Obédience : NC Loge : Les templiers du GRAAL - Orient de Grasse - R\ E\ R\ Date : NC


Le miroir

3013-O-1

Objet de la vie courante dans le monde profane, mais aussi symbole philosophique et maçonnique.

C’est pour ce dernier point que je vous présente le travail de ce soir. Il se décomposera en trois parties, à savoir :

- le miroir dans le monde profane.
- le miroir comme symbole.
- et enfin le miroir en maçonnerie, plus précisément dans le second grade de notre rite.

Pour le monde profane, le miroir est une surface polie qui réfléchit les rayons lumineux et qui renvoie l'image des personnes et des choses.

L'étymologie du Miroir nous vient du verbe « mirer », qui vient du latin mirare : regarder attentivement.

Au plan symbolique Miroir se dit speculum qui a donné le mot spéculation. A l'origine, spéculer c'était observer le ciel et les mouvements relatifs des étoiles à l'aide d'un miroir pour les étudier.

Le miroir dans sa fonction de base renvoie une image virtuelle qui n'existe pas dans l'espace. D'autre part, l'image que nous voyons de notre visage dans le miroir en est le reflet, mais elle présente la caractéristique d'être inversée.

Toutes les civilisations ont utilisé le Miroir, qu'il soit matérialisé par une simple flaque d'eau, la surface plane d'un lac, ou sous la forme de pierre polie comme l'obsidienne (un verre volcanique naturel, les plus anciens semblent dater d'environ 6000 ans av. J.-C.).

Ensuite, des Miroirs en surface métallique polie furent conçus en Mésopotamie dés 4000 ans av. J.-C. et dans l'Égypte ancienne aux environs de 3000 ans av. J.-C.

L'invention du Miroir en verre semble dater du 1er siècle et est attribuée aux verreries de Sidon (ou Saïda en arabe, une ville du Liban).

Tout au long de l'histoire, le Miroir s'est perfectionné, adapté aux différentes utilisations quotidiennes des hommes et des femmes.

Au-delà de l'utilisation domestique de ce bel objet, le symbole du Miroir se retrouve dans la vie religieuse, artistique, philosophique de toutes les civilisations.

L'on dit souvent que les yeux sont le miroir de l'âme. C'est sans doute vrai, car le premier regard que l'on porte sur l'autre permet de commencer à construire une appréciation tout intuitive sur sa personnalité, sur son être intérieur. Par ailleurs, le regard des autres, un peu à la façon d'un miroir, nous permet de détecter toute une palette de sentiments à notre égard, qu'ils soient positifs ou négatifs.

La richesse symbolique du Miroir explique l'intérêt qu'il a pu susciter de tout temps. Que ce soient les philosophes grecs, les théologiens du moyen âge ou encore les humanistes de la renaissance, les hommes d'une manière générale n'ont jamais cessé de se pencher sur les questions que soulève le Miroir.

À travers le rapport entre le sujet et son reflet, entre le visible et l'invisible, entre le réel ou l'irréel, nous sommes confrontés aux paradoxes et à l'ambiguïté du Miroir. Le Miroir peut être vu comme un symbole de l'état de l'âme et en refléter la laideur ou la beauté.

Au Japon, le KAGAMI ou Miroir est symbole de pureté parfaite de l'âme.

Que reflète le miroir ? La vérité, la sincérité, le contenu du cœur et de la conscience. A titre d’exemple, on peut lire sur un miroir chinois du musée de Hanoï « sois clair et brillant et reflète ce qu’il y a dans ton cœur ».

Au Moyen Âge « le miroir » était une forme littéraire particulièrement répandue à travers des ouvrages destinés à conseiller le lecteur sur des questions morales, traitant de l'Amour, de la Raison et de l'Âme, sous différentes facettes. Les premiers exemples remontant au 9ème siècle.

Ce genre a trouvé beaucoup de succès auprès des Princes, quelques-uns s'y sont essayés comme Louis Ier (dit « le Pieu », né en 778 et mort en 840, fils de Charlemagne, il est roi d'Aquitaine, puis empereur d'Occident jusqu’à sa mort) ou Charles II (dit « le chauve », né en 823 et mort en 877, c’est un des petits-fils de Charlemagne qui procèdent au partage de l'Empire en 843. Roi d'Aquitaine par le règne de Louis le Pieu, il est roi de Francie occidentale de 843 à 877 et devient empereur d'Occident en 875. A une époque beaucoup plus récente, on connait la fortune du Miroir dans la littérature occidentale.

En Occident le miroir symbolise la mort, ainsi Jean de la Fontaine dans « l'homme et son image » reprend dans son allégorie le mythe de Narcisse ce jeune homme de la mythologie grecque qui fut séduit par sa propre image reflétée dans l'eau d'une fontaine. Ne pouvant la saisir il mourut de cette passion inassouvie. D'où le nom de la fleur qui poussa à l'endroit où il mourut et la naissance du terme narcissisme.

Dans l'allégorie de La Fontaine, son Narcisse se croit le plus beau du monde, mais lorsqu'il se regarde dans le Miroir il trouve son image laide. C'est pourquoi il la fuit. La morale est qu'il y a un décalage conséquent entre la vision plus ou moins idéalisée que l'on peut avoir de soi et la réalité.

Les frères Grimm dans Blanche-Neige n'ont pas échappé à cette tradition du miroir. Dans Blanche-Neige, la reine possède un miroir magique, don d'une fée qui répond à toutes les questions et notamment sur le fait de savoir si elle est la plus belle.

En 1871 Lewis Carroll publie Alice au pays des merveilles, suivi « de l'autre côté du miroir et ce qu'Alice y trouva ».

Ce conte constitue un voyage initiatique, celui que l'enfant entreprend pour entrer dans l'adolescence et le monde adulte.

Ici Lewis Carroll a traité du Miroir comme du lieu de passage, la porte qui permet d'accéder à un autre monde. Pour lui, le Miroir nous ouvre une autre dimension.

Dans le domaine cinématographique, Jean Cocteau a porté à l'écran une interprétation très personnelle de l'antique mythe d'Orphée.

Influencé par Lewis Carroll il a repris, la symbolique des Miroirs comme passages, en particulier celui de la mort. « Les Miroirs sont les portes par lesquelles la mort vient et va », dit-il.

Dans un autre domaine, le peintre George de la Tour dans sa peinture de Marie Madeleine représente le Miroir comme le symbole du passage de la réalité illusoire de la vie à celui de son aboutissement inéluctable. De nombreux autres peintres ont repris le symbole du Miroir.

L'association menaçante entre Miroir et mort se retrouve dans le folklore européen. Ainsi selon certaines coutumes, il faut voiler les miroirs dans la maison d'un mort, de peur que l'âme du défunt reste dans le foyer ou que celui qui se regarde ne perde la sienne ou ne meure.

Briser un Miroir peut entrainer au pire la mort, au mieux 7 ans de malheur.

Ce pouvoir inquiétant des glaces à refléter les fantômes ou à provoquer la mort voisine avec de probables usages du Miroir dans la sorcellerie européenne. Cela explique peut-être que jusqu'au 18°siècle on appelle « Miroir des sorcières » un Miroir rond et bosselé qui fait apparaître d'étranges reflets.

Les expressions courantes font également référence au Miroir. Il en est ainsi du « miroir aux alouettes » qui à l'origine servait à attirer les oiseaux pour les capturer et qui aujourd'hui sert à définir une illusion dangereuse, qui peut tromper celui qui ne se méfie pas.

Dans tous les rêves, la présence d’un miroir est une invitation à s’arrêter un instant et à s’y plonger, comme le fait Alice « à travers le miroir ». le monde qu’elle y découvre est immense et surprenant, le reflet de son inconscient le plus inconnu, le plus étrange et le plus fantastique. Plus on plonge à l’intérieur de soi, plus on y découvre de merveilles, plus nous tendons à être unique.

Au-delà de ce Miroir magique qui a nourri les contes, les légendes, les superstitions ou l'imaginaire, nous pourrions penser que notre société contemporaine a su s'en libérer et le reléguer au simple rang d'accessoire. Comme vous le savez, l'image corporelle, c'est-à-dire celle que nous avons dans notre miroir ou dans le regard des autres occupe une position privilégiée dans l'établissement des rapports sociaux et donc dans notre quotidien.

Nous pouvons dire aujourd'hui que l'homme est amoureux de son image, pas exactement comme narcisse, mais pour la représentation qu'il donne à la société.

Ainsi, notre plus ou moins bonne intégration dans la société dépend donc en partie de notre image et bien évidemment de la façon dont nous appréhendons celle-ci.

Les religions font très fréquemment référence à la symbolique du Miroir.

Chez les taoïstes, le Miroir est octogonal signe d'harmonie et de perfection. Un des enseignements du Bouddhisme stipule que « tous les êtres possèdent à l'origine l'illumination spirituelle de la même façon qu'il est dans la nature du Miroir de briller ». Si par contre les passions voilent le Miroir, il est alors invisible, comme s'il était couvert de poussière.

Dans la mystique musulmane, Ata (Soufiste mort en 1309 au Caire) a prétendu que le corps est dans son obscurité comme le dos du Miroir ; l'âme étant le côté clair de celui-ci.

Dans la tradition chrétienne, le Miroir sans tâche (speculum sine macula) est le symbole de Marie, mère de Jésus où l'Éternel se reflète. De la même façon, selon la Genèse, « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre ». Elle poursuit qu’après avoir rendu la terre habitable, au sixième jour de la création, « Dieu dit : faisons l'homme à notre image selon notre ressemblance. Puis, Dieu créa l'homme à son image, il le créa à l'image de Dieu, il créa l'homme et la femme ».

L’homme, après avoir contemplé les merveilles de la création qui l’entourait, vit la surface miroitante de l’eau, s’en approcha, eut envie de boire, y étancha sa soif et vit son image s’y refléter. L’homme s’observa sur cette surface avec étonnement. Par chance, l’homme ne pouvait savoir que Dieu l’avait créé à son image. L’Homme appela la Femme que Dieu venait de lui donner et tous deux contemplèrent ensemble, cette fois leur image sur cette surface agitée. S’apercevant que l’agitation de l’eau les empêchait de voir clairement leur image, l’Homme et la Femme nouvellement crées, attendirent ou cherchèrent une surface calme pour s’examiner à nouveau et plus en détail cette fois, objet miré et sujet. Mais ce qui me paraît le plus important c’est le moment où, après s’être tant comparé avec l’objet miré, chacun aperçut dans le regard de l’autre une lueur qui ne lui était pas apparue clairement dans le reflet de l’image. C’était un éclat lumineux dont personne n’est d’ailleurs jamais arrivé à déterminer, ni la source, ni la signification. Il leur fallut pas mal de temps pour comprendre et encore davantage expliquer, que c’était ce que vous avez sans doute deviné, la lueur de leur âme. Ainsi, dans l’image de l’homme, il y a les yeux, instrument essentiel de l’image et dans les yeux une lueur, parfois si lointaine qu’il faut même l’imaginer, celle de l’âme.

Je citerais cette citation bien connue de Lamartine « Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? ». Peut-il y avoir un quelconque rapport entre ces mots, en apparence contraires. Un objet qui prétend reproduire le réel, mais qui n’est après analyse qu’apparence et reposant seulement sur un phénomène optique.

Je citerai Marie Madeleine DAVY (philosophe française), qui a parcouru le monde pour délivrer une parole sur la vie intérieure de l’homme. Elle écrit notamment, je cite : « Le miroir est une image de l’univers dans lequel le créateur se reflète. La connaissance de l’univers introduit l’homme dans le mystère de Dieu et donne son propre mystère. Ainsi, la connaissance de soi et du monde lui donne accès au modèle dont le monde est à son image ». (Initiation sur la symbolique romane).

Comment ne pas citer aussi cette mention du prologue le Saint Jean « et tenebrae eam non comprehenderunt » (et les ténèbres ne l’ont pas comprise) inscrite sur le triangle à l’Orient placé à 6 pieds du sol derrière notre Vénérable maître. Se tenant sous nos yeux à chaque tenue. Comment ne pas chercher à comprendre cet enseignement fondamental qui nous donne la clé de la compréhension de nous même.

Lorsque notre Frère 1er Surveillant ma demandé de travailler sur le miroir, ce sujet, m’est apparu peu à peu comme un formidable outil de réflexion et a éveillé ma curiosité, ma conscience.

Lors de mon passage au grade de compagnon, c'est l'épreuve du miroir que je garde principalement en mémoire, son emploi n’existe guère qu’au second grade du R.E.R. Les Surveillants emmènent le postulant devant un miroir caché par un rideau, le 1er surveillant lui fait lire la maxime « Si tu as un vrai désir, du courage et de l'intelligence, écarte ce voile et tu apprendras à te connaître », puis il lui fait écarter le rideau et lui dit « Voyez-vous donc tel que vous êtes ». Le sens est le « seauton gnothi » de la philosophie socratique, est une expression du grec ancien signifiant « connais-toi toi-même », mais c’est aussi une évocation du cabinet de réflexion dans son ésotérisme.

Le « connais-toi toi-même » est le mot clé de l’humanisme et Socrate assigne à l’homme le devoir de prendre conscience de sa propre mesure sans tenter de rivaliser avec Dieux. Hegel voit ce « connais-toi toi-même » comme le signe d’un tournant majeur dans l’histoire de l’esprit. Pour lui l’esprit est de l’ordre du mystique inatteignable ; ce qu’au contraire augure Socrate, l’esprit est réclamé comme se trouvant dans l’homme lui-même.

Platon définit ainsi la santé d’esprit, laquelle consiste à se connaître en devenant capable de distinguer ce que l’on sait et ce qu’on ne sait pas. Ici la santé d’esprit dont l’homme est capable est une tâche à accomplir.

J'ai également compris que pour faire face à cette épreuve, je devais impérativement apprendre à me connaître, découvrir mes faiblesses, et à aller vers la lumière.

Au-delà du rituel de l'initiation, à la question « êtes-vous Franc-maçon, la réponse est : mes Frères me reconnaissent comme tel », première section, page 70 du rituel d’apprenti. La présence de l'autre est donc nécessaire en tant que Miroir pour nous restituer l'image que nous donnons.

Pour revenir à notre rituel, la cérémonie du miroir me semble comme un rappel de la 1er maxime de l'apprenti : « L'homme est l'image immortelle de Dieu, mais qui pourra la reconnaître s'il la défigure lui-même ? », premier voyage, page 41 du rituel d’apprenti. Et ne trouve-t-on pas au grade du compagnon la 2ème maxime ? « L'homme est naturellement bon, juste et compatissant », second voyage, page 20 du rituel de compagnon.

Pourquoi est-il donc si souvent en contradiction avec lui-même ? Naturellement, il ne faut pas entendre que tous les hommes soient automatiquement bons, justes et compatissants et qu'ils le restent durant toute leur existence.

Par naturellement, je pense que nous devons comprendre que les vertus de Bonté, de Justice et de compassion sont innées en la créature humaine originelle, mais, que ces vertus se sont trouvées altérées par l'orgueil. Faute, qui provoqua d’ailleurs l’exil d'Adam du Paradis. Un médiateur universel fut envoyé aux hommes pour « laver » ce péché originel et absoudre l’humanité de ce premier crime.

En effet, toute trahison et tout manquement à un serment, à un engagement pris devant le Grand Architecte, sont considérés comme un crime envers Dieu.

Ainsi, le baptême est bien sensé laver et éliminer cette faute originelle, mais si les hommes persistent à s'égarer, s'ils renouvellent sans cesse leurs erreurs, ils finiront par s'éloigner de Dieu.

Il ne s'agit pas, de devenir un fervent participant du culte, mais de reconnaître et d'exalter sans cesse en son cœur, celui qui est à l’origine de toutes les créations et de toutes les formes de vie.

J'ai nommé humblement le « G\ A\ D\ L'U\ »

Pour conclure, nous savons tous que nous ne pouvons nous réaliser à partir de nous-mêmes. C'est en cela que le rôle du Miroir est si important. Il nous permet de réfléchir l'image de notre être intérieur qu'il nous faudra d'abord chercher et trouver. Car le Miroir, l'objet en lui- même, ne réfléchit que ce que nous voulons bien voir.

Il faut pourtant se rappeler que nous cherchons tous la même chose : l'Unité dans la sagesse, la force et la beauté. Quand le 1er Surveillant nous dit après avoir découvert le miroir « Voyez-vous donc tel que vous êtes » page 22 du rituel de compagnon, c’est le miroir qui va nous permettre de reconnaître notre alter ego que nous trouverons sur notre chemin à un moment ou à un autre. Cet alter ego, qui n'est pas forcément un autre, était présent en nous et nous l'avons perdu. Toute la difficulté est de le chercher, de le trouver et de le vérifier.

Le Miroir nous rappelle que nous sommes en constante évolution. D'un jour à l'autre, ce n'est pas la même personne qui se présente devant le Miroir. Ce dernier est un outil indispensable pour reconnaître notre être vrai. L'image qu'il reflète n'est qu'illusion. Il faut aller au-delà. Le perfectionnement de soi-même est le principe obligatoire pour tous les hommes, du plus élevé au plus humble, du plus instruit au plus ignorant. Nous avons appris, dès le début de notre entrée en franc-maçonnerie que pour juger ou simplement voir les autres, il faut soi-même être un miroir pur.

Mais il faut aussi se rappeler que le degré de Compagnon est le degré du voyage à proprement parler. Le Compagnon peut enfin voyager à l'extérieur du Temple, visiter d'autres loges sans pour autant oublier son voyage intérieur qui est permis par le Miroir, ce Miroir qui permet cette descente en nous-mêmes si importante dans notre quête.

Partir à la recherche de notre être intérieur et de notre unité, n'est-ce pas notre but à tous ?

Pour finir, contrairement à beaucoup de frères qui disent que nous sommes d’éternels apprentis, je pense que nous sommes d’éternels cherchant.

J’ai dit Vénérable Maître.

G\ Ph\


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