou l'on creuse des tombeaux pour les vices.. la vigileance est de mise. Les étoiles guidant le voyageur sur son vaisseau, les étoiles dans lesquelles les humains cherchent à lire leur devenir et leur passé. Dans la mythologie égyptienne, la voûte étoilée est incarnée par Nout, déesse du ciel, épouse de Geb, dieu de la terre. Nout était fréquemment représentée de côté sous les traits d'une femme arquée au-dessus de la terre qu'elle touchait avec les mains et le bout des pieds. Son corps étoilé représentait la voûte céleste. C'est elle qui engendra le soleil et les étoiles, les avalants, elle les fit renaître le jour et la nuit. Une des plus belles représentations de la déesse que j’ai pu contempler se trouve dans la chambre funéraire de Ramsès VI, située à Thèbes dans la vallée des Rois. Elle est étroitement apparentée à la croyance de la résurrection des défunts qui après leur trépas resplendissent comme des étoiles sur le corps de la déesse. A l’origine, la terre et le ciel étaient UN. Toute la mystique tendait donc à réunifier ce qui était séparer, à rassembler ce qui était épars. Plus tard, dans son traité d’architecture, le romain Vitruve préconisait de ne pas construire de toit aux temples dédiés à Jupiter afin que les énergies célestes puissent être mises en œuvre. La chrétienté a largement représenté la voûte étoilée dans ses édifices : chapelles, basiliques, églises. Le chœur est surmonté par une sphère ou une demi coupole, symbolisant le ciel. Dans nos temples maçonniques, la voûte étoilée surplombe le pavé mosaïque. Grains de sable, grains de poussière, poussière d’étoiles…Le grain de sable est sur la terre comme étoile dans le ciel. Le pavé mosaïque est le reflet de la voûte étoilée. Le ciel et la terre formant un tout : ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. J’ai évoqué tout à l’heure l’humilité et la modestie. Il convient de rajouter la conscience d’appartenir à ce tout. Certains peuvent voir dans les étoiles le symbole de ceux qui ont rejoint l’Orient éternel, veillant sur les mortels, conformément aux croyances égyptiennes. Oui, au fond, pourquoi ne pas associer de cette façon pendant la chaîne d’union nos frères disparus ? Mes FF\, encore un peu d’indulgence pour ce poème : Sous
la voûte
étoilée noyée d’un bleu
profond
Et sur le noir et blanc du pavé mosaïque Entre Occident , Orient, Midi, Septentrion Dans ce carré long entre nadir et zénith Formant la chaîne, mes frères comme autant de maillons, Unis dans le temps qui est, sera, et qui fut Hommes parmi les hommes, témoins de cette union Pour un instant, gardiens d’une lumière continue Les pieds campés sur terre, la tête dans les étoiles Forgeant comme un niveau du couchant au levant Du sol à l’infini fil à plomb vertical Symbole d’humanité dans l’espace et le temps Vénérable Maître, et vous tous mes FF\ J’ai dit. F\ D\ |
3007-5 | L'EDIFICE - contact@ledifice.net | \ |