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Tubalcain

Au seuil du 3ème degré, lorsque le TRM prend les deux mains du récipiendaire pour l’attirer à lui, aidé en cela par les deux surveillants, il lui communique à voix basse un mot de passe symbolique : TUBALCAIN.  D’après la légende, c’est le premier qui découvrit l’art de forger les métaux. Tubalcain signifie « Maître du monde ». S’écrit Tubal-Caïn ou Tubalcain. Il correspond à Héphaïstos, chez les Grecs : dieu grec du feu et de la forge ; à Vulcain chez les Romains, à Tvashtri en Inde, PTAH en Egypte, Le Grand Yu en CHINE, OGUN chez les  Youbas d’Afrique, Brahmanaspati en Inde.

1.   Tubalcain signifie « Maître du Monde »
Dans la Bible, il est un descendant direct de Caïn. La Loi Mosaïque n’étant pas encore née, Caïn ne fut pas tué après son crime fratricide ; il se trouva symboliquement exilé de la terre sacrée et fut renvoyé de l’Orient vers le Nord. Après que Caïn eut bâti la première ville, nommée Henoch, il devint le premier d’une ligne de créateurs. Chaque descendant de Caïn est décrit par son activité : Jubal sera nomade et berger. Dubal sera musicien… Tubalcain s’occupera des métaux et des instruments. La postérité de Caïn fonde la civilisation, le progrès de la technique, des sciences et des arts. Tubalcain appartenait à la 7ème descendance de Caïn . le chiffre 7 ne se trouve pas là par hasard. Le 7 indique une évolution de Tubalcain par rapport à son ancêtre ,  qu’il avait exploré sa terre, découvert ses métaux et qu’il était passé maître dans l’art et la manière de les utiliser. Le 7 indique également une perfection dynamique et la fin d’un cycle. C’est pourquoi l’on peut dire en maçonnerie : « j’ai 7ans et plus » car il y a d’autres cycles à réaliser. Le 7, c’est encore le 4 du carré de la terre, associé au 3 du triangle, de l’esprit qui descend dans la matière, et qui, lui donnant vie, l’anime.

2. Dans la mythologie

 Tubalcain est assimilé à Vulcain pour les Romains et à Héphaïstos pour les Grecs. Homme puissant, installé dans les profondeurs de la terre, il en extrait les substances nécessaires aux plus hauts plans d’évolution. Maître du feu, il forgea l’armure magique d’Achille, qui permit à celui-ci de sortir vainqueur de tous les combats. Il façonna également le trident de Poséidon, dieu des éléments liquides, ainsi que le  sceptre de Zeus, symbole de souveraineté complète. Il découvrit dans l’Olympe les secrets du feu et des métaux qui peuvent être solides ou liquides, purs ou alliés entre eux, transformés en armes ou en socs de charrue. Détenteur du secret des transmutations, il paya le prix de sa découverte par un signe visible et permanent sur le plan physique : le forgeron, dans toutes les mythologies, boite, claudique, c’est un être imparfait disent certains ; ou bien cette marque visible est-elle un signe de sa pureté et de son don de clairvoyance ? Avoir saisi le sens de la vie et de l’univers ne laisse-t-il pas une marque indélébile ? De nombreux forgerons  sont infirmes : Héphaistos est boiteux et difforme ; Varuna, Tyr, Odm ont tous quelques disgrâces comme si la perte de leur intégrité physique était le prix à payer pour accéder à la Connaissance. Celui qui sait ne peut être heureux, celui qui construit et aime attire forcément la foudre des hommes et des dieux. Ainsi en va-t-il de tous les héros, mais aussi de tous les Créateurs et Etres de Lumière. Gandhi, M.L. King, et bien avant eux les prophètes, les philosophes, Socrate, tous les êtres qui  prônent la liberté, la force d’amour, le courage, ceux qui osent être ce qu’ils sont et qui ils sont et déplaisent au vulgaire.

3. Les métaux sont extraits de la terre

 La symbolique des métaux comporte un double aspect  opposé et complémentaire. Les métaux passent d’un état  brut à un autre état purifié. Dans les mythes et traditions primitives, le minerai était régi et  protégé au fond de la terre par des dieux puissants et redoutables. Seul un chaman ou un forgeron sorcier était habilité à apaiser les Dieux gardiens du minerai, lui seul pouvait décider du moment opportun pour commencer à forer le sol ; cette « ouverture des travaux » s’effectuait par des rituels bien précis, des rites de purification personnelle, des prières et des méditations. Investi d’une véritable mission à l’égard des Dieux, et aussi des hommes de sa tribu, le forgeron sorcier, s’engageait tout entier dans son œuvre.
Quand le minerai était découvert et extrait, il était dirigé vers les fourneaux. Puis, le forgeron se substituait à la Terre-Mère pour accélérer et parfaire « la croissance » et la maturité du minerai. Il collaborait en quelque sorte à l’ouvre de la nature, intermédiaire entre Dieu et les Hommes. Ainsi, il fabriquait l’outillage en fer dont les cultivateurs et les chasseurs avaient besoin. Il sculptait les images des ancêtres et des génies qui servaient de support aux cultes. Intermédiaire entre le monde des vivants et celui des morts, tantôt méprisé, tantôt respecté, il vivait à l’écart du village en compagnie de sa femme la potière.

Tubalcain, le forgeron, travaille les métaux et s’inscrit spirituellement comme continuateur de la lignée caïnite. Le forgeron fait partie des bâtisseurs et apprend à être par le moyen de la création. Il a la connaissance des 4 éléments : le métal est extrait de la terre ; il est transfiguré par le feu, lui-même attisé par l’air puis trempé par l’eau afin de devenir l’instrument utile aux laboureurs ou aux guerriers. Il forge des épées, œuvre d’initié, car elles sont parfois dotées d’un pouvoir magique qui demande de connaitre et de maitriser les forces contenues dans ces éléments. Le travail de la forge signifie la constitution de l’être à partir du non-être ; la forge est l’allégorie du cœur et les soufflets représentent  les poumons. Fondre le métal et le reformer correspond au « salve et coagula » de l’alchimie hermétique, travail créateur par excellence, car créer c’est recréer. Le forgeron maîtrise le feu et grâce à lui transforme les métaux qui viennent des profondeurs de la terre. Son pouvoir est ambivalent : il peut être aussi maléfique que bénéfique. On peut penser que le franc-maçon grâce à l’introspection, extrait des profondeurs de son inconscient, de sa mémoire les mythes qu’il utilise pour comprendre, évoluer et construire un Homme nouveau.  Maîtrise des éléments qui signifie Maîtrise de soi. Travailler sur la nature des métaux ou d’autres  matières n’est pas seulement une science, mais tout un Art.  C’est l’intelligence qui permet d’exercer cet Art avec un maximum  d’ingéniosité pour un meilleur résultat. L’intelligence déployée dans l’œuvre, c’est le grand secret du forgeron, du maître d’œuvre ou de l’initié.  Secret parce qu’on peut transmettre la science, la méthode de travail, en fonction des outils, la signification des symboles, mais non l’intelligence ou la Sagesse.   C’est un secret intime, aérien, sans formes visibles, et rigoureusement intransmissible. Cependant, sans application éclaircie de ce secret, aucune construction, aucun alliage, aucune œuvre ne serait assez solide pour résister aux épreuves du temps. C’est pourquoi l’intelligence vient compléter les 3 phrases du rituel : Que la Sagesse préside à la construction de nos travaux, que la Force l’achève et que la Beauté l’orne. Tubalcain fut associé aux chantiers des dieux pour la construction du monde parce qu’il avait la connaissance, l’intelligence et la sagesse. C’était un maître d’œuvre. Hiram était lui aussi un maître d’œuvre.


4. Hiram proclame Tubalcain, Maître de l’univers

D’après la Bible (Genèse), Hiram est avant tout un métallurgiste. Il exécuta les travaux du temple de Salomon, à savoir les 2 colonnes et leurs ornements dont les grenades, la mer d’airain et les taureaux de sa base. Hiram est né de Caïn, qui le premier a travaillé la terre, dont la lignée s’est réfugiée dans un monde souterrain et a secrètement survécu au déluge. Hiram est un être sombre, éclairé par un feu intérieur et totalement voué au travail. Nous savons tous qu’Hiram ét ait surtout maître de lui, sa manière de vivre et surtout les circonstances de sa mort indiquent bien sa fidélité, son sens du devoir et la pleine conscience de ses responsabilités. Il mourut en quelque sorte « victime du devoir » emportant avec lui ce fameux secret des bâtisseurs, secret qui ne doit pas être mis à disposition de la violence, de l’ignorance, de l’envie, ou du fanatisme symbolisés par les trois compagnons d’HIRAM, le danger de céder à l’orgueil, à l’ambition et au goût du pouvoir étant toujours possible. L’usage que les trois compagnons voulaient faire du secret d’Hiram, n’était pas conforme à l’esprit de l’œuvre des bâtisseurs. 

S’ils avaient réussi, les conséquences auraient été aussi désastreuses que celles survenues au Roi Salomon, qui, malgré sa sagesse proverbiale, ne fut pas totalement maître de ses passions. En effet, son penchant pour les femmes l’amena à honorer d’autres dieux que le sien, ce qui entraîna la division de son royaume en deux parties puis la séparation des 12 tribus d’Israël. Cet exemple à ne pas suivre est tout à fait opposé à l’attitude d’Hiram qui resta fidèle « jusqu’à la mort », sachant que cette mort ne serait que la fin d’un état, celui de la forme, ou de la matière apparente. Cette matière après avoir traversé un processus de putréfaction qui aura dissous les éléments, revivra en substance dans d’autres corps qui évolueront à leur tour. C’est le mythe éternel de la mort quant à la chair, et de la résurrection quant à l’esprit. Car dans l’évolution du monde, tout est transformation perpétuelle. On peut comparer cette transmutation du corps humain,  à celle des métaux transmutés au centre de l’athanor en 3 étapes distinctes en alchimie :


C’est d’abord l’œuvre au noir du métal brut, comparable à la mort apparente de la matière.

Puis, l’œuvre au rouge, résultant de l’action du feu sur les métaux, comparable à la combustion des passions humaines. Celle-ci engage la responsabilité du forgeron car il utilise des pouvoirs dangereux qu’il doit savoir maîtriser.
Enfin, l’œuvre au blanc du métal purifié, transmué en sa forme nouvelle ; c’est le passage au plan spirituel de la porte des dieux, et le passage d’un degré dans l’évolution de chacun.  Pour que l’esprit de l’œuvre soit respecté, on ne doit progresser que dans le sens de la nature, en respectant les lois et dans l’intérêt de tous : c’est l’équerre symbolique.

5 . TUBALCAIN

TUBALCAIN, nous guide vers un manuscrit de la maçonnerie opérative, le manuscrit Cooke, daté de 1400 environ, qui nous fait entrevoir en filigrane derrière les colonnes du Temple de Salomon, deux autres colonnes bien plus anciennes qui, elles aussi, symbolisent la transmission de la connaissance.

Ces deux colonnes ont été fabriquées par Tubalcaïn, ses frères Jabal et Jubal, et sa soeur Naama pour transmettre « les sciences qu’ils avaient toutes inventées » à travers le déluge. Retrouvées l’une par Hermès et l’autre par Pythagore, ces deux colonnes symbolisent en fait deux courants de pensée dont le REAA est l’héritier :
Hermès, l’hermétisme des mystères initiatiques, d’une pensée ésotérique et symbolique familière aux rives orientales de la Méditerranée, et Pythagore, la géométrie à la fois science et mode de perception de l’univers, une des références antiques de la philosophie grecque. Ce sont ces deux courants au confluent desquels se trouve notre Rite, qui lui ont permis de construire, par leur équilibre, une spiritualité spécifique parce que libre.

A la déclaration du Convent du Rite Ecossais Ancien et Accepté, réuni à Lausanne en 1875, rédigée par Adolphe CREMIEUX lui-même : « La
franc-maçonnerie proclame, comme elle l’a proclamé dès son origine, l’existence d’un principe créateur, sous le nom de Grand Architecte de l’Univers. Elle n’impose aucune limite à la recherche de la vérité, et c’est pour garantir à tous cette liberté qu’elle exige de tous la tolérance », viennent s’ajouter deux éléments significatifs pour ce qui nous préoccupe : d’une part la présence sur nos autels du Volume de la Loi Sacrée, et d’autre part la mise à la disposition du nouvel initié de « l’outillage rationnel » qui lui permettra d’avancer sur le chemin initiatique. La référence à un principe de l’architecture de l’univers, et à un Volume de la Loi Sacrée, qui pourrait être le Coran, la Bible, ou la TORA
nous rattachera à l’un de ces deux courants de pensée, et le refus du dogmatisme, l’absence de limite à la recherche de la vérité, au détriment de toute forme de dogme ou de révélation, ainsi que l’outillage rationnel, nous rattachera à l’autre.
Bien que, comme toujours dans la vie et dans l’histoire, ces deux courants puissent s’entremêler quelquefois, globalement l’un trouvera sa floraison dans le siècle des lumières en Europe, et l’autre s’enracine dans un mode de pensée et de perception symbolique, lié à la construction même des langues sémitiques, qui progressera au fil des siècles sur les rives sud et est de la Méditerranée. Savoirs, raison et liberté d’un côté, Connaissance, symbole et amour de l’autre.

Il nous suffit simplement, dans la grande liberté du symbole, de nous référer au Principe de la Grande Architecture de l’Univers. Car notre quête de Vérité et de Parole perdue me semble appartenir à l’héritage de ces hommes, éloignés les uns des autres par les siècles, la langue, ou la religion, mais souvent rapprochés géographiquement par les rives sud de la Méditerranée, et par leur pensée, participant de la Gnose sans être gnostique, proches par leur soif quasi mystique de cette Connaissance, et proches peut-être aussi par les démêlés qu’ils ont eus avec les intégristes de leurs églises respectives.

D’un côté la colonne d’Hermès, « Connaissance, symbole et amour »qui nous guide dans notre quête ésotérique de la Transcendance, et de l’autre la colonne de Pythagore « Science, raison et liberté ; refus d’abdiquer de notre cohérence intérieure » qui nous conduit  à « douter des choses qu’on ne peut démontrer et qui ne sont connues que sous le nom de mystères ».

Ainsi sous l’égide de TUBALCAÏN, on peut percevoir le confluent sur lequel est fondée la spiritualité du Rite Ecossais Ancien et Accepté : une quête symbolique et ésotérique de la Transcendance appuyée sur la Tradition, s’alliant au refus « d’accepter toute idée que l’on ne comprenne et que l’on ne juge vraie », et donc bien entendu au refus d’imposer quelque dogmatique que ce soit.

6. CONCLUSION

Les forgerons sorciers de l’Antiquité étaient aussi appelés Vénérables ou Respectables, selon leur âge et leur expérience.  Ils étaient itinérants sur les territoires, toujours à la recherche de nouvelles mines, de nouveaux métaux, de nouvelles pierres brutes à travailler : c’est le compas symbolique. Ils étaient fondeurs et créateurs de formes nouvelles, tout comme le Vénérable Maître «  Crée, Reçoit et Constitue » le nouvel élément qui  viendra enrichir la loge de ses qualités personnelles, pierre parmi les pierres. Le Très respectable Maître doit veiller à la maturation des métaux afin que chaque maître renaisse en Hiram et continue son travail, comme les ouvriers se lèvent et se remplacent dans la loge. Je suis consciente que, maître maçon du REAA, Tubalcain m’a légué un héritage de spiritualité libre que j’ai la charge de transmettre.

Et mon cheminement dans tout cela ? Troublé par le poids des métaux de ce monde capitaliste ; fortement rythmé par le doute, perturbé par les interrogations, les hésitations,  mon cheminement me semble en pointillé avec des pauses toutes suivies de redémarrage et ce n’est que maintenant après l’avoir étudié que je réalise que Tubalcain a toujours été ma bouée, mon point d’encrage ; il est mon veilleur de forge et il n’a de cesse de m’amener envers et contre tout vers la sérénité. 

En définitive, Je suis mon propre forgeron. Seuls le temps, la patience et la réflexion peuvent me faire connaître une mutation qui va m’élever vers la vie de l’esprit.

J’ai dit TRM.

C
\ M\

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