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Parler du Miroir


Définition - Etymologie

L’étymologie du mot miroir est riche de sens, elle nous vient du latin :

- Miror    :             s’étonner, être surpris de, voir avec étonnement,
- Mirâri   :            voir avec admiration, admirer
- Miratus :            être épris de, se passionner pour, rechercher

Pour le dictionnaire des symboles : « Spéculum (miroir) a donné le nom de spéculation : à l’origine, spéculer c’était observer le ciel et les mouvements relatifs des étoiles, à l’aide d’un Miroir ».
Selon le Petit Robert, le Miroir est un objet constitué d’une surface polie qui sert à réfléchir la lumière, à refléter l’image d’une personne et des choses.

Il est un Miroir naturel dont la fonction est irremplaçable et qui contribue à l’accomplissement de l’Univers. Il s’agit de la lune qui peut être considérée comme étant le Miroir du soleil. La lune reflète la lumière, mais elle n'en est pas la source. On l’oppose toujours au soleil mais en réalité, il ne s’agit pas d’une opposition mais d’une complémentarité, le soleil a besoin de la lune et la lune a besoin du soleil pour exister. En effet, la lune a besoin du soleil puisqu’elle en est le reflet. La lune est liée à la femme, à la fertilité. A juste titre car si elle n’existait pas, la nuit n’existerait pas et le soleil ne serait qu’une lumière fixe, seule et brûlante, et la vie n’existerait pas sur terre.

Utilisation et utilité du miroir
La première de ses fonctions venant à l’esprit est celle du reflet. Mais, ce reflet est-il une réalité ou une illusion ?  Réalisons un petit test : sur une feuille de papier j’écris mon prénom en lettre majuscule JEF, je le retourne alors face au Miroir et oh stupeur, si le visage qui apparait est bien le mien, le prénom inscrit sur la petite feuille devant ce visage familier n’est plus le même, j'y vois tout d’abord un F, puis un E puis un J, et qui plus est toutes les lettres sont « à l’envers ». On pourrait donc estimer que, d’une certaine manière, le Miroir est menteur.
Par l’effet de ce Miroir, le mot a perdu sa propre réalité alors que le visage semble à priori demeurer tel qu’il est.
Ainsi le Miroir, sans parler des Miroirs déformants, donne des objets et des personnes une image proche, mais différente de leur réalité objective. Alors pourquoi proche seulement et pas exacte, fidèle ?

En premier lieu, l’image de l’autre côté du Miroir est une image virtuelle qui n’existe nulle part. Le Miroir a pour particularité de dédoubler tout ce qui lui fait face, à l’infini. En effet, deux Miroirs se faisant face semblent démultiplier l’espace et donnent alors l’impression d’infini. Nous nous projetons alors dans un monde imaginaire que nous rétablissons dans le monde réel, grâce à la fixation de cette image sur notre rétine, en voyant ce qui n’a pas d’existence matérielle.
En second lieu, cette image virtuelle donnée par le Miroir n’est qu’une représentation symétrique par rapport au plan du Miroir, elle est donc inversée.
Ainsi nous pourrions dire que tous les Miroirs sont des Miroirs déformants, ils ne reflètent pas la réalité.

Le Miroir est dépourvu de mémoire, il ne livre que l’image à l’instant « t », image qui s’efface avec le retrait de l’objet ou du visage reflété. L’image peut cependant demeurer dans la mémoire de celui qui a vu le reflet donné par le Miroir.

Le Miroir peut aussi renvoyer une image jugée indésirable, pour peut que l’on veuille être autre, que cette image qui nous est renvoyée, autre que ce qui nous fait face. Il faut alors se poser la question : comment, face au Miroir, voir celui qui est et non celui que nous désirerions voir?

Un de mes amis médecins me faisait remarquer que « le vin était le Miroir des hommes ». De prime abord la formulation n’est pas évidente, mais lorsque nous apprenons que Socrate utilisait le Miroir pour montrer leurs visages aux ivrognes afin qu’ils se rendent compte de leur état, alors nous voulons bien reconnaître certaines vertus thérapeutiques au Miroir, à condition de voir ce qui est, et non ce que nous voudrions voir, une fois encore.
Le Miroir, nous l’avons vu précédemment est déformant, mais la vrai question ne serait elle pas plutôt : qui déforme ? Est-ce le miroir ou celui qui se contemple devant lui ? Ne s’agirait il pas d’une question de justesse du regard, de lucidité, plutôt que d’un problème d’image virtuelle inversée ?

Un des dangers du Miroir est qu’il peut flatter la vanité, la prétention, l’orgueil, la jalousie, en enfermant celui qui y fait face dans une contemplation complaisante d’une image inversée, ne l’oublions pas, par rapport à l’objet reflété.
Si nous nous plongeons dans un des contes les plus connus de Walt Disney, Blanche Neige et les Sept nains, nous y découvrons un bel exemple de cet aspect négatif du Miroir, la jalousie. En effet la reine interroge un Miroir magique afin de savoir qui est la plus belle et apprenant qu’il s’agit de  Blanche Neige, elle décide alors de tout mettre en œuvre pour l’éliminer, par jalousie.

La littérature, par les métamorphoses d’Ovide, nous apporte un autre exemple d’aspect négatif du Miroir avec le mythe de Narcisse, ce jeune homme qui, surprenant son reflet dans l’eau d’une source est séduit par l’image de la beauté qu’il aperçoit. Il s’éprend d’un reflet sans consistance, d’une image virtuelle, et se laissera mourir de mélancolie, se désespérant de ne jamais pouvoir attraper sa propre image, mourant parce qu’il s’aimait trop, par vanité et par orgueil.
Ainsi en étant mal utilisé, le Miroir reste obscur, et au lieu de nous élever spirituellement, peut nous faire régresser et plonger dans les ténèbres.

 « Connais toi, toi-même et tu connaitras les dieux»

Dans notre rituel, le Miroir me semble être, à priori, utilisé que de façon discrète et ponctuelle.
Il nous est présenté, tout d’abord, dans un espace de transition encore profane représenté par le Cabinet De Réflexion. En cet endroit éclairé d’une  bougie, la présence du Miroir transmet un reflet parfois difficile à percevoir. L’endroit est sinistre, sombre. Moi qui étais venu chercher la lumière je me suis retrouvé dans l’obscurité. Face au Miroir je me suis posé la question suivante : allais je être à la hauteur de ce qui m’attendait ou de mes espérances. Ce n’était pas le même regard que dans ma glace le matin, je ne m’attardais pas sur ce visage que je crois si bien connaître,  mais j’essayais de voir au delà, à la recherche d’une image spirituelle et non plus virtuelle. Une image qui me renvoie non plus à l’aspect physique et matériel des choses, mais à ma propre évolution, invisible et pourtant bien réelle, et déjà commencée à cet instant.

La seconde fois que le Miroir a joué un rôle important, c’était pendant la cérémonie d’Initiation. Ayant tout d’abord, longuement je crois, balayé du regard les visages qui m’entouraient et constaté que je n’avais aucun ennemi, connu en tous cas, dans cette honorable assemblée, je me retournais lorsque le Vénérable Maître me suggéra que les ennemis que je devais craindre le plus se trouvaient peut être derrière moi. A cet instant précis, je me vis pour la seconde fois dans ce Miroir. Et là, surprise, cet ennemi que je pensais découvrir, est symbolisé par ma propre image. J’étais cet ennemi !
« Connais toi toi-même et tu connaîtras les dieux » disait Socrate. Dans notre rituel de l’initiation le Miroir pourrait bien être est le symbole de la connaissance, de la connaissance de soi. L’objectif de ce face à face avec sa propre image, est sans doute de nous exhorter à nous souvenir que nous n’aurons de pire ennemi que nous-mêmes, et de nous poser cette question : « L’homme, est-il pour lui-même, le meilleur de ses amis ou l’ennemi le plus à craindre ? »

L’épreuve du Miroir nous invite à s’affronter soi-même, à regarder au-delà des apparences. A partir de ce moment, ayant quitté le monde profane, le Miroir devient, de fait, l’outil incontournable de la vie initiatique pour l’apprenti. Le Miroir est un outil de révélation. Je pense qu’en tant que symbole, le miroir est le principal outil de l’introspection. Il nous fait réfléchir sur ce que nous sommes, avec nos qualités et nos défauts, notre façon de voir le monde, les personnes qui nous entourent, et nos idées, pour les améliorer et les amener vers le bien. Il nous permet de réfléchir sur ce que nous voudrions être, et que nous ne sommes pas encore, il nous permet d’espérer pouvoir dépasser le visible pour l’invisible, le paraître pour l’être. Cette image virtuelle que me renvoie le Miroir va devenir un objet : la pierre brute que je vais devoir dégrossir, puis travailler sans relâche et sans fin.
Le Miroir est l’instrument qui doit révéler l’angle secret de ce qui n’apparaît pas encore, mais qui existera. Nous devons apprendre  à trouver l’angle harmonique qui révèle et diffuse la lumière pour voir au-delà du Miroir, passer au-delà des métaux, afin de trouver la transparence. L'Au-delà de ce Miroir symbolise la part spirituelle de l'Homme, ce qu'il a de Divin, son Âme.

Pour ma part, j’ajouterai qu’il y a également un Miroir qui nous permet de tomber le masque, c’est le regard des autres, ce regard par lequel nous existons. L’homme est un Miroir pour l’homme. Chacun de nous peut se reconnaître dans l'image de l'autre, chacun de nous peut s'identifier dans ce que l'autre a de bon à lui montrer. Il est essentiel d’accepter le regard des autres et en particulier celui de nos Frères car c’est au travers du regard de l’autre que nous existons et au travers de l’autre qu’existent la vérité, la sincérité et notre propre conscience. Nous avons donc un devoir d’exemplarité, et pour cela nous devons percevoir les autres et avant tout nous même, avec justesse.

En conclusion je finirai par une approche très personnelle. Lorsque j’ai commencé ce travail, je ne voyais absolument pas le rapport qu’il pouvait y avoir entre le Miroir et le spéculum que connaissent bien nos amis médecins…mais depuis, vous le savez mes Frères, ma vie a pris un important virage, avec le dernier voyage de ma Mère. Je ne peux aujourd’hui m’empêcher de penser à elle, en parlant du Miroir. Le speculum originel dont nous avons parlé en début de ce travail, s’est certes transformé en Miroir, mais il a aussi gardé son orthographe première pour définir l’objet médical qui permet l’inspection de la matrice de la Femme, de la Mère. En effet, La Mère est sans aucun doute le plus beau des Miroirs pour son fils et le fils en est de même pour sa mère. Je crois avoir pris cependant pris conscience que cette relation qui lie une Mère et un Fils est un lien directe entre leurs Ames qui perdure bien au-delà de la disparition physique de l’un ou de l’autre. Le revers de la médaille, si je puis dire, c’est que ce Miroir est forcement déformant car l’amour qui existe entre ces deux êtres donne forcement une image déformée, idéalisée.


J’ai dit

J\F\ P\


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