Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
Trois petits pas…vers la Marche du Maître En Franc-maçonnerie, tout est explicable symboliquement : un « meuble », une « parole », une « action ». Tout est explicable et justiciable symboliquement, le fait en lui-même et son contraire. C’est ce qui a valu à la franc-maçonnerie française en particulier sa faculté d’adapter, de transformer (pour ne pas dire « tripatouiller ») ses rituels au gré du temps, de la mode et de la fantaisie de ceux qui « croient savoir » mieux que les autres. Les rituels du Rite Écossais (1) en sont un bel exemple avec les adjonctions successives d’éléments plus ou moins bien incorporés, en deux siècles d’existence, aux rituels initiaux. Le fait n’est pas nouveau, les divulgations « anglaises » décrivaient déjà cette particularité (2). La liste de ces diverses innovations aujourd’hui traditionnelles serait longue à énumérer, signalons toutefois dans les retraits la suppression des diacres et celle de la transmission des mots et dans les ajouts les quatre éléments lors de l’initiation et la chaîne d’union à la fermeture des travaux. De nombreux éléments traditionnels perdurent toutefois, et c’est heureux, mais même ceux-ci ont été parfois sujets à de nombreuses variations. La façon de procéder pour effectuer les pas du maître en est un bon exemple. Voyons ce que nous apprennent les anciens rituels. En 1730, la première divulgation révélant le grade de Maître, « Masonry Dissected » fut publiée par un dénommé Prichard. Relatant les secrets des « Modernes » sous forme d’instruction, elle ne contient aucune relation gestuelle et si elle décrit bien les cinq points parfaits par lesquels le maître Hiram fut relevé, elle reste muette au sujet des pas du grade. Aucune autre divulgation « anglaise » ne divulguant les secrets de la marche du maître, ce n’est qu’en 1744 que Léonard Gabanon dans sa divulgation « Catéchisme des Francs-maçons » décrit la marche de maître effectuée par le candidat sur ordre du Très Respectable : Alors, le premier surveillant lui fait faire la double Equerre, qui est de mettre les deux talons l’un contre l’autre : et les deux pointes du pied en dehors au bas de l’Equerre, qui est tracée sur la Loge de Maître. Ensuite, il lui montre la marche de Maître, qui est de faire le chemin qu’il y a de l’Equerre au Compas : en trois grands pas égaux faits un peu en triangle ; c’est à dire qu’en partant de l’Equerre, il porte le pied droit en avant un peu vers le Midi, le gauche en tirant un peu du côté du Septentrion, et pour le dernier pas, il porte le pied droit à la pointe du Compas, qui est du côté du Midi, fait suivre le gauche, et assemble les deux talons de façon que cela forme avec le Compas encore une double Equerre. Notons que, dans cette pratique, les deux pieds ne se posent pas ensemble à chaque pas, et qu’ils ne sont rassemblés qu’au départ et à l’arrivée de la marche, ce que décrit fort bien la gravure jointe. En 1745, Gabriel-Louis Pérau reprend, au mot près, dans sa divulgation « L’Ordre des Francs-maçons Trahi et le Secret des Mopse révélé » la même description de la marche. Il y ajoute toutefois une gravure la représentant (tableau ci-contre). En 1748, L’Anti-Maçon reprend la même façon d’opérer et présente un tableau présentant les marches de chaque grade avec, pour mieux faire comprendre la particularité de la marche du maître un dessin représentant les pieds totalement remplis de noir lorsqu’ils sont posés à terre et le talon blanchi lorsqu’ils ne le sont pas. Seule fausse note dans ce décor idylique ou tous les auteurs semblent décrire la même pratique, l’abbé Larudan dans son ouvrage « Le Maçon Démasqué » publié en 1751, indique une marche différente où les deux pieds sont posés l’un à coté de l’autre lors de l’enjambement du cercueil (voir gravure ci-contre). Ainsi, la gestuelle des trois pas découlant des pratiques de la maçonnerie andersonnienne, est décrite en détail dans les divulgations…françaises. Pourtant, en 1751 apparaît, en Angleterre, une nouvelle pratique, celle des « Anciens ». Le propos n’est pas d’en retracer la genèse, mais puisque son principal animateur, Lawrence Dermot, se moquait acerbement de ceux qu’il surnommait les « Modernes », y compris pour le sujet qui nous intéresse, nous pourrions croire à une différence d’usages. Ne dit-il pas : Après plusieurs années d'observation, une manière de marcher, vraiment ridicule, fut adoptée (par les Moderns). Je crois que la première fut inventée par un homme gravement atteint de sciatique, la deuxième par un marin accoutumé au roulis d'un navire et la troisième par un ivrogne qui, pour son plaisir ou par excès de boissons fortes, aimait à danser comme un paysan ivre (3). Ce n’est pas le cas, du moins pour la marche du maître, car en 1760, la révélation des usages des « Anciens » par « The Three distinct Knocks », toujours sous forme d’instruction, du moins pour la partie du Maître (car celle de l’apprenti comprend les dialogues de la cérémonie d’ouverture de la Loge), fournit la même pratique de la marche du maître : D. Quelles instructions avez-vous
reçues du premier surveillant ? Deuxièmement, il m’a appris à faire deux pas sur le même carré long, et à montrer le signe de compagnon. Troisièmement, il m’a appris à faire trois pas sur le même carré long. [Ensuite, j’avais] les deux genoux ployés, le corps droit, la main droite sur la Bible, les deux pointes du compas ouvert posées sur mon sein droit et sur mon sein gauche. Quoi qu’il en soit, il est clair que la marche de maître consiste, dans les écrits tout au moins, à faire trois pas. Dans les écrits, car dans la pratique, le fait de ne pas poser le pied entre le premier et le dernier pas ramène de facto le nombre de pas à deux. En effet, si la définition du pas au sens donné par le dictionnaire (4) est « l’action qui consiste à faire passer l’appui du corps d’un pied à l’autre, dans la marche », la définition maçonnique, non clairement stipulée, mais corroborée par toutes les gravures du XVIIIème siècle qui l’indique, est celle consistant en la double action d’avancer un pied puis de le faire rejoindre par le second. Puisque c’est ainsi que se font et que sont représentés les trois pas de l’apprenti et les deux pas du compagnon, pourquoi n’en serait-il pas de même des pas du maître ? Sur le Continent, en 1763, le rituel de Maître dit du Marquis de Gages relate encore la marche (sans précision aucune) avant le récit de la mort d’Hiram. Le 1er Survt\ le fait parvenir à l'autel le faisant passer sur le tombeau en partant de l'Occident du pied droit pour aller au Midi. Lors, on applique un grand coup de rouleau de carton ou papier sur l'épaule gauche du récipiendaire puis on le fait partir du pied gauche du Midi pour aller à l'Orient par le Nord ; il reçoit un pareil coup sur l'épaule droite puis il part du Nord pour aller à l'Orient, il reçoit un pareil coup sur la tête à l'Orient. Il tombe à genoux, la main sur la Bible et prête son obligation en ces termes… Les premiers rituels français, suivant la pratique universelle des maçons de l’époque, décrivent toujours la marche du maître en trois pas. Seules varient les modalités d’exécution. Le rituel de Maître inséré dans les « Secrets et mystères de Plusieurs Grades De La Franche Maçonnerie, Réception de Dames Et Chantier de Cousins fendeurs » (5), et décrit une nouvelle variation de la marche : Le 1er Survt qui lui montre la marche le fait partir du pied droit, de l’occident au midi en rapportant le pied gauche en l’air formant le 4 de chiffre puis Le fait repasser du pied gauche que midi au septentrion rapporte la Jambe droite de même que La gauche repare du pied droit du septentrion a l’orient pose ce pied En face de L’équerre qui est placé par terre raporte la jambe gauche et la joint a la droite et forme la double équerre avec celle qui est atere. Notons que jusqu’à présent, hormis dans le rituel du Marquis de Gages, la marche se situe toujours sur le sol de la Loge et qu’il n’est nullement question de franchissement du cercueil ou d’un quelconque cadavre. Il semble qu’il faille attendre le premier rituel officiel pour que cette disposition soit adoptée. En effet, en 1770, la Très Respectable Grande Loge de France diffuse à l’usage des francs-maçons uniquement (à l’instar de ce qui se pratique de nos jours) un « Corps complet de Maçonnerie adopté par la R. G. L. de France » (6). Après les trois voyages au cours duquel le candidat à la maîtrise reçoit par trois fois et par trois frères un coup de rouleau sur l’épaule, et avant que ne lui soit lue l’histoire d’Hiram. Le Très Respectable dit au premier Surveillant de le faire avancer au pied du Trône par trois pas de Maître, en traversant le cercueil, et en lui recommandant de ne pas fouler le cadavre, et de respecter les Frères même après leur mort. En 1784, le rituel de Maître dit du Duc de Chartres7 décrit à nouveau le passage sur le « tombeau ». Après que le candidat a fait trois fois le tour de la Loge. On le ramène entre les deux Survts, on le retourne, on le fait passer sur le tombeau et on l’amène au pied du trône où le T\ R\ commence le discours suivant sur l’histoire d’Hiram Abif\. À la fin du récit, le Récipiendaire est étendu sur le tombeau d’Hiram. Le rituel ne donne aucune indication sur la gestuelle, mais le texte laisse supposer au moins une prémisse de la dramatisation actuelle puisque après que le Très respectable ait annoncé la mort d’Hiram suite à la troisième agression, le rituel ajoute : Ici, on étend le Récipiendaire sur le tombeau d’Hiram, on le couvre d’un drap noir, on lui met sur la tête un linge blanc ensanglanté qui était sur la tête du dernier M\. Il faut attendre 17868 et la fixation de ses rituels par le Grand Orient de France pour que la description de la marche par-dessus le cadavre soit véritablement décrite. Celle-ci se fait alors au cours de la lecture de l’histoire d’Hiram. Le Très Respectable conte la première agression à l’encontre d’Hiram. Dans ce moment, le F\ Expert fait faire au Candidat un des trois pas mystérieux. Il consiste à passer le pied droit par-dessus la représentation, diagonalement de l'Occident, où il est placé, au Midi, tenant la jambe gauche en équerre à la hauteur du gras de la jambe et restant quelques instants sur la jambe droite. Le F\ Expert soutient le Candidat en cette posture en lui donnant la main. Il reçoit alors un premier coup de rouleau porté sur l’épaule droite par un frère de la colonne du midi, puis le Très respectable relate la fuite d’Hiram vers la porte du midi et la deuxième agression. On fait faire en ce moment au Récipiendaire le second pas mystérieux ; il passe la jambe gauche par dessus la représentation (9), diagonalement du Midi au Nord, et tenant la jambe droite en équerre contre le mollet de la gauche. Il reçoit alors un deuxième coup de rouleau porté sur la nuque par un frère de la colonne du nord. On lui fait faire le troisième pas, en portant la jambe droite au bas de la représentation, où il vient joindre les deux pieds en équerre. Le Très Respectable conte alors la troisième agression et lui porte un coup de maillet sur le front. Le candidat est alors renversé sur un matelas très étroit (10). En 1801, le « Régulateur du Maçon » reprend mot pour mot le rituel de 1786. Dès lors, on pourrait croire que l’affaire est jouée et que la marche de Maître consiste en trois pas. Si c’est effectivement le cas pour le Rite Français, il n’en est pas de même pour le Rite Écossais qui va nous réserver quelque surprise en ce domaine. En effet, dès 1805, le Rituel du Rite Écossais du Grand Orient de France 11 ne décrit plus les trois pas habituels, mais un seul. Faites avancer le candidat à l’autel des serments en marchant sur le 1er degré de l’angle droit d’un carré-long, en formant une équerre sur le 2e carré par deux pas et sur le 3e par un seul. Il faut toutefois noter que la suite du texte contredit ce passage puisqu’il est dit :On lui fait faire les pas et signes d’App\ et de Comp\ et enfin ceux de Maît\. De fait, l’on pourrait croire à quelque maladresse ou quelque étourderie, mais ce n’est pas le cas puisque dans l’instruction, à la question : Quelles sont les instructions que vous avez reçu ? Le maître répond : Quand je fus à l’ouest, on m’enseigna : 1e à rendre au T\ R\ le signe d’App\ et à marcher sur le premier degré de l’angle droit d’un carré long, mon autre pié formant l’équerre. 2e à faire deux pas sur le même carré-long ; mon autre pied formant l’équerre en faisant le signe de Comp\. 3e à faire trois pas sur le même carré-long, les deux genoux pliés et nuds, mon corps droit, ma main droite sur la Bible, les deux pointes du compas étendues sur mes seins gauche et droit où je prêtai l’obligation solennelle de Maît\. Le manuscrit Pyron (12) de 1811-1812 reproduit à peu près la même confusion : Faites avancer le Cand\ à l’autel des sermens en marchant sur le 1er degré de l’angle droit d’un carré long, en formant une équerre sur le 2e carré par 2 pas et sur le 3e par un seul. On lui fait [faire] les pas et signes d’App\ les pas et signes de Comp\ enfin celui de Maît\. Ce qui est contredit dans l’instruction du grade où il est spécifié que le maître doit, après avoir effectué, sur le carré-long, ses pas et signes d’apprenti et de Compagnon faire 3 pas sur le même carré long… Il faut attendre la parution du « Guide des Maçons Écossais » (13), premier rituel imprimé du Rite Écossais, pour arriver enfin à avoir une concordance totale dans le nombre du pas de maître. Un et un seul ! Après avoir fait un tour de Loge et reconduit à l’occident, le candidat entend le Très Respectable dire au Premier Surveillant (page 76) : Vén\frère premier surveillant, faites avancer le candidat à l’autel des sermens, en marchant sur le premier degré de l’angle droit d’un carré long, en formant une équerre sur le deuxième degré par deux pas, et sur le troisième par un seul. On lui fait faire les pas et le signe d’apprenti, les pas de compagnon, enfin celui de maître. Cette particularité est d’ailleurs reprise dans l’instruction (page 89) où à la question : Quelles sont les instructions que vous avez reçues ? Le Maître répond : Quand je fus à l’Ouest, il [le 1er Surveillant] m’enseigna à monter à l’est en maître en faisant le signe d’app\, et à marcher sur l’angle droit d’un carré-long ; à faire deux autres pas sur le deuxième degré du même carré, mes pieds formant l’équerre, et en faisant le signe de comp\ ; enfin le pas de maître sur le même carré-long... Le rituel de maître de la Loge « La Fidélité »14, dans les années 1820, est également constant sur l’unique pas du maître. Aussi bien dans la cérémonie d’élévation : Très Vénérable Frère 1e Surveillant, faites avancer ce candidat à l'autel des serments en marchant sur le premier degré de l'angle droit du carré long en formant une équerre sur le deuxième degré par deux pas et sur le troisième par un seul. On lui fait faire les pas et le signe d'apprenti, les pas et les signes de compagnon, enfin le signe de Maître, on le fait mettre à deux genoux la main droite sur la bible, les deux pointes du compas sur chaque sein, puis il prête son obligation. que dans les instructions :Quelles sont ces instructions ? 1 Il m'enseigna à monter en maître à l'est faisant le signe d'apprenti et en marchant sur le premier degré de l'angle droit d'un carré long, 2 à faire deux autres pas sur le deuxième degré du même carré long, mes pieds formant l'équerre et en faisant le signe de compagnon. 3 enfin le pas de Maître sur le même carré long. Arrivé à l'autel, on me fit prêter à genoux la main droite sur la bible, les deux pointes du compas sur chaque sein, et dans cette attitude je prêtais l'obligation solennelle des Maîtres. Cette particularité, originale dans l’histoire de la rituellie écossaise, a été rapidement oubliée. Pourtant, elle ne peut être considérée comme une simple « expérience » puisque nous la voyons exister à travers les rituels pendant une bonne vingtaine d’année et ce, au tout début de l’histoire du Rite Écossais. Elle n’est pas due non plus à une mauvaise interprétation du texte suite à une mauvaise tournure de phrase. Le terme « un seul » indique bien la différenciation volontaire et, qui plus est, un rituel daté expressément de 1824 en fait mention, dans les mêmes termes avec, cerise sur le gâteau, une représentation graphique15 de la dite marche. (Voir ci-contre) D’où vient donc cette particularité ? Est-elle d’origine française ? Anglaise ou, pourquoi pas Américaine ? Pourquoi n’a-t-elle pas perduré alors qu’elle était tout à fait réalisable physiquement, la marche ainsi décrite se faisant non pas sur un corps ou un cercueil mais sur le sol nu de la Loge et en avant de la représentation du corps ou du cercueil d’Hiram ? Mystère. Marche selon le rituel de 1824 Toutefois quelques éléments concernant l’origine de cette pratique peuvent être déduits de la lecture des premières divulgations anglaises ainsi que de la pratique de rituels anglais ou américains, hormis ceux de type « Émulation », codifiés en 1813 et pour lesquels la marche de maître consiste en sept pas. (16) « A Mason’s Examination » (le tuilage d’un maçon), une divulgation de 1723 qui a la particularité d’évoquer un troisième grade dont le mot sacré serait « Maughbin » (17) décrit une marche lors de la rencontre entre deux frères. À l’occasion d’une rencontre avec un frère, on doit faire le premier pas du pied droit, le second du pied gauche et, au troisième, on doit avancer le talon droit vers l’intérieur du pied droit du frère. Bien que ce texte ne soit guère fiable en raison de ses diverses approximations et de ses nombreuses erreurs faisant penser que son auteur n’était pas lui-même un franc-maçon, il nous donne déjà une première indication. La seconde divulgation, « A Mason’s Confession » (la confession d’un maçon) date de 1727. Elle décrit la marche en trois pas, chaque pas franchissant une ligne tracée à la craie sur le sol. La marche rapportée est effectuée par un apprenti, mais les signes évoqués au cours de la marche montrent que celle-ci était la même pour les compagnons. Il s’agit en fait des « trois pas réguliers en franc-maçonnerie ». Il [l’apprenti] passe alors au-dessus de la première ligne avec un pied, et il met son autre pied à l’équerre. Il pose sa main droite près de l’épaule gauche en disant : « Bonjour, messieurs ». Il passe ensuite au-dessus de la deuxième ligne avec un pied, met l’autre à l’équerre, puis pose sa main droite sur son côté gauche, en disant : « Dieu soit ici ». Il passe sur la troisième ligne, met son autre pied à l’équerre, puis pose sa main droite sur son genou droit en disant : « Dieu bénisse tous les vénérables frères ». Ces trois pas sont repris par le « Scottish Craft Ritual » et le rituel de Bristol (18) (probablement le plus ancien rituel anglais), tous deux encore actuellement utilisés. Après la cérémonie d’élévation à la maîtrise, le Vénérable Maître s’adresse au nouveau maître en lui disant : Avancez donc vers moi en Apprenti en faisant un petit pas du pied gauche, en ramenant le talon droit dans le creux du pied gauche. Montrez-moi ensuite le Signe (main gauche comme main droite). Avancez vers moi en Compagnon en faisant un petit pas en partant du pied droit et ramenez le talon gauche dans le creux [du pied droit]. Faites ensuite le Signe. Faites maintenant un petit pas du pied gauche et ramenez les deux talons l’un contre l’autre. C’est là le Troisième Pas Régulier en Maçonnerie, et c’est dans cette position seulement qu’on communique les Secrets du Grade. (rituel de Bristol) Cette constante dans le pas unique du grade de maître, (chaque degré n’ayant pas, comme en France actuellement, une marche différente) permet peut-être d’expliquer notre tableau de grade. Si l’on prend l’hypothèse que les rituels anglais cités ont gardé, à ce niveau, l’usage des « Anciens » alors que les divulgations françaises décrivent les usages des « Modernes » seuls connus avant 1760, la marche de maître de nos rituels écossais français de 1805 à 1825 pourrait être un système hybride mêlant les pratiques des « Modernes »pour les deux premiers grades et celle des « Anciens » pour le troisième. L’hésitation entre les deux pratiques des rituels de 1805 et 1811/1812 serait alors une preuve de plus de la grande rapidité dans l’élaboration des rituels symbolique du Rite Écossais. Ceci n’est bien sûr qu’une hypothèse de travail et n’explique pas pourquoi tous les tuileurs (19) indiquent, comme celui de Grasse-Tilly (1818) que « la marche [du 3e degré du Rite Ancien] se fait en partant du pied droit comme si l’on enjambait un cercueil », ce qui relèverait dans notre hypothèse du rite « Moderne ». Ni pour quelles raisons (influence du Rite Français peut-être) il fut abandonné. Son abandon semble postérieur à l’année 1825 et le dernier ouvrage à la relater semble être le « Vade-Mecum Maçonnique pour les trois premiers degrés du Rit Écossais Ancien et Accepté… » par un Ex-vén\ de L\ Écossaise – 5825 (Imprimerie du F\ Sétier) qui la décrit de la façon suivante : « Il [le 1er Surveillant] m’enseigna à monter en M\ à l’est, en faisant le signe d’app\, et à marcher sur le premier degré de l’angle d’un carré long ; mes deux pieds formant l’équerre ; puis à faire deux autres pas sur le deuxième degré, en faisant le signe du comp\ ; enfin à faire le pas de M\ sur le même carré… » Toujours est-il qu’entre
1825 et la fin de la décennie, les rituels du Rite
Écossais reviennent aux trois pas du Maître. On fait avancer le Récip\ par la marche d’app\ et de Comp\ de sorte qu’au dernier pas il se trouve arrivé à la tête du F\ qui est couché et vers sa gauche. On lui fait alors enjamber le corps en partant du pied droit pour passer à droite et ensuite repasser de la droite vers la gauche, toujours en enjambant le corps. Enfin, par un troisième pas partant du pied droit, il doit arriver à se placer aux pieds de celui qui est couché à terre et l’ayant alors derrière lui. Dans cette position le F\ qui est couché se relève sans bruit et va reprendre sa place sur les colonnes. Le dessin expliquant cette marche démontre clairement que les deux pieds se posent côte à côte, de chaque côté du cercueil, à chaque enjambement. Rituel c. 1825/1830 Il faudra attendre près d’un demi-siècle, avec la diffusion des rituels du S\ C\ D\ F\ par l’imprimerie Melhotte, quelques années avant le Convent de Lausanne (c.1870) pour voir apparaître une modification bien mineure dans la marche du maître. La position de départ se trouve en effet changée par rapport aux rituels précédents : les derniers pas de compagnon amenaient alors le récipiendaire à gauche de la représentation (21) ; ils l’amènent désormais en face. Cette pratique qui a supprimé le double enjambement du cadavre semble ne devoir être due qu’à une facilité de pratique. Depuis, rien n’a changé (22). Les rituels du Suprême Conseil de France ont fait place, à partir de 1905, à ceux de la Grande Loge de France et depuis 1960, le schéma de la marche a disparu, remplacé par une longue et précise description : Rituel c. 1870 Étant à l’ordre d’App\ faire d’abord les trois pas d’App\ ; se mettre ensuite à l’ordre de Comp\ et exécuter les deux pas de Comp\. On se met ensuite à l’ordre de M\ et on exécute : un pas à droite, en portant le pied droit obliquement en avant et à droite et en ramenant le gauche contre le droit, en équerre ; puis un pas à gauche, en portant obliquement en avant et à gauche d’abord le pied gauche qui décrit une courbe comme pour enjamber un cercueil ; ensuite le droit, en le ramenant en équerre contre le pied gauche. Finalement, on se place à nouveau sur la ligne médiane en portant obliquement en avant et à droite, d’abord le pied droit et ensuite le gauche, et on les réunit en équerre. L’adage ne dit-il pas qu’un long discours vaut mieux qu’un petit croquis… Rituel de 1877 (21) Les rituels appellent « représentation » le cadavre ensanglanté recouvert d’un drap noir ou le cercueil qu’aperçoit le compagnon lors de son « retournement ». (22) Il faut toutefois signaler qu’Oswald Wirth (contrairement à Jules Boucher), dans son ouvrage « Le livre du Maître » paru en 1921, prend parti pour la marche du troisième degré telle qu’elle était pratiquée au XVIIIe siècle : les pieds non réunis lors de l’enjambement du cadavre ou du cercueil. R\ B\ Notes :(1) Ceux du rite français avec leurs diverses « moutures » le sont également… (2) The Three distinct Knocks 1760 en particulier ! (3) Ahiman Rezon (3ème édition, 1778) (4) Le Petit Robert. (5) Collection Claude Gagne, photocopie à la GLDF. Ce rituel porte par ailleurs, au cours des obligations auxquelles s’astreint le nouveau maître maçon une phrase permettant de siter sa datation vers 1765 : « Promettez-vous aussi de ne point vous ériger en Grand Maitre que préalablement vous n’en ayez reçu les pouvoir par trois Maîtres Réguliers de la R. G. L. de France ». (6) Bibliothèque GLDF ; Réédition GLDF en fac-similé 2004. (7) Bibliothèque GLDF ; Réédition Ed. du Prieuré 1997. (8) Rituels du Rite Français Moderne, Ed. Slatkine 1991 (page175). (9) Le Maître représentant Hiram assassiné. (10) De peur, dit le rituel, qu’étant couché sur le plancher, la fraîcheur ou le froid ne l’incommode. Il n’est pas question de cercueil. (11) Kloss XXVIII-82. Publications Latomia. Rituel probablement (?) remis lors du traité d’union passé entre la Grande Loge Générale Écossaise et le Grand Orient de France. Daté de 1805 à la dernière page des rituels. (12) GLDF, Archives russes. (13) Paru sans mention de date. Voir pour la datation possible l’article de Gilles Pasquier « les Anciens et les grades de métier du REAA » Villard de Honnecourt n°7. 1983 et la préface de Guy Verval in « Le Rituel des Anciens… » de Laurent Jaunaux. Ed Dervy. 2004. (14) Bibliothèque du GODF. (15) Rituel Dehon Bibliothèque André Doré, GODF. (16) À ce Rite, la marche d’apprenti consiste en trois pas et celle de Compagnon en cinq. 17 An enter’d Mason I have been / Boaz and Jachin I have seen ; / A Fellow I was sworn most rare, / And know the Asler, Diamond, and Square : / I know the Master’s Part full well, / As honest Maughbin will you tell. Apprenti, c’est certain, je le suis devenu. / J’ai vu Jachin, Boaz, et j’y ajoute, en plus, qu’en tant que compagnon, j’ai été bien reçu. / Parpaing, pierre taillée, équerre me sont connus. Je sais ce qui revient à un maître maçon / Et Maughbin, je pourrais le dire bel et bon. (18) Il en est de même dans les rituels Yok, Irlandais, ou dans celui de la province d’Oxford. (19) Abraham (1813), Delaulnaye (1813-1821) et Vuillaume (1820-1830). (20) Ce rituel manuscrit présente quasiment le même texte que celui de 1829 (Bibliothèque Nationale Ms FM 93 ; Transcription dans Ordo ab Chao n° 39-40. 1999). Il lui est probablement légèrement antérieur. Daté entre 1820 (il contient une inscription au sujet d’un ouvrage imprimé à New Haven en 1820) et 1829 (car l’ouverture des travaux ne se fait qu’au nom de Dieu et de Saint Jean, sans mention du GADL’U). (21) Les rituels appellent « représentation » le cadavre ensanglanté recouvert d’un drap noir ou le cercueil qu’aperçoit le compagnon lors de son « retournement ». (22) Il faut toutefois signaler qu’Oswald Wirth (contrairement à Jules Boucher), dans son ouvrage « Le livre du Maître » paru en 1921, prend parti pour la marche du troisième degré telle qu’elle était pratiquée au XVIIIe siècle : les pieds non réunis lors de l’enjambement du cadavre ou du cercueil. |
7310-J | L'EDIFICE - contact@ledifice.net | \ |