Le
Compas
Il
est impossible de
franchir le seuil d’un temple maçonnique sans
rencontrer le compas. Il est
brodé sur des décors, dessiné sur le
tapis de loge, matérialisé de manière
plus
ou moins rudimentaire sur l’autel des serments. Il est acteur
essentiel dans
les rituels : il mesure le chemin parcouru par
l’apprenti maçon sur la
voie initiatique et indique par sa position le degré
où travaille l’atelier. Il
symbolise l’une des trois grandes lumières de la
franc-maçonnerie avec
l’équerre et le livre de la loi sacrée.
Le
temple que bâtit le
franc-maçon n’est pas un assemblage de pierres, il
est la reconstruction de
notre être intérieur en harmonie avec
l’Univers, ce qui est beaucoup plus
difficile. Car pour bâtir, même en esprit, il faut
imaginer et représenter pour
communiquer et faire partager un projet. Dans la symbolique
maçonnique, le pari
de représenter par la construction d’un temple
matériel l’édification de notre
personnalité intime conduit à utiliser les outils
des bâtisseurs pour en
exprimer les étapes successives. Ils sont nombreux et
variés et pour réussir
l’œuvre, il faut les réunir car nous ne
devons pas être ni des rêveurs
improductifs ni des tâcherons dépourvus
d’imagination mais au contraire il nous
faut allier le savoir du créateur et la force du
réalisateur.
Il
en va ainsi du
franc-maçon qui ambitionne de bâtir
l’homme, le vrai
Dans
notre temple,
certains objets sont mis en valeur par leur placement : ceux
qui sont
posés au centre névralgique de la loge, sur
l’autel des serments : le
livre de la loi sacrée, l’équerre et le
compas, tous instruments de tracé, de
mesure, de contrôle. Si on les désigne comme les
grandes lumières de la
franc-maçonnerie, c’est bien qu’ils ont
un rôle directeur dans notre démarche.
Dans
notre atelier, le
livre dit le livre de la loi sacrée est
représenté par une Bible ouverte, non
pas en référence à une croyance
particulière ou un rattachement religieux mais
comme symbole de l’existence d’un ordre cosmique
proposant des règles issues de
la tradition et de l’histoire. Il faut y voir une
véritable transmission de
règles de conduite qui doit nous servir de
référence pour mesurer la justesse
de nos actes et pensées.
L’équerre
et le compas
doivent être interprétés dans leur
signification symbolique et si l’équerre
fera l’objet d’une prochaine minute de compagnon,
je vais m’attacher à parler
du compas.
Le
compas c’est
quoi ? Ni plus ni moins que l’assemblage de deux
branches reliées par un
axe dont on peut régler et conserver
l’écartement. Deux branches que l’on
pourrait comparer à des jambes, aux jambes d’un
homme, d’un homme qui
danserait, mais on s’écarte du sujet.
A
la différence des
autres outils, le compas a la particularité de pouvoir se
régler, d’avoir une
géométrie variable et de répondre
ainsi aux multiples besoins de celui qui s’en
sert. Il s’agit d’un instrument de
liberté dont l’usage n’est pas de
travailler
la matière mais bien davantage d’être
l’auxiliaire de l’esprit utilisateur. Il
diffère de la règle et de
l’équerre qui sont statiques et ne font que
reproduire leur forme en risquant d’en transmettre leurs
défauts.
Il
n’en est pas de
même du compas qui engendre un tracé par son
propre mouvement et même un compas
rudimentaire trace un cercle parfait sous la main de l’homme
à la taille et à
la place choisie. Toutefois ce tracé d’un cercle
n’est que la partie visible de
ses possibilités car au-delà du tracé,
son usage ouvre un champ de réflexion
plus vaste, voire illimité et sans contrainte.
S’ouvre en effet un espace de
réflexion et la recherche de la quadrature du cercle
mobilise toujours les
esprits comme si cela était synonyme d’une
solution inaccessible à l’esprit
humain. Et si c’était cela la lumière
que nous cherchons tous !
Rechercher
une
explication du monde en analysant ses structures et en
déduire des règles de vie
nécessite une révision périodique et
une remise en cause permanente de
certitudes que l’on croyait réelles et qui ne sont
qu’apparentes.
La
maîtrise du compas
dans le cheminement maçonnique l’illustre
clairement : l’accès à la
liberté de penser et d’agir est un
préalable indispensable à toute recherche.
Celui
qui a acquis
cette maîtrise du compas, de tracer toutes les figures de la
géométrie avec son
seul appui, sans l’aide d’aucun autre instrument,
doit comprendre qu’il
n’existe aucune limite dans sa recherche
d’idéal.
En
tant que compagnon
je dois être imprégné de cette
ouverture d’esprit et de spiritualité car je me
souviens que lors des premières tenues, je ne percevais pas
très bien la
signification du positionnement de l’équerre et du
compas, qui des deux est
dessus ou dessous, sont-ils parfois entrecroisés, et
maintenant je le regarde
cela.
Quand
j’étais
apprenti, l’esprit ne supplantait pas la matière,
l’équerre était dessus le
compas, j’ai ainsi vérifié si
j’avais bien la droiture et la rectitude
nécessaire pour pouvoir continuer mon chemin.
Aujourd’hui je suis dans une
phase où il y a équilibre entre ces deux notions.
Je sors des ténèbres et je
m’approche de la sincérité et du
discernement et j’imagine que le compas sera
dessus l’équerre quand je franchirai une nouvelle
étape, mais j’attendrai
d’avoir la sagesse suffisante pour le découvrir en
temps voulu.
En
définissant le
contour d’un cercle, le compas n’est-il pas en
train de définir les contours du
devoir en nous rappelant qu’il est bon de conserver
à l’intérieur les passions
et les préjugés. Euclide en avait fait son
principe géométrique.
Puissions-nous
être
euclidiens encore longtemps !
P\
J\ |