Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
Une
brève histoire du Rite de Misraim
et de sa spécificité maçonnique … et pour démarrer par ce dernier point, je vous rappellerai que la Franc-Maçonnerie actuelle ne donne aucun enseignement dogmatique : elle n’est pas une religion et d’ailleurs certains de ses dirigeants sont en certains pays des athées convaincus, que seul le progrès matériel et social intéresse. Certes, elle donne la plupart de ses instructions par le canal traditionnel du Symbolisme ; mais ce dernier n'est pas religieux ; il n'a pas de tendance mystique du moins dans les trois premiers grades. La Maçonnerie du 18ème siècle était quant à elle très différente car elle ne groupait, en la plupart des Rites, que d'ardents spiritualistes. De là, cette extraordinaire floraison des Rites les plus variés, des Obédiences les plus singulières, des Hauts Grades les plus mystiques et les plus hermétiques où les Religions, l'Alchimie, l'Hermétisme et la Kabbale se rencontrent et se mélangent. Ces rites divers mettaient leur préoccupation essentielle dans la conquête de la Vérité, dans la découverte des secrets de la Nature et dans les expérimentations les plus hardies dans le domaine spirituel. Le Rite de Misraïm qui ne fait pas exception à cette description est certainement l'un de ces Rites que la légende, les mythes ou les fantasmes ont accompagné durant toute son existence. Alors essayons de débrouiller cela et d’y voir un peu plus clair tant que faire se peut. Au 18ème siècle, dans le sud de l'Italie, en Sicile et en particulier à Naples, il y avait un certain nombre de Loges qui travaillaient hors de la vue de la Sainte Inquisition encore très active à cette époque. Ces loges se passionnaient pour les traditions égyptiennes dont on a hérité depuis l'Antiquité, et des visions de l'Égypte tournée vers l'Initiation et les Mystères. Le Rite de Misraïm semble apparaitre pour la première fois vers 1740 en Italie, avec un double caractère. Premièrement, il est païen, plus exactement, « égyptien ». En d’autres mots, il revendique une tradition spirituelle qui est antérieure à celle des trois théologies révélées incluses dans le catholicisme, le protestantisme et dans le judaïsme. Les Rites Égyptiens ne sont pas des Rites comme les autres. Ils se réclament d'une filiation remontant à I ‘Antiquité préchrétienne, à l'Égypte pharaonique et parfois à l'Inde Védique. Les Rites Égyptiens ont une fonction initiatique qui est leur seule raison d'être et ils affirment avec force leur spécificité, qui est leur attachement au courants Hermétique et Ésotériques qu’ils soient de l’Hermétisme Chrétien, de la Kabale judaïque, de la quête de l’immortalité du Taoïsme ou des chemins pour parvenir au Nirvana préconisé par le Bouddhisme. Deuxièmement, il est « Occultiste », c'est-à-dire qu'il explore un contact direct avec le sacré, en cherchant des techniques d'expérimentation des mondes invisibles : kabbale, magnétisme, somnambulisme... et il est donc en opposition ouverte avec l’église catholique qui s’est arrogé le monopole de l’accès au sacré... avec l’église catholique et sa redoutable inquisition toujours active à cette époque Misraïm va donc être fréquenté dans la plus grande discrétion par des Maçons ayant ce triple souci de régénérer la théologie par la théurgie, la connaissance de la nature par des expérimentations concrètes des données métaphysiques mais aussi l'anthropologie par l’étude de la dimension inconsciente de la psyché humaine. Par ailleurs, sa forme définitive ne sera pas acquise avant près de 50 ans et la nomenclature de ses grades restera longtemps extrêmement incertaine et changeante. Dans l'élaboration fluctuante de leur nomenclature de Grades, le rite de Misraïm s’attachera à faire éclore l'existence d'une spiritualité qui engage la subjectivité plutôt que le respect du dogme ; qui restaure la dimension qualitative dans le traitement de son sujet : un humain dont la floraison de la vie inconsciente et imaginative ne doit pas être combattue ni niée mais réhabilitée et comprise. À ce titre donc, les misraïmites seront donc en avance sur le temps. Le premier repère historique vérifiable semble être la constitution d'une Grande Loge de la Maçonnerie » vers 1750 à Naples, dont le Grand Maître était le prince Raimondo di Sangro di San Severo (1710-1771), un passionné d'Alchimie et de Magie de la transmutation. C'est aussi sous la Grande Maîtrise de ce prince que le baron Tschoudy (1724-1769) dont il était devenu le Vénérable Maitre d’une de ses Loges instaura et développa son Rite Hermétique nommé « Etoile Flamboyante » ou encore « l'Ordre des Philosophes Inconnus ». Le Baron Tschoudy l’introduisit en France où celui-ci sera très prisé. En effet, certains degrés du Rite Hermétique seront adoptés tant par le Rite Ecossais Ancien que par le Rite de Misraïm. Il convient peut-être ici de rappeler ce qu’est l'occultisme illuministe dans ces dernières années du siècle des Lumières. Celui-ci se fonde sur l'idée d'illumination, c'est-à-dire une inspiration intérieure directe de la divinité ou de ce qui en émane, revendiquant une croyance affranchie de la religion révélée et reliée intérieurement à Dieu sans médiation autre que spirituelle… en d’autres mots sans l’usage de l’intermédiaire qui est l’Église Catholique. Dans le courant du 18ème siècle en France, ce courant de pensée fut porté par des hommes tels que Martinès de Pasqually et son digne adepte Louis-Claude de Saint-Martin, Antoine-Joseph Pernety, dit dom Pernety et même Jean-Baptiste Willermoz, autre disciple de Martinès de Pasqually qui créa en 1778 le Rite écossais rectifié (RER). Plusieurs Rites ou Ordres initiatiques ont donc existé en France durant le 18ème siècle. Le Rite de Misraïm pratiqué en France serait quant à lui né de la fusion de certains d’entre eux. Ces Rites s'inspiraient de ce que I'on appelait la « tradition égyptienne » mais la Kabbale judéo-chrétienne, I‘Hermétisme néo-platonicien, I‘Ésotérisme, et les traditions Chevaleresques y trouvaient également là une source naturelle d'expression. Notre Respectable Loge utilise une version transcrite rigoureusement fidèle d’un de ces rituels écrit lui à la main et en français et qui date de 1822. Bien que certains lui donnent une première filiation, venant d'un Rite Primitif qui aurait été pratiqué à Paris en 1721, l'existence de ce rite initial n'a jamais été officiellement avérée. En effet, aucun auteur britannique ne mentionne ce Rite Primitif qui n'aurait jamais existé car il faut savoir que depuis l7l7, toute instance Maçonnique pour exister devait détenir une Patente de la Grande Loge de Londres… Or, la Grande Loge n'a jamais délivré de Patente au Rite Primitif : donc ce Rite n'existe pas, n'ayant jamais eu l'autorisation d'exister. Mais n’en déplaise à la Grande Loge de Londres, ce n’est pas parce que cette dernière n’en aura pas délivré patente qu’un Rite ne pourra faire apparaître son orthodoxie, voire son authenticité, par l'exactitude de ses enseignements et son respect des doctrines Maçonniques qu’il transmettra. Le plus important des Rites ésotériques et gnostiques est sans conteste celui de Cagliostro et de sa Haute Maçonnerie Égyptienne. C’est le 24 décembre 1784, que Joseph Balsamo, dit Cagliostro fonde à Lyon la Loge « La Sagesse Triomphante » qui pratique le Rite dit de la Haute Maçonnerie Égyptienne. Il est toutefois aujourd’hui établi que ce Rite égyptien n’a pas survécu à Cagliostro mort en 1795. Cagliostro avait fréquenté la Loge maltaise « Secret et Harmonie » et y avait reçu, entre 1767 et 1775 du Chevalier Luigi d'Aquino, frère du Grand Maître national de la Maçonnerie Napolitaine, les Arcana Arcanorum, ces trois très Hauts-Grades Hermétiques, venus en droite ligne des secrets d'immortalité de I ‘Ancienne Égypte qui vont constituer les 87ème, 88ème, 89ème et 90ème degrés du Rite de Misraim, composant ce que l'on a dénommé « l'échelle de Naples ». Ces quatre derniers degrés des rites napolitains, apportèrent les secrets les plus considérables de la tradition spiritualiste la plus vénérable. On peut dire sans trop se tromper que ce Rite, qui était véritablement initiatique, tira beaucoup de son inspiration de ce personnage de Cagliostro qui se faisait appeler le Marquis de Pellegrini lors de son séjour à Venise. En effet, l’enseignement de Cagliostro évoquait le « Secreto Secretorum » (le Secret des Secrets). C’est ainsi qu’il nommait les Arcana Arcanorum. Ces Arcana Arcanorum furent rapportés d'Italie en France par les frères Joly, Gabboria et Garcia qui les avaient quant à eux reçus beaucoup plus tard en 1813. Remis le 8 Octobre 1816 au Grand Orient de France, un abrégé de ces quatre derniers grades du rite de Misraïm rédigé en italien et ayant pour titre « Arcana Arcanorum » fut présenté le 20 Novembre 1816 aux cinq membres d'une commission d'examen. C’est à cet époque qu’ls furent introduits dans le Rite de Misraïm en France, en parallèle aux quatre derniers degrés, du 87eme au 90eme, qui ne présentaient jusque-là aucun aspect opératif. Cagliostro rejoint l’Italie où il délivra en 1788 une patente de constitution à une loge nommée Saint Jean de la Fidélité et située à Venise. Celle-ci adopta un Rituel Égyptien quoique différent de celui d’origine libellé par Cagliostro mais cautionné par lui. En effet, la différence rituélique venait de ce que les frères fondateurs, animés par la pensée socinienne, ne souhaitaient pas pratiquer la rituélie magico-cabalistique mais une autre, plus proche des sources templières, ce que Cagliostro accepta. Cagliostro est très certainement un élément fondamental de la maçonnerie dite « Égyptienne » dont le rite de Misraïm est emprunt et je me ferai un plaisir de vous parler de lui et des Arcana Arcanorum dans de futures planches si l’occasion m’en est donnée. Mais revenons à l’histoire documentée : la première loge française de Misraïm bien attestée - Misraïm signifiant « Égypte » en hébreu - fut fondée en 1814-1815 à Paris par les trois frères Marc, Michel et Joseph Bédarride. Ces derniers, cadres moyens de l'armée impériale en Italie avaient ramené un rite éponyme de Naples bien qu’il semble que ce rite soit apparu dans la République de Venise avant de commencer son développement dans les loges franco-italiennes du Royaume de Naples. En effet, en 1796 déjà une Loge appelée « Les Sources de Misraïm » fonctionnait à Venise, et la petite histoire raconte que ce serait à partir d'une patente délivrée là aussi par Cagliostro lui-même. Il est également possible que le rite ait eu des sources dans les milieux maçonniques férus d'ésotérisme du Comtat Venaissin où le père des frères Bédarride aurait été initié mais pour information, un document de 1867 cite déjà l'existence d’une loge travaillant au rite de Misraïm dans l'Ile grecque de Zante en 1782. Revenons en France avec un petit aparté en guise de finale : le Rite de Memphis quant à lui naquit peu avant 1838, sous l'influence de Jean Étienne Marconis de Nègre (1795-1868). Exclu du rite de Misraïm, il fonda en 1838 l'Ordre de Memphis dont il devint le Grand Maître et Grand Hiérophante. En 1841, sur la dénonciation des frères Bédarride, son rite fut interdit en France sous l'accusation d'afficher des sympathies républicaines. En 1862, répondant à l'appel du Maréchal Magnan, Grand Maître du Grand Orient de France, pour l'unité de l'Ordre Maçonnique en France, Marconis proposa la réunion de son rite à l'Obédience, ce qui fut fait la même année : les Loges qui composaient l'Obédience se réunirent au Grand Orient de France. Le docteur Gérard Encausse (dit Papus), fondateur de l'Ordre Martiniste et adversaire du Grand Orient de France, ouvrit quant à lui, la loge Humanidad qui devient l’Antique et Primitif Rite Oriental de Memphis-Misraïm en France dont il en devint le Grand Maître. Lui succéda entre autres, Constant Chevillon de 1934 à son assassinat en 1944 par la Milice française. Robert Ambelain, ayant pris la direction du rite en 1960, en réformera les rituels en profondeur et renommera l’obédience du nom de « Grande Loge Française du Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm » … et oui, en maçonnerie aussi, souvent rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Mais pour nous, mes Sœurs et mes Frères, notre rite lui date de 1822 et rien n’y a été changé ! … |
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