Obédience : NC Loge : NC 08/2011

Les voyages du compagnon

Introduction

Le samedi 23 mai 2011 aire vulgaire, s’est déroulé le rituel de ma réception au grade de Compagnon. Par comparaison à mon rituel d’initiation, j’ai vécu le rituel d’augmentation de salaire avec plus de sérénité, sans craintes, mais néanmoins des interrogations sur comment se déroule ce second pas dans la quête de la vérité, de la lumière. Même si je n’ai pas saisi tout le sens du rituel, j’ai mieux compris le symbolisme des voyages et l’appel à la persévérance lancé par les messages lus par le V\M\ et les F\ Rhéteur et Aporète. Mes premiers pas d’apprenti m’avaient fait voir sans comprendre, mais avec la suite des tenues est venu le temps du début de l’analyse du vécu, d’une ébauche de discernement, de la perception des non dits véhiculés par les symboles qui nous entourent dans le temple.

Le thème qu’il m’est demandé de buriner pour ma première planche au second grade porte sur « Les voyages du Compagnon ».

La planche sera présentée selon le plan ci-après :

Définition des mots voyage et compagnon sur les plans profane et maçonnique.
Description et symbolisme des voyages initiatiques du Compagnon.
Leçons apprises et perspectives.

1 - Définition des mots voyage et compagnon

Au plan profane

Le dictionnaire Le Robert défini le mot « Voyage » comme un déplacement d’une personne qui se rend en un lieu éloigné.

Compagnon vient du latin populaire « companio » c'est-à-dire « qui mange son pain avec ». Le dictionnaire Le Robert défini ce mot comme suit : personne qui partage la vie, les occupations d’autres personnes, par rapport à elles. C’est aussi celui qui n’est plus apprenti, mais qui n’est pas non plus artisan dans certains métiers. On parle aussi de Compagnonnage, qui est un mouvement ouvrier qui apparaît vers le XVème siècle en Europe, et qui connut l’apogée de sa renommée au XIXème siècle avant de disparaître presque entièrement suite à l’industrialisation.

Le compagnonnage désigne le temps du stage professionnel qu’un compagnon devait faire chez un maître pour l’apprentissage de l’art de bâtir, de la manière de tailler la pierre pour la construction des monuments des siècles passés.

Les compagnons se distinguent des autres artisans parce qu’ils sont des professionnels hors pairs, d’une compétence au-dessus de la moyenne, compétences qu’ils acquièrent durant les années qu’ils passent à voyager de maître en maître, de ville en ville. Ils sont connus en France sous l’appellation de « compagnon du Tour de France ». Ils possèdent des coutumes très particulières, avec des rites initiatiques secrets, qui tissent entre eux des liens fraternels, et un sens de la solidarité très prononcé.

Au Plan maçonnique

Au cours de l’initiation du profane comme dans les augmentations de salaire, il y a des voyages divers chargés chacun d’une symbolique propre au degré. En maçonnerie, le Compagnon est l’adepte possédant le second degré de la maçonnerie bleue. Le rituel de réception au grade de Compagnon comporte Cinq voyages dont la description et le symbolisme suivront dans la suite de ce travail.

La notion de voyage est récurrente dans notre cheminement, avec ses trois versants : d’où nous venons, où nous sommes et où nous allons. Celle du voyage initiatique évoque la progression vers l’inconnu, à la quête de la vérité et de la lumière. Les trois voyages de l’apprenti permettent le passage du stade de profane à celui de l’apprenti. Les cinq voyages du compagnon vont induire le passage du stade d’apprenti au stade de compagnon. Dans la loge, l’initié va passer, pour sa progression initiatique, des mains du 2ème surveillant, instructeur technique, a celles du premier qui sera plus incitatif, facilitateur, stimulant les initiatives personnelles, les voyages de toutes sortes. Il passe donc de la colonne du septentrion à celle du midi. Il a acquis l’âge de cinq ans et porte le tablier avec la bavette rabattue.

2 - Description et symbolisme des voyages initiatiques du Compagnon

Le rituel de réception au grade de compagnon tel que je l’ai vécu a commencé par une entrée rituelle au temple, décorée au grade d’apprentie, avec un levier posé sur l’épaule gauche à l’image d’un ouvrier allant au travail. Mes sœurs et moi avons frappé en apprenties les unes après les autres et l’entrée du temple nous a été donnée. Nous sommes entrées à pas et salut de notre grade.

Premier voyage : munie d’un maillet et du ciseau, nous avons fait le tour du temple en passant de l’ouest par le midi pour observer le cartouche des cinq sens posé à l’occident : la Vue, l’Ouïe, le Toucher, l’Odorat, le Goût. Ces sens m’ont été donnés par le Grand Architecte de l’Univers pour mieux appréhender le monde qui m’entoure et aider à une meilleure perception des situations et les analyser sans passions :

- la vue pour voir les signes, me regarder dans le miroir sans crainte, contempler les objets, tomber sous leurs charmes, leur beauté, mais aussi détourner les yeux de ce qui risque de polluer la vision ;
- l’ouïe pour entendre les sons, les mots de passe, écouter ma voix intérieure. Le rituel recommande de fermer les oreilles aux paroles qui divisent et ruinent notre vie intérieure ;
- le toucher pour entrer en contact avec un être, l’identifier en le touchant, l’apprécier en le palpant, reconnaître même dans le noir grâce aux attouchements une sœur ou un frère. L’usage du toucher doit permettre de ne faire que des gestes qui honorent un maçon et ignorer ceux qui dégradent et abaissent ;
- l’odorat pour sentir les effluves d’un parfum, percevoir par l’odeur les yeux fermés la présence d’une personne ou d’une chose, mais surtout faire la différence entre les parfums qui purifient et ceux qui abaissent ;
- le goût pour détecter la subtilité de différents arômes, et discerner plusieurs saveurs en me remémorant l’épreuve de la coupe d’amertume.

Oui les Sens sont utiles pour un meilleur entendement, une appréciation plus fine des valeurs spirituelles, une clairvoyance plus grande, un tact et un discernement plus affûtés. Leur équilibre et leur valorisation sont indispensables au perfectionnement de mon esprit, en sachant que la raison doit toujours être présente pour éviter des interprétations hâtives.

Les outils de ce voyage sont les premiers que j’ai connus après ma réception au grade d’apprentie. Ils sont chargés de symboles maçonniques forts. Le Ciseau aide à affiner le caractère à être plus réceptif à l’instruction, à augmenter les connaissances. Le Maillet est l’énergie, la volonté, la détermination morale qui permettra d’utiliser ces connaissances pour une application plus juste et plus rationnelle. Ces outils de l’apprenti servent à tailler la pierre brute que nous sommes et à la dépouiller de ses aspérités pour la rapprocher d’une forme en relation avec sa destination finale. L’usage de ces outils au premier voyage nous rappelle que, bien qu’acceptées au second degré, nous sommes des éternels apprenties et que nous ne devons jamais cesser de tailler notre pierre.

Deuxième voyage : s’est effectué avec le niveau et la perpendiculaire. Nous avons fais le tour de la loge en partant par le nord, pour observer au midi les cartouches portant le nom des quatre ordres d’architecture, qui déterminent les proportions et les ornementations, en particulier des colonnes. Ceux qui figurent sur cette cartouche étaient Grecs (ionique, dorique et corinthien) et Romains (Toscan).

La Colonne Ionique est svelte et gracieuse. Elle a sa hauteur égale à neuf fois son diamètre de base. Elle est féminine et correspond la colonne de la Sagesse et du V\ M\. La colonne Dorique est massive et courte. Sa hauteur est égale à huit fois son diamètre de base. Elle est masculine et représente la Force, la colonne du premier surveillant. La colonne Corinthien est quant à elle, est la plus belle, avec une hauteur égale à dix fois son diamètre de base. On voit en elle la descendance de l’homme et de la femme. Elle représente la colonne de la Beauté et du second surveillant. La colonne de style Toscan représente la synthèse des trois colonnes précédentes. Ainsi ces piliers que sont la Sagesse, la Force et la Beauté rappellent le triple symbole d’Osiris, d’Isis et d’Horus, qui sont la triple manifestation du mystère divin réfracté dans l’Homme. Je peux être utile à l’élaboration de l’œuvre collective.

Autant qu’au premier voyage, le symbole des outils du second voyage nous donne des enseignements maçonniques importants. La perpendiculaire permet de vérifier la verticale et l’aplomb. Elle empêche toute déviation pour ériger correctement un ouvrage, sert à la profondeur des vues et de l’observation ainsi qu’à l’équilibre. C’est pourquoi elle est donnée au 2ème surveillant pour contrôler les apprentis. Le niveau sert à égaliser, à voir si un plan est horizontal et à déterminer les différences. Il rend plane la mise en œuvre des connaissances, sans pour autant niveler les connaissances, car il permet de connaître les différences dans l’horizontale et la verticale. Il ne sert pas à égaliser, mais à mesurer des différences ou les niveaux. Il concourt à la perfection du Maçon.

Troisième voyage : munies de l’équerre et du compas, nous avons fait le tour de la loge partant du midi pour observer à l’Orient le cartouche des arts libéraux : grammaire, rhétorique, logique, géométrie, musique, astronomie. Ce troisième voyage, nous offre d'étudier et comprendre pour nous enrichir du savoir de ces arts et de ces sciences humaines.

La grammaire, art du langage aide à mieux comprendre et communiquer de façon plus correcte, plus éloquente, plus méthodique, plus efficiente.

La rhétorique permet d’exprimer avec aisance et élégance ce que l’on communique à autrui.

La logique, art par excellence de la parole, mais aussi outil essentiel de la raison aide à ordonner nos pensées, comparer, juger avec connaissance et justesse.

La géométrie, fortement philosophique et ésotérique est la science du Maçon : « que nul n’entre ici s’il n’est pas géomètre » déclarait Platon.

L’art musical conduit à travers les sons et la beauté des rythmes à la véritable sagesse. Source inépuisable de connaissance est importante pour l’âge du compagnon puisqu’elle justifie la présence de la lettre G au centre de l’étoile flamboyante, initial du mot grec Gnosis, signifiant la connaissance.

L’astronomie qui par la connaissance des corps célestes permet de mieux approcher les symboles de notre rituel.

L’arithmétique ou l’art des nombres aide à déchiffrer leurs valeurs symboliques, leurs caractères secrets, leurs qualités.

Les outils de ce voyage sont le compas et l’équerre. Le compas, emblème du discernement nous apprend la prudence et la circonspection. L’équerre sert à tracer des angles droits et réuni l’horizontale et la verticale pour obtenir l’aplomb. Elle donne la rectitude dans l’action et symbolise la justice. Pour le compagnon, l’équerre est croisée avec le compas. Il y a donc équilibre entre la matière et l’esprit. Le compagnon n’est plus dans les ténèbres. Il s’achemine vers la sincérité et le discernement.

Quatrième voyage : munis de la règle et du levier, nous avons fait le tour du temple en partant par le nord, où nous avons observé la cartouche des philosophes. Lors de ce voyage, on nous permet de découvrir les noms de cinq grands initiés : Solon, Socrate, Lycurgue, Pythagore, INRI qui, en leur temps, se sont efforcés de répandre leurs enseignements, sous une forme exotérique, afin que chaque initié en comprenne le sens ésotérique. L’exotérisme étant la lecture naturelle qui en découle, alors que l’ésotérisme est une lecture qui ne peut être décryptée par des initiés. Ces grands initiés ont donné aux hommes des indications pour obtenir le bonheur de l’âme, mais il est important de savoir quels sont leurs cheminements et le contenu de leurs messages. Là, les sens jouent un grand rôle, car il est nécessaire de toucher, sentir, entendre ce qu’ils ont à nous dire, et si leurs noms sont adossés au plateau du premier surveillant, c’est parce qu’il incombe à ce dernier de guider le Compagnon dans sa quête sur le chemin de cette lumière.

Symbolisme des outils du 4ème voyage : la règle sert à mesurer à orienter l’action de manière juste et à la mesurer en profondeur ; elle symbolise également l’équité du jugement et la suppression de tous les préjugés. Le levier permet de lever des pierres de façon à les assembler, nous permet de placer notre pierre, de nous élever au dessus de toutes considérations profanes. Ces outils ont tout leur sens dans ce voyage qui introduit les initiés et leur travail de pionniers sur le chemin de la lumière que nous recherchons tant.

Le cinquième voyage est effectué les mains libres. L’initié ainsi affranchi, est incité à voyager, à s’ouvrir au monde, à former un plan de conduite, qui dépasse le domaine de la manifestation formelle. Il devra surtout s’étudier lui-même, car c’est la connaissance de soi même qui permet de parvenir à la sagesse.

La fin des cinq voyages est marquée par l’accomplissement du dernier travail de l’apprenti, qui consiste à tailler la pierre brute que nous sommes à l’aide du ciseau et du maillet. Le F\ Exp\ nous enseigna les pas, mot sacré et mot de passe du Compagnon. Le F\ Reth\ nous communiqua la tradition maçonnique de ce grade, après quoi nous fûmes conduites devant le miroir dont le symbole dans ce rituel est de nous mettre devant nos responsabilités face au jugement du Grand Architecte de l’Univers. Après la prestation de serment, au moment de la consécration du nouveau Compagnon, cinq coups de maillets sont frappés sur l’Epée flamboyante, tenue au dessus de sa tête. Le Vénérable Maître a rabattu alors les bavettes de nos tabliers et nous dit qu’étant devenu Compagnon, nous devons dorénavant les porter ainsi. Nous reçûmes nos viatiques et la bénédiction du V\ M\ et une exhortation à voyager pour enrichir nos connaissances et améliorer notre être.

J’ai pu à l’occasion d’un voyage assister à l’augmentation de salaire de frères de notre rite. Mon constat est que même si les messages et les symboles sont identiques, le rituel des hommes est plus opératif, avec le maniement des outils, que celui des femmes, plus spéculatif. En outre, le levier apparaît parmi les outils à tous les voyages et le sens de la circumambulation diffère d’un voyage à un autre. Ces différences furent pour un enrichissement des connaissances que j’acquiers depuis mon augmentation de salaire.

3 - Leçons apprises, perspectives

Les cinq voyages du compagnon induisent le passage du grade d’apprenti à celui de compagnon. Nous sommes passées du septentrion au midi, silence à la parole, de la pénombre à la plus de lumière. Les voyages dans mon parcours de cherchant sont un des éléments d’un travail structuré, permettant de cheminer le long du sentier du perfectionnement. C’est d’abord un éloignement qui porte à l’abandon des repères et des certitudes habituelles. C’est ensuite un moyen d’apprendre et de parfaire la quête de la vérité et de la lumière et son résultat doit être ma propre transformation et la maîtrise de mon moi.

Le compagnon que suis aujourd’hui doit s'écarter de la ligne de l'apprenti pour explorer le monde extérieur, tout en sachant respecter les règles et le rituel de notre Rite, et suivre toujours ma marche vers l'étoile. Il est certain que comme Ulysse, je ne rentrerai pas de mes voyages comme je suis partie. Je saurai tirer des enseignements de ce que je verrai, entendrai et vivrai. Je devrai mettre mon temps à profit pour acquérir de l'usage et de la raison ; pour grandir, pour m'améliorer. Pour cela je dois m'efforcer de garder tout le temps l'esprit libre et ouvert aux idées et aux rencontres. L'esprit libre et dans la continuité les mains libres. Ces mains qui nous appartiennent qui sont partie intégrante de notre être tout autant que notre cerveau.

J’ai dit V\ M\ S\

Y\ O\ D\

Bibliographie

1 - Rituel de réception au grade de Compagnon, Ordre Maçonnique Universel du Rite Ancien et Primitif de Memphis Misraïm, Mars 2002.
2 - Instructions au grade d’apprenti, 4ème édition, Mai 2009.
3 - Oswald Wirth, La Franc-Maçonnerie rendue intelligible pour ses adeptes - le compagnon, Edition Dervy, 1999.
4 - Dictionnaire Le Robert.
5 - Dictionnaire maçonnique, Roger Richard, Edition Dervy, 2002.


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