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La Divine Comédie La « Divine Comédie » de Dante est une démarche d'introspection, un voyage initiatique à la recherche de l'accomplissement de l'être à travers les méandres du vaste théâtre où se joue la Comédie de la Vie. Nous sommes invités à y accomplir notre rôle avec maîtrise, équité et générosité. Chaque scène vécue s'écrit à l'encre du doute méthodologique appliqué à la recherche de la vérité, clé de voûte d’une progression, pour qui veut comprendre, agir et imaginer en vue de grandir en humanité et en spiritualité. Le Florentin tient une place à part parmi les poètes. En effet, Dante Alighieri a formé la langue italienne. Il faut une nation pour créer une langue parlée; il faut des poètes, des prosateurs, et avec cela des siècles, pour créer une langue littéraire. Mais si un seul homme, quel que soit son génie, ne peut créer une langue, même littéraire, il faut un homme, et suffit de lui seul, pour créer une littérature nationale. Mais bien au-delà, Dante est universel : il suffit à la vie contemplative et à la vie active. Ce très long poème a été écrit durant les années d’exil entre 1304 et 1321: « Au milieu du chemin de notre vie. Je me retrouvai dans une forêt obscure. Car la voie droite était perdue », écrit Dante. Avant d’en survoler les messages cachés, il est indispensable de jeter un coup d'œil sur l'ensemble de la Divine Comédie afin de bien se représenter cet univers imaginaire tel qu’il a dépeint. Lucifer, chef des Anges rebelles, a été précipité par Dieu du haut du Ciel sur la Terre. Il y tombe, la tête la première, s'y enfonce jusqu'au centre où il est condamné à rester. La Terre, occupant elle-même, d'après Ptolémée, le centre de l'Univers, Lucifer se trouve, par conséquent, précisément au centre de cet univers. Sur lui repose l'Enfer tout entier, que sa formidable chute a creusé dans la Terre sous la forme d'un cône renversé, d'un immense entonnoir, dont le grand côté - l'entrée - est à la surface et le plus petit au centre. Le système cosmographique décrit par Dante n'est pas le fruit de sa seule imagination. Il résulte aussi des données diverses de l'époque et des traditions antérieures. La Bible, la Mythologie, Aristote. Ptolémée, les Pères de l'Eglise, les écrivains de l'Antiquité et du Moyen Age, ont fourni au poète les principaux matériaux de sa vision. L'Enfer est divisé en neuf cercles concentriques superposés, sortes de galeries longeant les parois cylindriques du cône. Dans ces galeries sont placés les damnés, classés d'après leurs crimes. Ces Cercles, de plus en plus petits, comportent des tourments appropriés, de plus en plus terribles à mesure que l'on descend. Ils sont parfois subdivisés en autant de compartiments que le vice qui y est châtié, offre d'espèces différentes. Au fond se trouve l'entrée difficile (interdite et impossible aux damnés) d'un long souterrain, qui conduit de l’autre côté de la Terre ; à l’opposé de l'entrée de l'Enfer. Ce souterrain aboutit au pied d'une montagne colossale, située au centre de l'hémisphère désert de la Terre. Cette montagne, c'est le Purgatoire. Arrivé là, Dante a donc parcouru en entier le diamètre terrestre, dont le premier rayon est occupé par l'Enfer et le second par le souterrain de sortie. La montagne purgatoriale a été formée, d'un seul coup, par la masse terrestre chassée en dehors de la Terre par la violente chute de Lucifer. Il est donc compréhensible que le Purgatoire affecte la forme contraire à celle de l'Enfer: une montagne au lieu d'un cône renversé et vide. Au lieu de descendre, comme dans l'Enfer, on monte. Le Purgatoire est divisé en sept Cercles ou girons (girone). Au sommet est le Paradis terrestre ou jardin d'Éden. Une ligne droite partant de l'Éden et tirée jusqu'à Jérusalem, passerait donc au centre de tous les Girons du Purgatoire et de tous les Cercles de l'Enfer, au centre de la Terre et de l'Univers. Dans chaque Cercle du Purgatoire, les pécheurs trouvent successivement l'expiation de leurs fautes et la purification graduelle de leur âme en contemplant, sous diverses apparences, des exemples de la vertu opposée à leur vice. Le Paradis est divisé en neuf sphères. Plus, on s'élève de sphère en sphère, plus les Vertus qui s'y trouvent sont pures, plus leur félicité est grande, car elles sont plus rapprochés de Dieu. Enfin, au plus haut des Cieux résident la Trinité et les mystères chrétiens. C'est Béatrice qui vient au seuil du Paradis, remplacer Virgile pour guider le Poète. Arrivé au haut du Paradis, Dante succombe à l'éclat d'une vision que son regard humain est impuissant à contempler ; de même qu'un sommeil pesant l'a empêché de connaître la route qui l'a conduit dans l'Enfer, de même la splendeur divine qui l'éblouit ; l'empêche de connaître le chemin qui le ramène du Paradis à la Terre. Les sens cachés Mais faut-il ne voir qu’un long poème dans la Divine comédie. Au cours du neuvième chant de L’Enfer, Dante prévient son lecteur de ne pas prendre le texte à la lettre, en faisant dire à son Maître Virgile : Ô vous, qui avez pleine intelligence, Regardez la doctrine qui se cache, Sous le voile des vers étranges ! Ailleurs, le poète va plus loin encore, puisqu’il déclare que toutes les écritures, et non pas seulement les écritures sacrées, peuvent se comprendre et doivent s’exprimer principalement suivant quatre sens. La difficulté est de déterminer ces différentes significations. La Divine Comédie n’en est pas pour autant une œuvre religieuse, elle est en réalité une somme des conceptions politiques, scientifiques et philosophiques de la fin du XIIIème siècle. Les commentateurs reconnaissent, sous le sens littéral du récit, un sens philosophique, ou plutôt philosophico-théologique, et aussi un sens politique et social ; mais, avec le sens littéral lui-même, cela ne fait seulement que trois, et Dante nous invite à en chercher quatre ; quel est donc le quatrième ? Pour les francs-maçons symbolistes que nous sommes, ce ne peut être qu’un sens proprement initiatique, métaphysique en son essence, et auquel se rattachent de multiples interprétations puisées aux différentes sources symboliques. Il est alors tentant de croire que la Divine Comédie est une auberge espagnole : on y trouve ce que l’on y amène. Pas du tout nous dit Robert Bonnell. L’auteur de « Dante le grand initié », estime que l’œuvre se place sous le regard de la Tradition : Platon, Pythagore, saint Augustin, Virgile, la mythologie, l’alchimie, la kabbale chrétienne, etc. Ce chemin initiatique vers la sagesse, par l’initiation intérieure, aurait pour filiation : les « fidèles d’amour » - le groupe dont Dante faisait partie avec Guido Cavalcanti - une société secrète cultivant un idéal chevaleresque, d’amour spirituel et de vertu primordiale, symbolisé par la femme hybride Minerve-Isis. Dans cet écheveau de symbolismes, on retiendra (pour faire court) les Nombres et l’Alchimie. Les pythagoriciens considèrent le nombre comme essence de toute chose. La Divine Comédie comprend 14233 vers, chiffre qui, par réduction, donne treize, le nombre de la transformation intérieure : la mort du vieil homme, la renaissance de l’enfant [intérieur]. Le texte est aussi associée au nombre neuf, nombre de la perfection et nombre de Béatrice (miracle dont la racine renvoie à la Trinité). La Divine Comédie évoque également le Grand Œuvre alchimique qui y est représenté en trois parties : l’Enfer : violence, épreuves, équivalent à l’« œuvre au noir », premier temps de la recherche de la pierre philosophale ; le Purgatoire : purification, sublimation, correspondant à l’« œuvre au blanc », deuxième temps des épreuves par le feu et par l’eau ; le Paradis : élévation, étape de l’« œuvre au rouge » - changement du plomb en or, découverte de l’élixir de longue vie. Révélations successives amenant l’illumination, l’extase, la suprême connaissance et la joie béatifique. Pour la description de l’Enfer, Dante s’inspire à la fois de la terminologie chrétienne des sept péchés capitaux mais aussi d’Aristote (l’Ethique). L’évocation réunit une conjonction de formes symboliques : cercle, spirale, labyrinthe, pour traduire les chemins convulsifs de l’involution (passage de l’un au multiple). Dante descend jusqu’au fond de l’Enfer où il découvre la fausse unité : Lucifer au triple visage (la trinité maléfique corps/âme/esprit) et aux trois bouches. La bouche est l’ouverture par où passent à la fois le souffle (puissance créatrice), la parole (conscience) et la nourriture (entretien de la vie). Le Purgatoire est le royaume des forces de la Rédemption, incarnées par la Vierge Marie et le cortège des Vertus. La première force de rédemption est l’Amour. La numérologie sacrée gouverne tous les choix métaphoriques du poète pour établir des correspondances symboliques entre péchés, châtiments et béatitudes. L’« œuvre au rouge » ne sera achevée qu’au paradis céleste, dont l’accès se trouve après le paradis terrestre. A cette étape, Virgile termine sa mission et Béatrice prend le relais pour insuffler l’inspiration divine (la raison humaine ne suffit plus). Le résultat du Grand Œuvre, c’est la transmutation de l’adepte devenu Maître, doué de sagesse : éveillé, illuminé, et initié ; le face à face du poète et de l’immortalité. La matière est régénérée par l’esprit. L’âme universelle communique la lumière à toute la création. La comédie de l’amour Il y a des livres qu’on s’interdit de lire parce que leur prestige est tel qu’on imagine tout simplement n’en être pas digne. La Divine Comédie fait incontestablement partie de ceux-là. Robert Bonnell y a consacré dix ans, avant de faire éditer « Dante le grand initié ». Parmi d’autres commentateurs, on note par exemple, René Guenon qui s’est attaché à dévoiler l’ésotérisme dans l’œuvre du Poète. Ce très long poème me semble toujours une immense énigme. Modestement, j’ai tenté d’en donner quelques clés de lecture, que d’autres plus érudits ont su déceler. Avant de conclure, je peux dire que Dante, florentin engagé, joue un rôle actif dans sa ville. Dans les troubles de factions qui agitent alors l'Italie, il est un guelfe ardent contre les gibelins. Il sera guelfe blanc contre les guelfes noirs. Aussi, la Divine Comédie peut être perçu comme un pamphlet. Le poète perçoit le transitoire de l’histoire humaine et cherche à recréer la cité capable d’assurer à l’homme un bonheur spécifique qu’il pense pouvoir attendre de la vie d’ici-bas. Il souhaitera la venue d’un Monarque faisant régner la justice et corrigeant l’Eglise corrompue. Vision d’un homme qui se passionne pour les choses de la terre, le progrès de l’univers humain n’étant pas une concurrence faite à Dieu. Le langage utilisé, avec son style familier, grossier parfois obscène, surprend. Pourtant, il est celui de la comédie (à l’époque). On y trouve, pêle-mêle, des invectives contre les hérétiques, les hérésiarques et les fauteurs de schismes. Dante dénonce aussi, avec des mots très durs, la corruption des monastères, la cupidité des prélats et c’est toute l’institution ecclésiastique, du sommet à la base, qui est ainsi visée : l’Église est accusée d’être une « putain nue », celle du roi de France (Purgatoire. XXXII, 149). Néanmoins, en cherchant, et cela a ma préférence, comme toutes les comédies, celle-ci finit dans la joie. C’est au paradis, en effet, que Dante a le bonheur de retrouver Béatrice, la femme aimée. Et l’objet de cette comédie est l’amour. Celui-ci occupe une place absolument centrale dans ce texte puisque c’est au chant XVII du Purgatoire, c’est-à-dire au centre mathématique du poème, que Virgile professe sa théorie de l’amour universel : « Ni créateur, ni jamais créature, mon fils, ne furent sans amour, ou naturel ou de raison, et tu le sais. Le naturel est toujours sans erreur, mais l’autre peut errer par mauvais objet ou par trop ou trop peu de vigueur ». Par conséquent, les actions qui valent aux coupables (en enfer) des châtiments ou aux élus des récompenses (au paradis) sont toujours l’expression d’un même amour, mais orienté tantôt vers le mal tantôt vers le bien. L’injustice elle-même est définie par Dante comme une déviation ou une négation de l’amour, tandis que la justice, qui éclate au Paradis, est considérée comme son expression. C’est ensuite l’amour, naturellement, qui inspire le poète. Dans le purgatoire, lorsqu’on lui demande s’il est bien « celui qui a trouvé le nouvel art des rimes ». Dante répond : « Je suis homme qui note, quand Amour me souffle, et comme il dit, je vais signifiant ». Lorsqu’il atteint enfin « la plus haute joie » au paradis, Dante découvre que c’est encore « l’amour qui, dans sa ronde, élance le soleil et tant d’étoiles » et c’est ainsi que s’achève le dernier chant du Paradis. M\ G\ |
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