Obédience : NC | Loge : NC | Juin 2001 |
Les Rose Croix Histoire, Légende Histoire parce qu'il existe des documents écrits, historiquement incontestables qui décrivent l'Ordre, ses objectifs, ses principes, parce qu'il y eut et parce qu'il y a des groupes qui se réfèrent au mouvement rosicrucien, et enfin parce que des individus ont affirmé être Rose Croix, soit surtout avoir des relations avec des R+C. Légendes parce que l'abondante littérature qui traite des Roses Croix fourmille d'extrapolations hâtives, d'affirmations non justifiées, de références à des documents introuvables voire de véritables faux. Qui sont les Roses Croix ? Exista-t-il historiquement un ordre des R+C avec sa doctrine, ses règles, ses adeptes ? Les Roses Croix jouèrent-ils un rôle et lequel dans la naissance de la FM\ spéculative ? Les nombreuses sociétés de part le monde qui se disent rosicruciennes ont-elles toutes la même origine ? Y a t il une réelle continuité entre les R+C du 17ème siècle et par exemple, l'AMORC aujourd'hui ? Voici quelques-uns unes des questions auxquelles il est très difficile de répondre non que les documents manquent mais au contraire parce qu sont trop nombreux. D'autre part la Fraternité R+C et les Sociétés qui suivirent étant présentées comme des sociétés secrètes, initiatiques toute personne qui se propose d'en étudier et d'en décrire l'évolution se heurte à une difficulté : soit-il n'est pas initié auquel cas il est facile de lui opposer le fait qu'il parle de ce qu'il ignore et qu'il ne peut pas connaître, soit-il l'est et tout ce qu'il dit ne peut être véritablement contesté ou discuté que par les initiés. A la multiplicité des documents, à leur diversité s'ajoutent l'infinité d'événements, de groupes et de personnages auxquels a été associé le terme de Rose Croix. Citons quelques exemples pour illustrer notre propos : - La pièce musicale qui vient de m'accompagner jusqu'au plateau de conférencier s'intitule « La Marche des Roses+Croix ». Elle est due à Erik Satie qui la composa dans les années 1890 alors qu'il participait au mouvement appelé « Rose + Croix catholique »ou « Rose Croix du Temple et du Graal »créé par Joséphin Péladan dit le Sâr Péladan en dissidence de l'Ordre de la « Rose Croix Kabbalistique » fondé en 1888 par Stanislas de Gaïta et Péladan qui s'étaient adjoint Dr. Gérard d'Encausse, plus connu dans le milieu de l'occultisme sous le nom de Papus. Au début du 17 ème siècle plusieurs écrits évoquant une Fraternité Rose Croix paraissent d'abord en Allemagne puis sont diffusés dans toute l'Europe. En 1623, les Parisiens lurent afficher sur quelques murs : « Nous, députés du Collège principal des Frères de la Roze Croix, faisons séjour visible et invisible en cette ville par la Grâce du Très Haut vers laquelle se tourne le coeur des Justes. Nous montrons et enseignons sans livres ni masques à parler toutes sortes de langues des pays où nous voulons être, pour tirer les hommes nos semblables d'erreur de mort ». Certains historiens attribuent un rôle important aux Rose Croix dans la formation de la FM\ spéculative et en particulier dans les toutes premières loges anglaises. Des hommes plus ou moins célèbres de toutes les époques se sont vus qualifier de R+C ou a leur corps défendant ou ont, eux-mêmes revendiqués leur appartenance au mouvement : des alchimistes, des Francs-maçons, des philosophes, des scientifiques, des mystiques etc. aussi divers que Dante (un chapitre de l'ouvrage de René Guénon sur l'ésotérisme de Dante s'appelle Dante et le Rosicrucianisme), Roger Bacon, Robert Fludd ou John Dee, Shakespeare, Elias Ashmole (sans doute le lien avec la FM\ à ses débuts), Descartes, Comenius, Jacob Boehme le cordonnier théosophe, Swedenborg, le Philosophe Inconnu Louis Claude de Saint Martin, Papus, Stanislas de Gaïta dont le secrétaire fut Oswald Wirth, le sâr Péladan, organisateur des Salons de la Rose Croix, Hélène Blavatsky la fondatrice de la Société Théosophique, et pour remonter aux temps très anciens Pythagore et même le mythique Hermès Trismégiste. Que peut-il y avoir de commun entre ces événements, les noms que je viens de citer, les nombreuses Sociétés « rosicruciennes et la Franc-maçonnerie qui justifie que le couple Rose et Croix se trouve réunit à leur propos ? » Pour tenter d'y voir plus clair, j'ai choisi en premier lieu d'étudier les trois premiers documents, en commençant par en lire une traduction en français, faisant état de la Fraternité R+C. Puis de suivre l'évolution de la notion de R+C jusqu'à nos jours en m'appuyant sur de nombreux écrits d'origines et de valeur diverses et en particulier sur les Histoires des R+C écrites par Sedir pseudonyme de Yvon Le Loup qui fut affilié à l'Ordre Kabbalistique de la R+C où il devint docteur en Kabbale, puis à l'Ordre Martiniste de Papus dont il devint membre du Suprême Conseil avant d'être admis au sein de la Fraternité Hermétique de Louxor. Il s'orienta ensuite vers le gnosticisme et fut consacré évêque de Concorezzo dans l'Eglise Gnostique. Sedir aurait été par ailleurs un des rénovateurs de la maçonnerie de Memphis Misraïm, - par Fr. Wittemans (1919) membre du Sénat de Belgique, avocat et membre de la société de Théosophie, se défendant d'être affilié à une société rosicrucienne mais nous constaterons que la plupart des auteurs qui ont été écrits sur la Fraternité déclarent la même chose. (1) Commençons par l'examen des trois textes fondateurs du mouvement ou tout au moins de sa première expression publique. En 1614 paraît à Cassel en Allemagne un volume contenant trois textes anonymes en langue allemande sur lesquels nous serons amener à revenir : « Commune et générale réformation de tout le vaste monde suivi de la Fama Fraternitatis de l'ordre louable de la R+C adressée à tous les savants et chefs de l'Europe ainsi qu'une courte réponse faite par Adam Haselmayer qui, à cause de cela a été arrêté et emprisonné par les Jésuites. Présentement publié, imprimé et communiqué à tous les coeurs fidèles ». C'est historiquement la première manifestation publique et même la première mention de l'existence d'une Fraternité R+C. En 1615 la Confessio fraternitatis ou louable confession du très honorable Ordre de la Rose Croix écrite à l'intention des gens instruits d'Europe, vint compléter et éclairer les ouvrages précédents. Enfin la troisième des publications sur lesquelles s'appuient toutes les sociétés initiatiques ou secrètes qui se prétendent continuatrices de la tradition Rosicrucienne, Les Noces Chymiques de Christian Rosenkreutz, fut éditée pour la première fois en 1617, en allemand, sans nom d'auteur. Contrairement à la paternité de la Fama et de la Confessio qui reste l'objet d'hypothèses diverses, les Noces sont unanimement attribuées à Jean Valentin Andreae, pasteur luthérien de Tübingen, qui l'a d'ailleurs reconnu dans son autobiographie en qualifiant cet ouvrage, qu'il dit être de jeunesse, de ludibrium ce que l'on pourrait traduire par canular ou facétie. On lui attribue généralement un rôle important dans la création (ou la résurgence) du mouvement R+C bien qu'il s'en défendît parlant même dans ses écrits postérieurs de la Fama et de la Confessio comme des éléments d'une farce. Il est presque certain en tout cas que la Fama et la Confessio sortirent du cercle de Tübingen dont Andreae fut un élément majeur. Essayons de donner un résumé de ces textes souvent obscurs, revendiqués par toutes les associations se qualifiant de rosicruciennes. La Fama Fraternitatis est précédée dans l'édition de 1614 de la Commune et Générale Réformation du monde qui n'est en fait que la traduction d'un texte satyrique tiré des Nouvelles du Parnasse de l'écrivain italien Boccalini parues en 1612 à Venise. C'est une discussion entre les sept sages de la Grèce, convoqués par Apollon, sur l'état du monde et les moyens de lui rendre sa pureté primitive. La Fama qui se dit d'inspiration chrétienne décrit la vie du Père Frère R+C qui aurait fondé deux siècles avant la diffusion de cette Fama une Fraternité secrète en vue d'une réforme générale du monde. Allemand, noble mais pauvre, orphelin, Christian Rosenkreutz fut élevé dans un couvent qu'il quitta dès l'âge de seize ans pour se rendre successivement, avec un autre clerc, à Damas, à Jérusalem et à Damcar en Arabie, où il résida trois ans avant d'aller en Egypte. Lorsqu'il voulut transmettre aux savants européens la science que lui avaient apprise les sages rencontrés au cours de ses voyages, ceux ci se moquèrent de lui. Il se retira alors en Allemagne et refusant d'utiliser sa science de la transmutation des métaux, il conçut un plan de réforme universelle qu'il se proposa de tenter en s'associant trois frères de son ancien monastère d'Allemagne : G.V., I.A. et I.O constituant ainsi le noyau initial de la Fraternité. Il traduisit en latin le livre M, que les sages arabes lui avaient fait connaître et qui contient la sagesse d'Adam, de Moïse et de Salomon. Dans la maison Saint Esprit qu'ils construisirent, ils pratiquaient la médecine et faisaient connaître leur société. Ils s'adjoignirent ainsi quatre nouveaux frères. Tous avaient fait voeu de chasteté. Ils écrivirent un livre contenant « tout ce que l'homme peut désirer, demander et espérer ». Les frères parcoururent le monde, pour y étendre leurs connaissances qu'ils se communiquent au cours de réunion annuelle. Ils s'étaient engagés à respecter les règles suivantes : 1) Ne pas exercer
d'autre activité publique que la médecine
bénévole. Le F\ I\ O\ mourut le premier en Angleterre (?) où il avait guéri de la lèpre un jeune comte de Nortfolgt. La tombe du Père R+C fut découverte accidentellement par le Frère N\, dans une crypte sur la porte de laquelle était écrit ; « Après 120 ans je m'ouvrirai ». La description qui en est faite est riche de symboles : le tombeau a sept côtés ; chaque côté est large de cinq pieds et haut de huit. En haut est suspendu un soleil artificiel qui a appris du soleil naturel à briller. Au milieu, se trouve un autel circulaire sur lequel est posée une plaque de cuivre, avec cette inscription : « A.C.R.C. De mon vivant de ce résumé de l'univers j'ai fait mon tombeau ». Quatre cercles ornent le plafond où s'inscrivent : « Jésus est tout pour moi », « Le vide n'existe pas », « Le joug de la loi », « Liberté de l'évangile », « Intangible est la gloire de Dieu », sentences classiques chez les mystiques des époques précédentes. Dans des triangles, sont inscrits des figures et sentences secrètes que la Fama se refuse à divulguer. Des armoires contiennent des livres d'occultisme, la Vie du Père R+C et des objets symboliques divers. Sous l'autel, une dalle de Cuivre recouvre le corps intact de Christian Rosenkreutz qui tient dans ses mains le Livre T\, qui représente, après la Bible, le plus grand trésor de la Fraternité. Sur cette plaque est gravée un éloge de Christian Rosenkreutz signée par les premiers frères qui débute par la phrase : « Un grain de semence semé dans le coeur de Jésus »et se termine par la formule : « Nous naissons en dieu, nous mourrons en Jésus, nous revivons par le Saint Esprit ». Les frères prirent quelques livres qu'ils avaient le projet de publier, puis ils se retirèrent après avoir fermé et scellé la porte du tombeau. Cette tombe s'ouvrira à ceux qui en seront dignes ; elle serait inutile aux indignes. La Fama s'affirme chrétienne, évangélique et luthérienne à l'édition de 1614 de la Fama est jointe une « réponse » adressée par Adam Haselmayer, secrétaire public de l'archiduc Maximilien, aux membres de la Rose-Croix. Il dit qu'étant au Tyrol en 1610, il avait reçu une copie manuscrite de la Fama. II parle avec enthousiasme de la Fraternité, demande aux Frères de se manifester afin d'enseigner au monde la connaissance du Messie et d'annoncer la lumière qui doit venir au temps du règne du Saint-Esprit précédé du retour sur terre du prophète Elie (Elie Artiste). Dans des temps proches doivent se produire de graves événements : la chute du pape et de sa chevalerie babylonienne (on peut y reconnaître les jésuites) adversaire de Jésus-Christ, et l'avènement du Lion de Minuit c'est à dire du Christ triomphant. Le contenu de la Confessio est conforme à celui de la Fama, quoique avec une pointe plus accentuée à la fois d'apocalypse et d'antipapisme. Elle annonce qu'en cette période de fin du monde elle va révéler tous les secrets à tous les justes et de faire en sorte que tous les hommes puissent les partager contrairement aux pratiques des alchimistes qui réservaient la connaissance de leurs arcanes aux seuls adeptes. On y apprend que le nom du fondateur identifié dans la Fama uniquement par ses initiales est Christian Rosenkreutz et qu'il vécut 106 ans. Ce n'est pas la Science, source d'orgueil, et les vaines spéculations des alchimistes trop attachés aux biens matériels, qui peuvent sauver le monde. C'est au sein même de l'être humain, par le renoncement à soi-même, par la purification intérieure et par l'amour du prochain que s'opérera le salut et non par la philosophie ou les réformes sociales. Il faut apprendre à lire les signes secrets que Dieu a inscrits dans la Nature, ce que seuls les membres de la Fraternité savent faire. Alors, la faim, la pauvreté, la maladie disparaîtrons, la vie se prolongera indéfiniment, ils communiqueront sans la barrière des langues et des distances. Ils pourront commander à la matière, transformant les rochers en pierres précieuses et ils influeront sur les grands de la terre. Dieu est résolu à envoyer avant la fin très proche du monde, la lumière, la vie, la vérité qu'il avait communiquée à Adam avant sa chute. L'homme qui lira la Bible et qui suivra les règles de la Fraternité ira dans la joie vers le soleil levant. Mais nul ne pourra sans et contre la volonté de Dieu connaître la Fraternité et parvenir à la félicité. La Confessio annonce ainsi des événements apocalyptiques qui précéderont l'avènement de la quatrième monarchie (dont il est question dans la Fama) c'est à dire du règne du Saint Esprit ce qui correspond à un thème classique de certains mystiques des siècles précédents. Le troisième texte fondamental de la tradition R+C, Les Noces chimiques de Christian Rosenkreutz publié en 1617 est de nature très différente des deux précédents. A première lecture il s'agit d'un exposé alchimique détaillé de l'oeuvre métallique mais qui décrit en fait le parcours initiatique, degrés par degrés, de l'homme vers la lumière. Il raconte, en sept journées, le mariage du roi, puis sa décollation et enfin sa résurrection. Rosenkreutz, invité aux noces du roi se met en route, dans le sentiment profond de son indignité, après avoir noué en croix un ruban rouge sur sa robe de bure et orné son chapeau de quatre roses. Il se pourvoit pour le voyage de pain, de sel et d'eau. Trois voies se présentent devant lui : une courte, mais dangereuse ; la seconde est la voie royale et la troisième est agréable mais très longue. Prévenu qu'une fois choisi le chemin, il ne pourra plus revenir en arrière, il s'en remet à Dieu qui l'oriente vers la seconde voie qui le conduit au château royal. Sommé de décliner son identité, il répond : Frère de la Rose-Croix rouge. Etant le plus pur des nombreux candidats évalués Rosenkreutz est admis avec tous les honneurs, reçoit la Toison d'Or ornée d'un Lion volant. Les autres candidats sont chassés après avoir bu une boisson effaçant toute trace de leur aventure de leur mémoire. Suivent d'autres épreuves symboliques. Devant la reine est un gros livre renfermant toute la science réunie dans le château. Neuf élus portent chacun une bannière portant une croix rouge. Il leur est notifié de penser à Dieu et de travailler pour sa gloire et pour le bien des hommes. Ensuite le couple royal est décapité, ainsi que quatre rois et reines présents. Les six personnes sont ensevelies et leur sang est recueilli dans un vase d'or. Le bourreau qui a procédé à l'exécution est décapité à son tour et sa tête rapportée dans un linge. Il est dit aux élus que : « la vie de tous ces êtres est entre leurs mains et qu'ils doivent garder une fidélité plus forte que la mort ». La nuit, les six cercueils sont emportés par des navires. Les élus assistent aux funérailles symboliques des souverains et sont invités à chercher le médicament qui rendra la vie aux rois et aux reines décapités. Le roi et la reine ressuscitent. Ils travailleront avec les élus au triomphe de Dieu. Le roi nomme ceux-ci « chevaliers de la Pierre d'Or », avec le pouvoir d'agir sur l'ignorance, la pauvreté et la maladie. Quant à Rosenkreutz, il aura encore d'autres épreuves à surmonter avant d'arriver au terme. Il lui a été dit : « Tu as reçu plus que les autres ; efforce-toi donc de donner davantage également ». La signature de chacun est demandée. Notre héros écrit : Summa scientia nihilscire : ou (La plus haute Science est de ne rien savoir) Frère Christian Rosenkreutz Chevalier de la Pierre d'Or. Année 1459. Dès la parution de la Fama une multitude d'ouvrages furent publiés pour ou contre la R+C, affirmant ou niant la réalité du mouvement, lui prêtant des intentions plus ou moins honorables, lui attribuant des origines plus ou moins fantaisistes ce qui eut pour effet de brouiller l'image de la Fraternité en rendant l'étude difficile et ouvrant la porte à toutes les interprétations et affirmations non vérifiables qui constituèrent les références sur lesquelles s'appuyèrent les multiples Sociétés qui se prétendirent dépositaires de la tradition R+C. Michel Maier (1568-1622) alchimiste reconnu, attaché à l'empereur Rodolphe II, commentateur des écrits hermétiques et Robert Fludd (1574-1637), qui écrivit un Traité apologétique défendant l'intégrité de la Société de Rose Croix pour répondre à un de leurs violents adversaires Libavius peuvent être considérés comme des défenseurs efficaces de la doctrine R+C. Tous deux comme d'ailleurs J. Valentin Andraea affirmèrent ne pas être membre de la fraternité. Certains historiens assurent que les principaux penseurs du 17ème siècle furent des adeptes de la Fraternité : Descartes qui dut démentir la rumeur qui en courrait en France dès 1623, Leibniz, Francis Bacon qui, par les mêmes qui en font un adepte R+C, se voit attribuer la paternité des oeuvres de Shakespeare, Comenius, Spinoza etc... En 1652 Thomas Vaughan plus connu sous le pseudonyme d'Eugène Philalète (à ne pas confondre avec son disciple Starkey dit Irénée Philalèthes) traduisit en anglais la Fama et la Confessio. Il fit précéder sa traduction d'une préface dans laquelle il affirme « l'existence et la réalité de cette chimère admirée, la Fraternité des R+C »et surtout « La sagesse et la Lumière sont venues de l'Orient et c'est à cette source vivante que les Frères de la Rose Croix ont puisé leurs eaux salutaires » et relança ainsi le rosicruscianisme qui depuis Fludd avait été fortement discrédité. Et nous arrivons à un épisode de l'histoire des R+C où apparaît un personnage que l'on retrouve dans celle de la F\ M\ : Elias Ashmole, antiquaire anglais qui publia un recueil de textes alchimiques vers 1650 (Theatrum Chimicum britannicum) dans la préface duquel il prend la défense des R+C. Une note de sa main fait état de son initiation dans une loge maçonnique en 1646 qui n'était sans doute pas encore strictement spéculative. Le rapprochement de ces deux éléments conduisit certains à affirmer la continuité entre les R+C et la F\ M\ d'autant plus qu'un texte de Robert Fludd peut être interprété comme l'affirmation d'une transformation de la société R+C en nouvelle société secrète : la F\ + M\. Les R+C tombèrent plus ou moins dans l'oubli jusqu'au début du 18ème siècle où le nom Rose-Croix fut utilisé par nombre d'écrivains alchimistes ou ésotériques avec un sens dévoyé par rapport à celui que l'on peut déduire des 3 manifestes fondamentaux. Notons par exemple le pasteur silésien Samuel Richter, dont le pseudonyme est Sincerus Renatus, qui publia à Breslau, en 1710, en allemand : La vraie et parfaite Préparation de la Pierre philosophale de la Fraternité de l'Ordre de la Croix d'Or et de la Rose-Croix, dont l'appendice renferme un code en 52 articles. Ici, aucune considération spirituelle ; des dispositions réglementaires, un rituel, des signes de reconnaissance. L'Ordre comporte des Frères de la Croix d'Or et des Frères de la Croix de Rose. à sa tête un Imperator élu à l'ancienneté et à vie ; tous les dix ans il change en grand secret son nom, sa résidence et son pseudonyme. L'Ordre, qui comptait 21 membres, se compose de 23 frères au moins, de 63 au plus. Les frères sont admis après trois mois d'apprentissage et s'ils ont fait beaucoup d'opérations. Ils sont tenus de prêter serment. Ils doivent à leur maître l'obéissance jusqu'à la mort. Les travaux de l'Ordre ne sont que d'alchimie et de magie, avec des secrets particuliers pour les frères. Les frères se sont installés aux Indes, « afin de pouvoir y vivre tranquilles ». Il y eut à la même époque une tendance forte pour effacer ou au moins réduire le rôle des trois textes fondamentaux et du personnage mythique de Christian Rosenkreutz en attribuant la paternité de la Fraternité à un certain Friedrich Rose. En 1747, un certain Hermann Fictuld affirme que l'Ordre de la Rose-Croix d'Or existe toujours et lui donne comme emblème la Toison d'Or, symbole du Grand Oeuvre, et en décrit un rituel avec rubans multicolores, croix, parchemins et signes. A partir du milieu du XIXème siècle, à l'occasion du regain d'intérêt pour l'ésotérisme et l'occultisme (citons en particulier l'influence des ouvrages largement diffusés de Eliphas Levi pseudonyme de Alphonse Louis Constant d'abord socialiste, ami de Flora Tristan, avant d'être ésotériste), on vit fleurir une multitude d'Ordres, de Fraternités, de Sociétés qui s'intitulent Rose-Croix revendiquant des origines plus ou moins anciennes et qui souvent d'ailleurs s'excommunient les unes les autres. On peut d'ailleurs y associer un certain nombre de ces mouvements que Oswald Wirth qualifie de « maçonnerie de fantaisie » Citons par exemple (je reprends ici une liste publiée en 1922 par Sedir) : En Allemagne, Les Frères de la Rose-Croix d'Or, ont fondés au milieu du XVIIIe siècle par J. G. Schroepfer, de Leipzig ; l'Ordre de la Rose-Croix ésotérique du docteur Franz Hartmann, qui fusionna avec l'Ordre des Templiers Orientaux. En Angleterre, La Societas Rosicruciana in Anglia - S.R.I.A. - fondée en 1860 par Robert Wentworth. Lord Bulwer Lytton fut Grand Patron de l'Ordre et Eliphas Lévi en fut membre pendant quelque temps ; la Société Théosophique, créée en 1875 par Mme Hélène Blavatsky, dirigée après la mort de la fondatrice (1891) par Mme Annie Besant. Un théosophe dissident, Rudolf Steiner, promoteur de l'Anthroposophie, fit construire à Dornach (Suisse) un « temple rosicrucien », le « Goetheanum ». Les Fratres Lucis, fondés par lord Bulwer Lytton, d'où sortit l'Ordo Roris et Lucis ; l'Hermetic Order of the Golden Dawn, fondé en 1887 par S. L. Mathers, lequel comprenait cinq grades dont les quatre supérieurs formaient l'Ordre de la Rose Rouge et de la Croix d'Or ; vers 1900 Aleister Crowley se sépara de la Golden Dawn et fonda l’Astrum Argentinum où l'on pratique l'auto-initiation. En Amérique, La Fraternitas Hermetica, fut organisée par des Allemands à Chicago en 1875 ; la Fraternité de Luxor, fut implantée venant d'Allemagne et de Hollande aux états-Unis ; of l'Hermetic Brotherhood Light, fondée en Illinois, dont certaines théories furent publiées au XIXe siècle dans un livre intitulé Ghostland (Au pays des esprits). La Societas Rosicruciana in Anglia S.R.I.A. installa une antenne au Canada, puis en Pennsylvanie. Vers 1880 elle fut réorganisée et prit le nom de Societas Rosicruciana in United States S.I.R.I.U.S. - Un de ses membres éminents fut Clark Gould, décédé en 1909. La S.I.R.I.U.S. de nouveau remaniée devint la S.R.I.A. (Societas Rosicruciana in America), Ses statuts la désignent comme a) une église, b) une académie, c) une fraternité. Vers 1915 fut fondé aux Etats Unis l'Ancien et Mystique Ordre Rose Croix (AMORC) par Henry Spencer Lewis qui aurait été initié à Toulouse par le Suprême Conseil de l'Ordre et chargé de sa résurgence en Amérique. En 1990 eut lieu un « procès » entre l’AMORC et Gary Stewart Imperator désigné par son prédécesseur le fils du fondateur, ce qui aboutit à la nomination d'un Imperator européen (français en l'occurrence) et à la création de la Confraternité de la Rose Croix. Vers 1909 Max Heindel fonda la Rosicrucian Fellowship, « école de philosophie et de guérison » où l'on enseigne aussi l'astrologie. Le premier siège-directeur de la Société fut Seattle. Plus tard Max Heindel construisit un temple à Oceanside, au sud de Los Angeles. Parmi ses nombreux ouvrages on compte une « Cosmogonie des Rose-Croix ». En Hollande fonctionne le Lectorium Rosicrucianum, organe d'édition de La Septuple Fraternité Mondiale de la Rose-Croix d'Or, dirigée par J\ van Rijckenborgh qui publia en 1939 une « Analyse ésotérique de la Fama fraternitatis » extrêmement intéressante. Toutes les variétés d'occultisme, d'alchimie, d'astrologie, de magie, la culture de la volonté, la recherche de pouvoirs, l'étude des forces inconnues de la nature sont un aperçu des programmes de ces Sociétés. En France, Stanislas de Guaïta fonda en 1889 une association placée sous le vocable de la Rose-Croix, l'Ordre Kabbalistique de la Rose-Croix, où l'on enseignait l'occultisme et où fut délivré un doctorat en kabbale. Après sa mort, le sâr Joséphin Péladan, membre du suprême Conseil de l'Ordre, s'en sépara après avoir fondé un Ordre de la Rose-Croix du Temple et du Graal ou de la Rose-Croix Catholique. On y professait un catholicisme ésotérique. Péladan disait : « La magie, c'est l'art de la sublimation de l'homme »- autrement dit, un individualisme orienté vers le divin. Cet exposé historique dont je suis conscient des lacunes et des imprécisions permet-il de répondre aux questions que je posais au début de cette planche ? Evidemment non mais il donne quelques éléments permettant d'en esquisser quelques-unes unes. Les textes fondateurs insistent sur l'adaptabilité aux différents peuples tant des coutumes que des vêtements dont les R+C doivent faire preuve et ils ont d'ailleurs le privilège de pouvoir s'exprimer dans n'importe quelle langue. Cela traduit le fait qu'une connaissance universelle, ne puisse se transmettre qu'à travers une expression qui, elle, n'est pas identique pour tous les hommes. La vérité étant partout la même, indépendante de la forme, elle n'est pas altérée pour l'initié qui sait dépasser la diversité des formes extérieures qu'elle peut revêtir. Dans une démarche inverse, il sait réaliser toutes les adaptations nécessaires. Ceux qui se sont libérés de la contrainte de la forme, peuvent alors revêtir des individualités diverses qui n'ont guère plus d'importance que de simples vêtements. Une organisation quel quelle soit constituant une forme dans laquelle on s'enferme, les R+C ne peuvent donc pas constituer d'association comme on l'entend au sens profane, avec ces règles ; par contre, ils peuvent organiser ou inspirer des sociétés pour la réalisation d'un but ou d'un objectif définis tout en conservant leur indépendance totale vis à vis de ces organisations. En ce sens on peut considérer que les R+C sont les éléments d'une collectivité d'hommes parvenus à un degré supérieur d'initiation, capables de se reconnaître entre eux sans signes extérieurs d'appartenance à un groupe quelconque ce qui les rend invisibles aux yeux des profanes. (Voir R\ Guenon) Les Roses Croix jouèrent-ils un rôle essentiel dans la naissance de la FM\ spéculative ? Là encore rien ne permet de l'affirmer ou de l'infirmer et de nombreux auteurs s'opposent à ce sujet, élaborant des hypothèses plus ou moins subtiles, mais il est clair que nombre de points communs existent : dans les buts et dans une certaine mesure dans l'usage de la symbolique. Mais si les symboles maçonniques sont incontestablement issus de la tradition des bâtisseurs, ceux rencontrés dans les écrits rosicruciens ont une origine alchimique beaucoup plus marquées. Néanmoins il est difficile de considérer comme simple coïncidence le fait que les premières Loges Maçonniques spéculatives apparaissent en Angleterre à partir du milieu du 17ème siècle après que le mouvement R+C se fut répandu dans ce pays : rappelons que la première traduction en langue anglaise de la Fama a été réalisée vers 1650 par Thomas Vaughan, qu'Elias Ashmole fait état de son affiliation à une loge maçonnique en 1646 et que les constitutions d'Anderson datent de 1723. (Il serait intéressant de relire les constitutions à la lumière des écrits R+C et l'on notera que Andreae était tout comme Anderson et Desaguliers de confession protestante). Peut être peut-on envisager que les R+C, soit ont inspiré les orientations vers des travaux spéculatifs de loges opératives existantes dans le but de l'accomplissement de leur oeuvre, soit les individus qui se reconnaissaient dans la doctrine et la philosophie du mouvement R+C se sont-ils rapprochés des loges maçonniques déjà spéculatives les reconnaissant comme propice à la poursuite de leur démarche. (Voir 18ème degré etc...) Je termine ici cette planche à peine rabotée et je vais me remettre au travail. J'ai dit V\ M\ J\F\ C\ |
7170-2 | L'EDIFICE - contact@ledifice.net | \ |