Obédience : NC Loge : NC Date : NC


La Joie !

Oh ! Combien résonne en nous avec félicité cette émotion. Elle nous emmène en tout premier lieu au bonheur. D’ailleurs, lorsque nous ouvrons un dictionnaire à la page adéquate, la définition de joie nous ramène invariablement au bonheur, à la gaieté, aux plaisirs et nous éloigne de la tristesse, de la déception, de la désespérance.

Nous pourrions raisonnablement en déduire que tout ce qui touche au bien-être de l’homme se résume à la joie ou à la tristesse. Depuis notre naissance, nous sommes soumis à ces émotions temporelles, chacune l’emportant tour à tour sur l’autre, au gré de notre destinée. Du nouveau-né radieux dans les bras de sa maman à la réussite scolaire de l’enfant ou, plus tard, dans la vie familiale et professionnelle de l’adulte, la joie est présente. Quelquefois, face aux aléas de la vie, lorsque nous souffrons dans notre chair, dans notre cœur, que tristesse ou désespoir nous ont engloutis, et que la guérison survient, ou que les différents problèmes importants se résolvent, la joie nous envahit à nouveau, en devenant parfois bouleversante. Malheureusement, tous les êtres humains ne sont pas nés sur un même pied d’égalité. Certains ne connaîtront qu’une joie éphémère, d’autres, ne survivrons que dans la grisaille de journées sans lendemain.

Mais au-delà de ces pensées métaphysiques la joie n’est-elle pas une perception émotionnelle forte, un sentiment de satisfaction spirituelle, plus ou moins durable, qui emplit la totalité de notre conscience ? Assurément, elle se rapproche de tout ce qui forme le bonheur. Toutefois, la joie se distingue des satisfactions liées aux plaisirs du corps, qui elles, n’affectent qu’une partie de la conscience.

Dans Phèdre de Platon, le philosophe rapproche la joie du terme Mania qui, lui, exprime une forme de délire ou de folie. Nonobstant, cette forme de joie désigne la présence du divin dans ce qu’elle a de transformateur et de dynamisant pour l’homme. Elle se rapproche de l’enthousiasme qui affecte celui qui contemple le bien et le beau. Elle va, nous le voyons bien, au-delà du simple sentiment.

Ne contemplons-nous pas, nous aussi maçons, ce bien et ce beau qui avec le vrai forment notre idéal ?

Dans la philosophie moderne, le grand penseur de la joie : le hollandais Baruch Spinoza, nous expose dans son traité de métaphysique : l’Ethique ; que la joie, la tristesse et le désir sont les trois affects fondamentaux de l’être humain. Tous les autres sentiments : amour, haine, espérance, crainte…peuvent se caractériser comme des formes particulières de la joie ou de la tristesse.

Spinoza définit la joie comme le passage de l’homme d’une moindre à une plus grande perfection, c’est-à-dire d’une augmentation de force et de réalisation de soi de l’être humain.

Ne voit-on pas aussi dans la joie, le signe d’un accomplissement, d’une réussite, d’un achèvement ? Toute grande joie ne serait-elle pas la conséquence d’une création ? Réussite matérielle, certes, mais aussi et surtout création humaine avec la naissance d’un nouveau- né…
Robert Misrahi, ancien Maître de conférences à la Sorbonne, quant à lui, associe la joie à la liberté que possède tout homme d’agir, d’aimer et de fonder son propre bonheur.

Spinoza, toujours lui, indique que la joie est intrinsèquement opposée aux passions qui nous rendent esclaves. Tiens, ce terme ne nous apostrophe-t-il pas ? Mais oui bien sûr ! Nous maçons, ne répondons-nous pas à la question que venez-vous faire en maçonnerie, par ? « Vaincre mes passions…et soumettre ma volonté… »

La joie suprême ne réside-t-elle pas aussi, dit toujours Spinoza, dans l’action éclairée par la connaissance ? Plus nous connaissons, plus nous comprenons, plus la joie croit en nous et plus nous devenons meilleurs et humainement plus forts.

La joie peut aussi être altruiste, comme la présente certaines philosophies indoues. Dans le Bouddhisme, le terme Mudita signifie joie bienveillante. L’être se réjouit du bonheur et des succès des autres. C’est une joie sacrée qui trouve son contentement dans le bien-être de son prochain plutôt que de nourrir des pensées envieuses et jalouses à son égard.

Dans les diverses formes philosophiques que nous venons de survoler rapidement, la joie ne nous ramène-t-elle pas quelque peu, vers la symbolique maçonnique ?

Tout d’abord, le travail personnel qui nous amène à nous élever et à rechercher la perfection, d’où cette satisfaction spirituelle que nous pouvons interpréter comme une joie intérieure. La joie qui succède à l’anxiété chez le nouvel apprenti après sa cérémonie d’initiation. Et notre bonheur n’est-il pas immense de retrouver enfin sur nos colonnes, un F\ : éloigné du temple par soucis de santé, ou à cause des tracas de la vie de tous les jours ?

Puis, la contemplation et la recherche du bien et du beau dans lesquelles la joie devient catalyseur pour le maçon en le transformant pour mieux s’élever spirituellement et humainement. « Par ton travail : de pierre brute tu deviendras pierre cubique qui trouvera sa place dans le temple spirituel que nous élevons à la gloire du Grand Architecte de l’Univers… » Et après ce travail en vue d’une élévation de salaire, lorsque, figé par l’émotion entre les colonnes, nous attendons le « verdict » de nos F\ : et que celui-ci est favorable, accompagné d’analyses bienveillantes, quel soulagement ! Soulagement qui s’accompagne d’une grande joie intérieure.

Enfin, la joie devient humanisme avec les notions de valeurs vertueuses qui récusent la jalousie, la haine, l’obscurantisme et qui prônent au contraire : la tolérance, la liberté, la fraternité, l’amour de son prochain. D’ailleurs, dans le rituel d’instruction du 1er degré, deux questions nous interpellent : « Qu’apportez-vous en loge ? Bienveillance à tous mes F\ : ! » Et à cette autre : « Qu’est-ce qu’un Franc-maçon, nous répondons : c’est un homme né libre et de bonnes mœurs, également ami du riche et du pauvre, s’ils sont vertueux ! »

L’espérance, n’est-elle pas aussi une forme de joie ? Lorsque un F\ : vient de nous quitter pour passer à l’Orient Eternel, et que nous tirons une batterie de deuil, celle-ci est suivie de l’acclamation : « Gémissons, gémissons, gémissons…mais espérons ! »

Dans ce moment de détresse, ne souhaitons nous pas pour notre F\ : un nouveau bonheur dans l’au-delà ? En même temps que nous espérons qu’un nouveau maillon vienne refermer notre chaîne d’union pour le bien de la maçonnerie et la continuité de nos travaux dans la joie ?

La joie de nous retrouver en tenues, comme ce soir, de travailler à l’élévation de notre temple intérieur, n’est-elle pas aussi symbolique de la maçonnerie spéculative qui est la nôtre ? En d’autres temps, en d’autres lieux, nos prédécesseurs, ces maçons opératifs, bâtisseurs de cathédrales qui élevèrent ces magnifiques édifices à la Gloire du Divin, ne connurent-ils pas eux aussi, la joie du travail dignement accompli ?

Revenons un instant à notre rituel. Qu’entendons-nous lors de la fermeture de nos travaux au REAA ?

Nous entendons notre F\ : second surveillant clamer, lors de l’extinction de la colonne beauté :

« Que la Joie soit dans les cœurs » !

Au moment où chacun de nous, mes TCF, va rejoindre les ténèbres, cet univers tumultueux que nous appelons le monde profane, cette invocation à la joie n’est-elle pas aussi un encouragement à continuer et à embellir au dehors, l’œuvre commencée dans ce temple ?

« Que la joie soit dans les cœurs ! »


7229-2 L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \