Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
Une Loge juste et parfaite La définition d’une loge juste et parfaite est une des plus anciennes traditions de la franc-maçonnerie. Il est intéressant de suivre son évolution au cours du temps. Les Iles Britanniques Ce qui suit est basé sur les « Early masonic catechisms » de Knoop, Jones et Hamer (1943) Edinburgh Register House MS (1696)
Chetwode Crawley MS (c. 1700)
Kevan MS (1714-1720)
Ces trois documents sont écossais. Il n’existait à l’époque que deux grades apprenti-entré et maîtres ou compagnon. Il fallait donc douze membres, dont sept maîtres, pour constituer une loge. Les documents qui suivent sont anglais ou irlandais (le Trinity collège MS) Sloane MS (c. 1700)
L’affaire se complique car il n’y avait encore que deux degrés. Les deux maîtres étaient-ils déjà maîtres de loge ? Trinity College 1711 (?)
A Masson’s examination (1723)
Le grade de maître (3 degré) apparut dans ces années-là. La première mention quasi certaine est de 1725. Dans ce texte de 1723, le « maître » est indiscutablement le maître de la loge. The Grand Mystery of Free-Masons Discovered (1724)
Graham MS (1726)
Le nombre impair est ici obligatoire. Par contre, le grade des assistants n’est pas mentionné. A Mason’s Confession (1727)
Ce catéchisme écossais date d’une époque où il n’existait encore que deux degrés (grades) Willkinson MS (1726)
Masonry Dissected (1730)
Le Wilkinson et le MD distinguent la loge et la loge « juste et parfaite ». Cinq forment la première, sept la seconde. Dans les deux cas, il faut trois maîtres. Essex MS (1750)
La France Vers 1725, la franc-maçonnerie apparaît en Europe continentale (1ère loge à Rotterdam en 1721). Que va devenir la loge juste et parfaite ? Le Secret des Francs-Maçons (1742, repris dans Le catéchisme des Francs-Maçons de 1744 et dans L’Ordre des Francs-Maçons trahi…de 1745.)
C’est exactement ce que disait Prichard dans Masonry Dissected ! Sept FF\ sont nécessaires mais trois seulement doivent être maîtres. Notons la nuance : former, composer et rendre parfaite. Les choses sont dites. Elles ne varieront guère. Autre formule dans Le Sceau rompu de 1745.
La Désolation des entrepreneurs modernes du Temple de Jérusalem (1747) et le Nouveau catéchisme des Francs-Maçons de la même année explicite la progression 3-5-7 :
On trouve ici la progression, 3-5-7, dont on connaît l’importance. Ne soyons pas surpris par l’apprenti-compagnon. A l’époque les deux grades étaient donnés le même jour. Le pli était pris et il persistera durant tout le XVIII siècle. En 1786, Le recueil précieux de la Maçonnerie Adonhiramite dira encore :
A la même époque s’implante en France un Rite anglo-écossais, l’Ordre d’Hérédom de Kilwinning, aujourd’hui Ordre Royal d’Écosse (probablement le « haut-degré » le plus convoité outre-Manche). On peut y lire ceci :
Et plus loin, parlant de l’escalier à vis :
(Manuscrit conservé à la bibliothèque du Suprême Conseil pour la Belgique) La décennie 1776-1788 verra la cristallisation des « Rites » français (géographiquement s’entend). Quelle sera leur formulation ? 1 Rite Écossais Philosophique Apparu à Marseille, introduit à Avignon vers 1776, puis à Paris, c’était le Rite de la loge-mère du Contrat Social d’où vinrent la plupart des fondateurs du premier Suprême Conseil de France. Ce Rite fut le support du futur REAA. Très curieusement, les instructions d’apprenti et de compagnon ne comportent aucune mention de la loge juste et parfaite. 2 Rite Écossais Rectifié Il est remarquable que le texte utilisé aujourd’hui encore dans les loges de ce Rite ait été codifié dans le rituel adopté au Convent de Lyon, dit des Gaules, en 1778.
La phrase se retrouve, inchangée, dans le rituel adopté à Wilhelmsbad en 1782, modifié (oh combien !) par Willermoz en 1785-1787 et dans la version finale envoyée par le patriarche lyonnais à la loge La Triple Union de Marseille en 1802 (rituel utilisé de nos jours dans les loges de la GLNF pratiquant ce Rite). Roland Bermann a bien voulu ajouter ce qui suit, qui explique la spécificité du RER : Instruction secrète aux Grands Profès (J.-B. Willermoz), page 1038 : « Lorsqu’on demande au maçon où il a été reçu, il répond : Dans une L. juste et parfaite ; 3 la forment, 5 la composent, 7 la rendent juste et parfaite. Cette réponse tient à la science fondamentale. Mais les maçons modernes qui ont tenté de l’expliquer par des définitions conventionnelles, n’ont pu en donner une solution satisfaisante et jamais on ne pourra la trouver qu’en remontant à l’initiation même de la FM. Elle enseignait que la L. où l’homme a été reçu est sa forme corporelle même qui est le Temple de son intelligence. Cette forme portant dans son origine le nombre 3, porte aujourd’hui par sa funeste transmutation, le nombre 5, abstraction faite de toutes les puissances vivantes qui y sont unies. Mais ce nombre ne s’y trouve que par la jonction du 2 et du 3. Le nombre 3 exprime spécialement les 3 principes simples fondamentaux de toute corporisation, appelés soufre, sel et mercure et dont le corps de l’homme tire son origine comme tous les autres corps de la nature élémentaire. Ces 3 Principes se manifestent dans les différentes substances qui le composent, et c’est avec raison qu’on reconnaît la présence du soufre ou du feu dans le fluide appelé sang ; celle du Principe sel ou eau dans les parties molles ou insensibles ; et celle du mercure ou terre dans les parties solides ou obscures. Dans ce sens strictement vrai 3 forment la loge de l’homme, c’est à dire son enveloppe matérielle. Mais elle serait encore incapable de vie sans les nerfs et les muscles qui doivent être en elle l’organe de la sensibilité et du mouvement lorsqu’elle recevra un principe capable de lui en donner l’impulsion… (A rapprocher de Job 10,10 et suivants). C’est alors qu’il est vrai de dire que 5 composent la loge de l’homme. Cependant elle n’est encore qu’un cadavre sans vie et sans mouvement et il n’y a que le nombre 7 qui puisse la rendre juste et parfaite. L’âme passive si connue par le nombre sénaire qu’on lui a attribué vient lui donner la vie passive…(ici se trouvent des références au 2 grade). Enfin, le nombre septénaire de l’Esprit ou de l’Intelligence vient rendre la Loge parfaite. C’est le nombre du maître ; c’est l’acte sabbatique ou septénaire de la formation particulière de l’homme. Car une L. ou un Temple suppose nécessairement un être supérieur pour l’habiter…(suit l’explication du 7 considéré comme 6+1) ». 3 Rite Français (1785-1786) Le dialogue approuvé en 1786 se retrouve dans Le Régulateur du Maçon de 1801. I est quasi identique à celui du Rite Écossais Rectifié :
En 1858, lors de la révision des rituels sous la grande maîtrise du prince Murat, cela deviendra :
En 1887, les rituels furent réécrits, afin de les aligner sur la politique du GODF définie par la décision fameuse de septembre 1877. Si des remaniements notables furent introduits, rien ou peu de chose ne fut modifié dans la question qui nous occupe.
Il faut être sept pour travailler en loge et, même si cela n’est pas explicite, cinq au moins doivent être maîtres car on imagine difficilement qu’un apprenti ou un compagnon puisse être une des cinq « lumières » de la loge. Les rituels actuels du GODF ont gardé cette phrase, comme l’ont gardée ceux du GOB et de la GLB qui travaillent au « Rite Moderne ». 4 Le REAA La première version connue du grade d’apprenti est celle de la loge La Triple Unité Écossaise à l’Orient de Paris (1804, bibliothèque du Suprême Conseil pour la Belgique). Surprise ! Le texte en est tout différent.
Texte qui sera repris tel quel dans le Guide des Maçons Écossais, publié quelques dix années plus tard (p. 32). Mais la surprise n’en est pas une puisqu’on sait que les première Instructions du REAA, pour les grades bleus, sont une traduction littérale de la divulgation du rituel des Antients anglo-irlandais, Les trois coups distincts (Three Distinct Knocks) de 1760. On peut sans trop se tromper affirmer que le grade d’apprenti du REAA était, sous l’Empire, une cérémonie de style (pour ne pas dire de Rite) français jouée par une loge anglaise.
L’influence anglaise était trop évidente. Qu’allait donc devenir cette question lorsque le Suprême Conseil de France, dont dépendaient les loges bleues du Rite, décida de revoir les rituels sous Louis XVIII ? Horreur s’il en est : la question disparut purement et simplement. Elle ne se trouve ni dans les rituels de 1829, ni dans ceux de 1843, ni enfin dans ceux de 1877 qui furent imposés à ses loges par le SCDF et ne furent pas modifiés par la Grande Loge de France lorsqu’elle obtint, en 1894-1896, son indépendance. J’ignore ce qui s’est passé par la suite. Je sais seulement qu’en 1971, j’assistai à une tenue d’une loge de REAA de la GLNF (à Grenoble). Le vénérable me donna une copie des rituels officiels de l’époque. Ils ne contenaient aucune instruction, a fortiori rien qui concerne la question qui nous occupe. N’étant ni Cerbu, ni 1802, ni Français d’ailleurs, je ne sais trop où en sont nos voisins. J’ai cependant sous les yeux un rituel d’apprenti au REAA tel que pratiqué par une loge de Versailles (de la GLNF). J’y lis :
Sur ces sept, trois au moins doivent posséder le Grade de Maître et deux le grade de Compagnon. C’est-à-dire la copie fidèle des rituels du prince Murat et du GODF, donc du Rite Français ! Emprunt qui ne peut être que postérieur à ma visite à Grenoble. Conclusions
Je n’ai trouvé nulle part l’affirmation qu’il fallait sept maîtres pour ouvrir une loge, et pourtant c’est ce que tout le monde dit. P\ N\ |
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