Obédience : NC | Loge : Aqua Laudae - Orient de Vichy | 03/06/2003 |
La Veilleuse rouge sur l'Autel du Vénérable Maître Le « Rituel du Rite Français » ainsi que le « Livret d'accompagnement du Rite Français et Rituels de Banquet », tout deux édités par la Grande Loge Nationale Française, précisent la liste du matériel nécessaire pour l'ouverture et la clôture des travaux aux trois grades. Parmi tous les objets de cette liste, un a particulièrement retenu mon attention, il s'agit de la veilleuse rouge sur l'autel du Vénérable Maître. L'un et l'autre des deux livrets décrivent la position de chacun des objets à l'aide de descriptions et de croquis fort précis, afin de permettre aux apprentis que nous sommes, de préparer la loge en toute quiétude. Et s'ils sont d'accord sur la position de cette veilleuse, à savoir sa place sur l'autel du Vénérable à une poignée de centimètres derrière le chandelier à trois branches, il est intéressant de noter quelques légers désaccords quant au moment d'allumage de cette veilleuse ! Page 6 du Rituel du Rite Français, la veilleuse est « allumée à l'Ouverture ». Page 8, il est précisé que « Toutes les chandelles seront éteintes avant l'Ouverture des travaux, sauf la veilleuse rouge. Quelques pages plus loin, lors de « l'Illumination de la Loge », il est écrit je site : « La veilleuse est allumée. Le Vénérable frappe un coup », sous entendu que c'est sans doute le Vénérable qui allume la veilleuse à ce moment là. Dans le livret d'accompagnement maintenant, page 12, il est écrit qu'elle doit être allumée avant l'Ouverture ! Soit. Page 42, le premier point de la légende du croquis représentant l'Autel du Vénérable stipule, que « La veilleuse rouge doit être allumée avant l'entrée du cortège », et le mot avant est en gras ! De retour à la fin du livret du rituel du rite Français, dans la légende du schéma de « Disposition du matériel sur le plateau du Vénérable » (tiens on parle de plateau et non d'Autel) il est bien stipulé que « la veilleuse rouge doit être allumée avant l'entrée du cortège » comme il est dit dans le livret d'accompagnement. Ouf, après quelques hésitations, les deux livrets sont donc finalement d'accord sur le moment d'allumage de cette veilleuse, mais avouons que cela ne va pas sans lire avec attention l'intégralité de ses deux documents. Cela va peut-être vous sembler simpliste, mais c'est ce petit mot avant en gras dans le livret d'accompagnement qui m'a fait choisir ce sujet. En effet, si je considère que cette veilleuse rouge est allumée bien avant que notre entrée dans le temple, qu'elle brille durant toute la tenue, et que personne ne l'éteint en sortant, alors le symbolisme n'est pas le même, et cette petite veilleuse rouge me rappelle lorsque j'étais enfant et que j'entrais dans une église, l'émerveillement que j'avais à découvrir, perdue dans le gris sombre des veilles pierres et le silence lugubre, le petit lumignon rouge de la chapelle du Saint-Sacrement qui semblait à lui seul donner vie et religiosité à ces grand vaisseaux que sont les églises. Partons donc sur cette voie pour commencer à parler de notre veilleuse route et regardons si des parallèles peuvent être faites avec notre ordre. Pour la religion catholique, le Tabernacle, ce petit coffre fermé dans lequel est conservé le Saint-Sacrement se trouve sur l'autel ou tout près dans une petite chapelle, une petite lampe rouge restant allumé en permanence indiquant l'emplacement de la divine présence dans l'église, comme un rappel visible de la présence inhérente du Christ dans le monde. Dans le « dictionnaire des symboles » de Jean Chevalier et d'Alain Gherrbrant, le Tabernacle est « la partie intérieure des temples, la plus réservée, la plus sacrée, qui contenait l'image du dieu en Egypte, ou l'Arche d'Alliance à Jérusalem ». Rien d'étonnant à ce que l'on signale d'une manière toute particulière cet endroit dans le temple. Il est dit aussi que « Philon d'Alexandrie, le philosophe juif, pensait déjà que le Tabernacle, s'il est une image du monde, est aussi une image de l'homme et de la condition humaine. Le croisement des verticales et des horizontales, dans la construction de ce temple miniature, le Saint des Saints, comme dans l'être humain, symbolise l'écartèlement de l'homme entre les pulsions des sens vers le monde extérieur (horizontale) et l'appel vers la concentration intérieure et contemplative (verticale) ». Le Franc-maçon ne construit-il pas son temple intérieur ? Si la signification pour notre ordre est similaire, alors la veilleuse rouge sur l'autel du Vénérable indique sans aucun doute la présence permanente de l'être suprême que nous appelons Grand Architecte de l'Univers et qui est Dieu. Des recherches sur la veilleuse rouge dans les livres consacrés à la Franc-maçonnerie, dans d'autres ouvrages et documents n'ont presque rien donné ! A ma grande surprise, rien ou presque rien sur le sujet à croire que le sujet ne mérite pas que l'on si attarde ! J'avais pourtant bon espoir de trouver dans « La Symbolique maçonnique » de Jules Boucher quelques informations sur le sujet, tant il devise avec précision tout au long de son ouvrage sur d'innombrables détails. Même s'il ne semble pas être un adepte du rite Français, nous pouvons retirer quelques choses dans la description qu'il fait des flambeaux. Pour lui, le Temple doit être symboliquement éclairé par des flammes, et en fonction du grade d'ouverture un certain nombre de cierges doivent être allumés : 3 au grade d'Apprenti, 5 au grade de Compagnon, 7 au grade de Maître. Au grade d'Apprenti, le Vénérable et les deux surveillants doivent avoir un chandelier sur leur plateau. A l'ouverture des travaux, seul le cierge du Vénérable est allumé. Au cours de l'ouverture, il « donne » la lumière aux deux surveillants, puis ils vont tout les trois allumer les cierges placés au sommet des Piliers qui leur sont attribués. On peut dès à présent constater qu'il y a une différence entre ce que décrit Jules Boucher et notre rituel Français, dans lequel il est mentionné que « Le Vénérable allume le boutefeu à la veilleuse, puis le chandelier à trois branches dans l'ordre suivant : soleil à gauche, lune à droite, Maître de la Loge au centre ». Ceci fait, « le Premier Maître des Cérémonies reçoit le boutefeu des mains du Vénérable et va allumer successivement : la chandelle du Sud-Ouest, celle du Nord-Est, celle du Sud-Est, puis celle du Premier Surveillant, et enfin celle du Second Surveillant avant d'éteindre le boutefeu et de revenir à sa place ». Des similitudes certes, notamment dans le fait de « donner la lumière », mais la flamme initiale est différente. Dans le Rite Français, la veilleuse rouge tiens une place déterminante puisqu'elle est à l'origine de l'illumination de tous, y compris du chandelier à trois branches du Vénérable. Plus loin dans ses explications, Jules Boucher dit : « La flamme du cierge est vivante et rituelle, tandis que la lumière produite par le gaz et par l'électricité a toujours quelque chose d'artificiel que sentent très nettement ceux chez qui le sens magique n'est pas complètement obnubilé ». Combien de fois me suis-je perdu à fixez longuement la flamme d'une bougie, à la regarder danser tantôt langoureusement, tantôt frénétiquement, et me dire que c'était un être vivant, et que son apparente faiblesse cachait une redoutable force. Jules Boucher précise encore que « La liturgie catholique proscrit l'éclairage moderne, que le gaz et l'électricité ne peuvent remplacer l'huile de la lampe du Saint Sacrement ni les cierges liturgiques. Des lampes peuvent être utilisées en lieu et place de cierges à condition d'utiliser de l'huile d'olives comme combustible, l'huile d'olives étant la seule préconisée pour la lampe qui doit brûler nuit et jour, sans interruption, devant le tabernacle. L'olivier à pour significations symbolique : la Paix, la Charité, l'Abondance et la Fécondité. Mais notre préférence se porte vers le cierge dont la flamme est plus claire et plus belle que celle de la lampe et aussi plus commode à employer ». Plus loin sur le sujet, lorsqu'il est question d'éteindre les Flambeaux : « ...il convient de ne jamais souffler sur la flamme ; on doit l'écraser sous le maillet. Ces prescriptions peuvent paraître étranges et pourtant elles ne sont que la continuation de la tradition concernant le culte du Feu chez les Perse. Il n'y a rien de si précieux ni de si sacré, chez les Perses, dit Mandeslo, que le feu, qu'ils gardent très soigneusement ; parce qu'il n'y a rien, à ce qu'ils disent qui représente si bien la divinité que le feu ; c'est pourquoi ils ne souffleront jamais une chandelle, ni une lampe, et n'entreprendront jamais d'employer de l'eau pour éteindre le feu, quand même la maison courrait le risque d'en être consumée ; mais ils tâchent de l'étouffer avec de la terre ». Même le « dictionnaire des symboles » de Jean Chevalier et d'Alain Gherrbrant n'apporte pas plus d'informations au sujet d'une quelconque veilleuse rouge. Par contre, un paragraphe fort intéressant sur la couleur rouge donne à réfléchir : « Le rouge est universellement considéré comme le symbole fondamental du principe de la vie, avec sa force, sa puissance et son éclat, le rouge, couleur de feu et de sang, possède toutefois la même ambivalence symbolique que ces derniers, sans doute, visuellement parlant, selon qu'il est clair au foncé. Le rouge clair, éclatant, centrifuge, est diurne, mâle, tonique, incitant à l'action, jetant comme un soleil son éclat sur toute chose avec une immense et irréductible puissance. Le rouge sombre, tout au contraire, est nocturne, femelle, secret et, à la limite, centripète ; il représente non l'expression, mais le mystère de la vie ». Sans reproduire l'intégralité de l'explication de l'auteur, concernant la veilleuse rouge, il semble que ce soit le rouge foncé qui corresponde le mieux, et son association avec le mystère de la vie. Poursuivons dans ce même « Dictionnaire des Symboles » par la définition de la lampe. Une veilleuse n'est-elle pas une petite lampe ? Dans l'explication qui est donnée, une à particulièrement retenue mon attention : « La lampe est d'un usage rituel fréquent : en Occident, comme signe de la Présence réelle de Dieu ». Arrivé à ce stade de ma recherche, je ne pense pas qu'il soit d'un grand intérêt de recopier tout ou partie du travail des auteurs qui m'ont permis de trouver un certain nombre de réponses concernant la présence et la signification de cette petite veilleuse rouge sur l'autel du Vénérable. Depuis quand suis-je Maçon ? Depuis que j'ai reçu la lumière. Pourquoi me suis-je fais recevoir Maçon ? Parce que j'étais dans les ténèbres, et que j'ai désiré voir la lumière. Qu'ai-je vu lorsqu'on m'a donné la lumière ? J'ai vu le Soleil, la Lune, et le Maître de la Loge. Comme le Soleil préside au jour, et la lune à la nuit, le Maître préside à la Loge pour l'éclairer. Le temple dans lequel nous nous réunissons est un lieu sacré. Il ne s'agit plus d'une simple construction de pierre, restaurée et entretenu avec amour et dévouement. C'est maintenant bien plus que cela, le Grand Architecte de l'Univers en a fait sa maison, et cette veilleuse rouge sur l'autel du Vénérable est là pour l'attester. A chaque fois que je rentre dans le temple, une des tâches que je m'efforce de faire en priorité est d'allumer cette veilleuse rouge. En faisant cela, j'ai l'impression de combler un vide. En tant que Maçon, nous nous efforçons tous de construire notre temple intérieur. En tant que Maçon ayant reçu la lumière, et grâce à nos travaux, nous prenons conscience peu à peu des symboles qui nous entourent ici afin de meubler peu à peu ce temple intérieur. Mais qu'il soit vide ou déjà richement décoré, une petite veilleuse rouge brille déjà dans notre temple intérieur. Et si comme je le crois cette petite veilleuse rouge est le Grand Architecte de l'Univers, je suis tenté de penser qu'elle brille déjà en nous depuis bien longtemps, bien avant que l'on soit sur un quelconque parvis, peut-être même depuis notre premier jour, depuis peut-être le premier jour de l'homme. Libre à nous de toujours l'alimenter avec la meilleure huile afin qu'elle ne s'éteigne jamais et qu'elle témoigne aux yeux du monde que nous sommes vivants dans la force de Dieu, que nous existons, et que tout est possible. Je tiens, avant de terminer, à remercier chaleureusement tous les frères qui m'ont apporté leur éclairage avisé et leur documentation pour m'aider à réfléchir et à rédiger ce morceau d'architecture. Enfin, j'aimerais terminer sur une phrase prise dans le « Dictionnaire de la Franc-maçonnerie » de Daniel Ligou qui me semble bien résumer l'ensemble du sujet : « La flamme éclaire, elle est fragile et vivante, elle évoque le feu purificateur et protecteur, elle est encore le symbole du pouvoir de l'homme, qui a su apprivoiser les forces naturelles ; enfin, ou du moins surtout, elle est l'image de la vie intérieure qui fait de chaque homme le sanctuaire de Dieu, ou de l'univers ». J'ai dit, Très Vénérable. D\ L\. |
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