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Les 5 points parfaits de la maîtrise

J’ai cherché à tracer au 3ème degré une planche qui sortirait des sentiers battus et je ne me rappelle pas avoir jamais entendu parler de ce thème dans notre atelier, soit Les Cinq Points Parfaits de la Maîtrise.

Bien que lors de la cérémonie d’Elévation à la Maîtrise le passage sur les 5 points parfaits de la Maîtrise ne prenne que 10 lignes dans le rituel ; dans les engagements du Maître que nous penons après cette élévation il est stipulé. « Je m’engage, en outre, solennellement à maintenir et à appliquer dans mes paroles et dans mes actes les principes découlant du Symbolisme de l’Equerre et du Compas ainsi que des 5 points parfaits de la maitrise, … ».

Si nous n’avions pas senti le jour de notre élévation au 3ème grade cette illumination, cette pénétration de l’Esprit vivant de la F\ M\, au moment où, par les 5 points de la Maîtrise, nous avons été redressés par notre T\ V\ M\, c’est que nous ne serions pas dignes de recevoir le grade.

Pour ma part, j’ai ressenti que ces 5 points d’éveil étaient une résurrection spirituelle et initiatique, une nouvelle prise de de conscience, de nouveaux pas vers la connaissance. Lors de la cérémonie d’élévation, l’Expert se contente uniquement d’en enseigner la « gesticulation » :

1. Se prendre mutuellement la main droite, en formant la griffe ;
2. S ’approcher réciproquement du pied droit, par le côté intérieur ;
3. Se toucher réciproquement le genou droit ;
4. Rapprocher les poitrines du côté droit ;
5. Poser réciproquement la main gauche sur l’épaule droite, vers le dos, pour se tenir plus étroitement et s’attirer l’un à l’autre ; pour préciser, ensuite : « c’est dans cette position seulement qu’on se communique le Mot Sacré ».

On juge donc maintenant, que le nouveau Maître est mature pour cheminer par lui-même dans la connaissance et la compréhension absolue des symboles, les plus complexes soient-ils.

Dans notre réflexion sur nos Cinq Points Parfaits de la Maîtrise, on est à même de se poser quelques questions :

- sur leurs origines,
- comment ont-ils pris place et se justifient-ils dans notre rituel du troisième degré
- le processus d’intégration au troisième degré,
- pour, enfin, leur donner sens et signification.

I - Origine

Avant d’entreprendre toute recherche, il faut souligner que l’expression Les Cinq Points Parfaits de la Maîtrise est une transcription française tardive de Gabriel PERAU en 1745 de l’appellation anglaise « Five Points of Fellowship » (les Cinq Points de Compagnon) toujours employée dans lemonde anglo-saxon au grade de Maître et il préexiste à la légende d’Hiram.

Sans vouloir en refaire un historique complet, les Cinq Points de Compagnon apparaissent en 1696 dans le manuscrit d’Edimbourg, à l’époque de la maçonnerie « bigradiale » et en 1700 dans le manuscrit Sloane 3329 avec le mot de Maître. Dans la période transitoire, entre 1696 et 1730, sur 17 textes recensés seuls  3 n’en parlent pas.

Ce n’est que vers 1711 « manuscript Trinity College » qu’apparait le système en 3 grades avec ce que nous appelons « les 5 points parfaits » avec la griffe du Maitre qui remonte au coude.

Attribués à l’époque « compagnonnique », les 5 Points n’étant pas apparus ex nihilo, et devaient remonter plus avant dans le temps. Certains historiens, faisant état des premiers règlements, sur les accidents de travail, promulgués par William Schaw nommé, par James VI, Maître d’œuvre de la Couronne d’Ecosse et Surveillant Général des Bâtiments, les font remonter au 15ème siècle.

Selon eux, les Cinq Points de Compagnon résulteraient d’un enseignement pratique de « secouriste », selon les connaissances physiologiques de l’époque, sur l’art et la manière, de relever dans les meilleures conditions une personne tombée d’un échafaudage.

Le temps aidant, l’usage en aurait fait un signe de reconnaissance des gens du métier et pour lui donner un sens moral significatif avec les devoirs de solidarité et d’entre-aide que chacun est en droit d’attendre de l’autre. D’où l’explication concordante, généralement formulée encore de nos jours :

1 - Main contre main, que nous tendrons toujours la main à nos frères ;
2 - Pied contre-pied, que nous sommes toujours prêts à marcher au secours de nos frères ;
3 - Genou contre genou, que nous saurons rester humbles et nous plier devant l’Eternel.
4 - Poitrine contre poitrine, que nous saurons garder les secrets de nos frères ;
5 - la main gauche sur l’épaule droite, vers le dos, que nous serons toujours prêts à soutenir nos frères.

Le principe sur lequel repose l’opérativité des 5 points parfaits de la Maîtrise est la correspondance symbolique de la figure de l’Homme parfait symbolisé par un tétragramme inscrit dans un cercle, tel l’Homme de VINCI. En somme, à ce niveau, les Cinq Points Parfaits de la Maîtrise seraient l’expression d’une philosophie comportementale maçonnique, pour ne pas dire « de groupe ».

Mais, enfin, mettre en œuvre une gestuelle complexe, monter toute une dramatique théâtrale, pour interpréter une philosophie de comportement, pourrait sembler inapproprié de nos jours, quand les premiers textes de la maçonnerie spéculative renseignent bien mieux, simplement et sans équivoque sur la conduite maçonnique à tenir.

N’y aurait-t-il, donc, pas derrière l’exécution des Cinq Points Parfaits de la Maîtrise une autre vérité, cachée celle-ci, dont il faudrait casser l’os pour goûter à la substantifique moelle ? Cela n’aurait rien d’étonnant lorsque l’on sait que la maçonnerie, école de tradition et de transmission, plonge ses racines dans les temps et les mythes anciens et qu’elle fut parcourue par divers courants hermétiques et ésotériques, notamment dans sa période dite de transition.

Le Compagnon ne peut pas faire le chemin plus haut seul et son élévation, sa transmutation en un nouvel être doit été générée par la volonté de ses F\ et le pouvoir des 3 principaux Maîtres de la Loge.

En somme, d’un premier geste d’entraide et de secours porté à un frère du métier en difficulté, nous serions parvenu, au travers de l’activation d’une pensée ésotérique (16 / 17ème), à l’émanation d’une spiritualité propre à la maçonnerie spéculative (18ème siècle).

Nous serions passés, à ce moment, de l’équerre, territoire du compagnon, à la verticale «spéculative », par l’apport d’acteurs ésotériques.

II – Comment ont-ils intégré le 3ème degré ?

Après avoir reçu trois grands coups, je fus jeté dans un cercueil et recouvert d’un épais drap de velours, sous lequel je suffoquais bientôt et commençais à mariner dans mon jus compte tenu de la chaleur ambiante.

Lorsque je fus agrippé par la main, poussé par les deux surveillants (Boaz et Jakin, les deux colonnes du Temple), et plaqué contre le T\ V\ M\, face à l’est, selon les Cinq Points Parfaits de la Maîtrise, je ressentis ce contact corporel, dont je ne pouvais me libérer, comme une fusion. Dans cette étreinte chaleureuse, je pus lire la joie qu’éprouvait le T\ V\ M\ d’avoir fondu en Tubalcaïn une troisième colonne « établie » en « force ». Dans cette position, me fut communiqué le mot sacré. Je ne développerai pas le mot sacré qui a fait l’objet de ma dernière planche au 3ème.

Ma première impression, la plus forte, fut donc, sur fond de « discours hermétique », l’évocation de la fusion complète entre le nouveau maître et son T\ V\ M\ représentant de l’Ordre. Mais, dans cette évocation et ce ressenti immédiat n’entraient pas explicitement les « 5 Points » dont la signification restait à découvrir.

En effet, nous trouvons beaucoup de similitudes en Osiris – Hiram, dans l’herméneutique maçonnique spirituelle. A l’horizontal, l’idée du squelette disloqué, le rassemblement de ce qui est épars, recomposition du squelette, le relèvement du corps d’un seul tenant en position rectiligne, sans flexion, décrivant un arc de cercle et le mot sacré qui redonne vie.

Hiram, l’Architecte, quant à lui, ne ressuscite pas. Il est mort en emportant Le Grand Secret que les maîtres devront retrouver. Le nouvel Hiram ne dispose que d’un mot substitué ; à lui de savoir se servir de cette clé pour retrouver la Parole Perdue de l’ancienne Tradition qui ouvre la porte de la connaissance.

A la suite de ce long développement, nous comprenons mieux que dans le monde « compagnonnique » moribond, les visiteurs ésotériques, plus savants, qui prirent place dans les loges, se soient satisfaits des cinq points d’attouchements physiques qui n’étaient pas si éloignés de la conception corporelle imagée de leurs mystères : mort et résurrection. Une approche métaphysique des « 5 Points ».

Il ne restait plus qu’à construire un troisième grade, plus subtil et intellectuel en rapport avec les idées philosophiques du siècle des Lumières naissant. Hiram en devient l’argument élaboré pour orner ce nouveau grade.

III – Sens et signification

Cet aller / retour, entre Osiris et Hiram, nous amène inévitablement à reconsidérer les définitions données précédemment sur les Cinq Points Parfaits de la Maîtrise à partir de la géographie osseuse donnée. « Réunir ce qui est épars », c’est aussi, à présent, vouloir redonner vie au nouvel aspirant Hiram, en le créant d’un seul tenant, en lui redonnant force et vigueur, sans point de faiblesse.

Cette vision m’amène à analyser différemment l’attribution donnée à chacun des Cinq Points Parfaits de la Maîtrise pour leur donner sens et signification à partir de ces mêmes points clés dusquelette humain :

1 Main contre main :

C’est le premier attouchement cité. Cette main qui identifie l’homme et le classe hors du monde animal. Mais, attention à elle, sans jeu de mots, elle a exécuté l’Architecte, mais, elle peut également exécuter de grandes choses, dans l’ordre du bien et du mal. Cette main meurtrière donne, aussi, la vie en allant chercher, dans la terre, le nouvel Hiram. C’est l’outil incomparable de l’artisan qui lui permettra de poursuivre l’œuvre : celle du temple resté inachevé.

Main contre main signifie que je tendrai toujours la main à un F\ pour l’aider, tant que cela sera en mon pouvoir.

2 Pied contre-pied :

Le pied du nouveau Maître contre le pied du T\ V\ M\ montre que nos racines sont sur cette terre, qui est notre base de stabilité. Le pied me permet de marcher vers l'autre et marcher nous a permis de nous construire. Chez les orientaux « le pied » est un symbole fondamental. Les pieds des défunts sont toujours nus et à ce propos nous pourrions à nouveau faire le rapprochement avec notre état lors de notre Initiation.

Le parler courant rappelle qu’avec les pieds commencent l’intelligence, la sensibilité ou l’action : « avoir les pieds sur terre » « partir d’un bon pied » « donner un coup de pied ».

Pied contre-pied signifie que je n’aurais jamais peur de m’écarter de mon chemin pour rendre service à un F\.

3 Genou contre genou :

Dans beaucoup de domaines on attribue à cette partie du corps, l'humilité. Souvenons-nous qu'HIRAM a perdu l'équilibre et qu'il est tombé sur l'un puis l'autre genou ! (dans le désarroi ne dit-on pas que l'on est sur les genoux…?)

Ils sont liés au symbolisme de l’incarnation. Ils traduisent la force de celui qui est bien campé sur ses jambes avec volonté mais simultanément les genoux doivent fléchir devant l’autorité suprême en toute humilité.

4 Poitrine contre poitrine :

Chez les Compagnons opératifs, les couleurs, c'est à dire les grades se portent sur la poitrine et l'épaule, leur canne est toisée par rapport à l'épaule. Chez nous, les écharpes, colliers ou même la serviette lors de notre banquet rituel, sont autant d'éléments significatifs. En ce qui concerne la symbolique de la poitrine, elle représente la beauté et la sensibilité du cœur, ou plutôt le protecteur du cœur. Et si je reprends les propos de notre F\ Alain Pozarnick : « La poitrine c'est notre véritable cabinet de réflexion »…

La poitrine du T\ V\ M\ contient son cœur. Comme St Jean en posant sa tête contre celle du Christ le récipiendaire devient le poumon du Verbe.

Poitrine contre poitrine sert à montrer que je garderai les secrets de mon F\ comme les miens propres. La position épaule contre épaule donne tout son sens à cette transmission de Vie, d’être à être dans toute l’acception du mot « épauler » au sens maçonnique du terme, soit représentant protection et stabilité. Dans le langage courant on dit « avoir les épaules larges ».

5 La main dans le dos :

Cet attouchement est le symbole du dévouement que l'on communique et de la confiance mutuelle. Je pense que c'est à travers ma main avec la position du pouce écarté que j'installe ma volonté de protection par rapport aux autres. En réalité, la main du T\ V\ M\ forme la griffe comme le rituel le dit pour le relèvement ! Par la griffe de la main gauche (celle du cœur) dans le dos, les polarités masculine et féminine du récipiendaire ont été harmonisées. Il est presque devenu un délivré vivant.

La main gauche qui soutient le dos signifie que je serais toujours prêt à soutenir un F\ tant que cela sera en mon pouvoir.

Si on peut qualifier ces 5 points de parfaits, c’est parce qu’ils unissent les 2 natures humaine et divine du récipiendaire qui est arraché à l’attraction mortifère de la terre et ancré dans le monde divin par le corps de gloire du Maître. Le processus de soulèvement est un passage des énergies d’un point parfait à un autre. Pour les nostalgiques du nombre 7, qui auraient aimé voir les « Sept Points Parfaits de la Maîtrise » se substituer aux « 5 Points », nous pouvons suggérer que dans le rituel, nous disposons de deux autres Petits Mystères, avec les attouchements au 1er et 2ème qui précédèrent l’élévation.

IV - Conclusion

L’objet de l’élévation à la Maîtrise est bien d’insuffler au Compagnon l’esprit de la Maîtrise à savoir : sa sagesse, son amour de l’espèce humaine et de la vie, sa quête inlassable de la vérité en toutes choses.

La renaissance à soi-même ne peut s’accomplir que dans le face à face avec l’Autre qui est la découverte à la fois du Maître caché et du Frère.

Par sa conception originale des 5 points notre Ordre se rattache à la Tradition primordiale et fait la preuve de la portée opérative de ses symboles fondés sur la correspondance salomonienne de l’Homme, du Monde et du Grand Architecte. La prière de Salomon cite « Puissances du Royaume, soyez sous mon pied gauche et dans ma main droite, Gloire et éternité, touchez mes deux épaules et dirigez moi dans les voies de la victoire, Miséricorde et Justice, soyez l’équilibre et la splendeur de ma vie, Intelligence et sagesse, donnez-moi la Couronne... »

Ce travail « spéculatif » ne laisse pas place à une philosophie comportementale et/ou morale, comme définie au début, ou que laisse suggérer, encore, l’expression des « Five Points of Fellowship » toujours employée dans le monde anglo-saxon au grade de maître.

Mais, il paraît plus cohérent et en harmonie avec le grade de Maître et le mythe de la renaissance qu’il sous-tend. Son interprétation épouse, beaucoup plus fidèlement, le rituel et son esprit.

Les « Five Points of Fellowship » gravés sur l’Equerre de la maçonnerie opérative ont fini par rejoindre la Verticale spirituelle du troisième degré, sous le ferment d’une pensée ésotérique qui parcourait les esprits pendant notre Période dite de transition et relayé par la pensée du 18ème siècle.

Du tangible, nous sommes passés à l’idée.

Vu sous cet angle, la traduction des « Five Points of Fellowship »en « Cinq Points Parfaits de la Maîtrise » tient au génie et à l’esprit de la maçonnerie française qui a su, par là, de ce vieux symbole de reconnaissance du compagnonnage, en le renommant, lui donner tout son sens et plus de vigueur dans sa nouvelle destination. En effet, dans ce rébus, si le mot « parfait » est appréhendé comme un substantif et non comme adjectif, nous retrouvons dans sa racine latine « perfectus » les mots d’accomplissement, achèvement, régénérescence que nous pourrions traduire par les « Cinq Points de l’Accomplissement du Maître ».

A présent, celui-ci, parachevé est prêt à accueillir le Mot Substitué qui le conduira, solidement établi sur la terre, avec force, droiture, sagesse à retrouver la Parole perdue de la connaissance.

A moi de trouver la pierre cachée. Elle sera la conclusion, la récompense et la finalité rendue possible par le travail. Mais je ne peux faire ce chemin seul, et mon élévation, ma transmutation en un nouvel être doit être générée par la volonté de mes Frères et le pouvoir des trois principaux Maîtres de la Loge.

Notre rituel nous indique le sens profond de la Maîtrise qui bien qu’elle soit réelle n’est pas effective, malgré les 5 points résurrecteurs et que découvrir ou entrevoir un mythe, loin d’être une fin, est tout au contraire un commencement.

La tradition initiatique, le REAA, est un jardin ou l’homme peut cultiver toutes ses dimensions et ses potentialités, lui permettant ainsi d’affirmer toute verticalité.

J’ai dit T\ V\ M\

B\ K\


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