Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
La chevalerie Les croisades constituent l’un des évènements phares qui eurent lieu au cours du Moyen-âge, elles ne sont pas nées de la volonté des instances ecclésiastiques dans le but unique de reconquérir le tombeau du Christ et les terres de Palestine, elles sont issues d’un mouvement de fond de l’occident lui-même, dont l’évolution et la transformation ont permis de réunir les conditions qui conduisirent le pape Urbain II a prêcher la délivrance de la Terre Sainte. La première raison que nous pouvons évoquer est issue d’un mouvement de classe qui a permis l’apparition d’un groupe social soit directement issu de la noblesse, soit qui est venu s’y intégrer. En effet, la chevalerie telle que nous l’entendons aujourd'hui à travers ses rites ses symboles, et sa représentation, est la conséquence d’une évolution qui se dessine à partir du XXème siècle. Le mot MILES (chevalier) apparaît à la fin du Xème siècle, ce terme se substitue progressivement à des qualificatifs qui insistaient sur la subordination vassalique. Vers 1032, le vocable chevaleresque a remplacé les autres formes verbales exprimant la supériorité sociale. Il est utilisé à titre individuel ou collectif pour exprimer notamment la qualité particulière de certains membres d’une cour de justice. Vers 1075, l’emploi du titre s’incorpore au nom et au prénom, enfin dans les toutes dernières années du XIème siècle, même les plus hauts seigneurs se parent personnellement du titre chevaleresque de Miles. Le mot Miles aboutit à conjoindre par le commun usage d’un titre, la participation commune aux valeurs morales, la supériorité héréditaire que ce titre exprimait, mêlant les diverses couches de l’aristocratie de la plus élevée de ces strates aux plus infimes. Le mot Miles n’est pas synonyme de franc (libre), il désigne alors une catégorie particulière de laïcs et cela dès le début de son usage, le moment ou se répand le qualificatif chevaleresque est celui là même où les institutions féodo-vassaliques viennent encadrer l’aristocratie, dans bien des chartes, Miles remplace des mots comme Vassus (vassal) ou Fidelis (fidèle – serviteur), qui expriment une dépendance personnelle. Très souvent, Miles est utilisé comme un titre personnel, c’est là son emploi le plus original, on s’en glorifie, on insiste, « moi X\ chevalier », si le mot évoquait seulement une soumission de la personne, pourquoi s’en parerait-on ? Il n’existe rien d’honorable en soi à se proclamer l’homme d’un autre, à moins que celui ci ne soit un très haut personnage, dont le patronage est alors particulièrement avantageux. Miles n’exprime pas une attache personnelle, mais une qualité. L’entrée en chevalerie demeure relativement ouverte jusqu’à la fin du 12ème siècle, elle tend cependant à se fermer aux non nobles au 13ème siècle notamment dans les régions ou le pouvoir politique est affermi et ou commencent à se créer des structures étatiques. Au 12ème siècle, beaucoup de chevaliers vivaient encore d’une prébende, en condition domestique dans le château de leur seigneur, l’application précoce du droit d’aînesse poussait souvent à l’aventure les fils cadets qui célibataires, obligés de faire eux-mêmes leur fortune allaient s’agréger aux compagnies militaires de vassaux constituées dans la maison des puissants. La formation dans les milieux ecclésiastique d’un concept du Miles Christi (chevalier du Christ) auxiliaire de l’église qui gagne son salut en accomplissant dans le cadre de la morale chrétienne les devoirs de son état, apparaît dès l’époque carolingienne et au Xème siècle naît la notion d’un ordre de militaires, chargés dans le peuple de Dieu d’une mission de protection, digne pour cela de certains privilèges juridiques, les Milites (chevaliers) ont alors un statut très supérieur à celui des paysans. De plus, à cette époque, les destinées biologiques de la noblesse sont alors fort menacées, en premier lieu, par les périls inhérents à l’existence militaire, la vie rude, mêlée de réels dangers. Mais aussi à cause des habitudes de restrictions démographiques, pour éviter les dispersions de l’héritage, pour assurer à l’aîné, héritier du titre et de l’honneur, une seigneurie qui ne fut point démembrée, on place le plus possible de cadets dans l’état ecclésiastique et l’on évite de marier les autres, le prolongement du lignage étant alors à la merci d’un accident guerrier ou d’une union stérile. Car dès le début du XIème siècle, le privilège qu’avait l’aîné de recueillir en succession les pouvoirs seigneuriaux de son père et de sa maison étaient en effet fermement établis des lignées des plus hauts seigneurs au plus humbles. Quels étaient alors les divers sorts réservés aux cadets : une charge ecclésiastique ou une vie de chevaliers errants, livrés à l’aventure. Il importait de ne point autoriser trop de cadets à prendre femme de crainte, que ne se multiplient à l’excès, les branches latérales de lignage et qu’elles ne viennent étouffer la ligne maîtresse. Tout se conjuguait pour prolonger l’état de jeunesse et lancer les jeunes chevaliers dans l’aventure lointaine. Il existe donc dans ce groupe social deux situations individuelles : - celle de l’aventurier célibataire contraint de rechercher fortune hors de la maison paternelle et qui meurt bien souvent au combat. - celle de l’unique héritière, point de mire de toutes les stratégies patrimoniales. Attachons-nous à regarder le cas des enfants mâles, cadets des familles nobles de cette époque, il s’agit la du deuxième aspect spécifique de la chevalerie de l’époque, qui sera lui aussi, l’une des causes sociales à l’origine de la croisade. Le jeune est par conséquent un homme fait, un adulte, il est alors introduit dans le groupe des guerriers, il a reçu les armes, il est adoubé. Normalement les chevaliers sont appelés jeunes jusqu’à leur mariage ; ce que l’on entend par jeunesse, c’est à la fois l’appartenance à une classe d’âge et à une certaine situation dans la société militaire et dans les structures familiales. Son importance ne tient pas seulement au nombre mais au comportement particulier des hommes qui la compose. La jeunesse apparaît comme le temps de l’impatience, la turbulence et l’instabilité, le jeune est errant par excellence, et cette errance se révèle comme un trait fondamental, il parcourt provinces et pays, pour lui la belle vie c’est « se mouvoir en maintes terres pour prix et querir moultes aventures », c’est une quête de la gloire et du prix, par le moyen de la guerre et du tournoi. De manière générale, le jeune se trouve incorporé dans une bande d’amis qui s’entraiment comme des frères. Cette compagnie est parfois constituée au lendemain même de la cérémonie d’adoubement. Les compagnies de jeunes forment par conséquent l’élément de pointe de l’agressivité féodale ; ces bandes entretiennent l’agitation guerrière, attisent les foyers de turbulences dans les zones instables, et bien évidemment fourniront les meilleurs contingents à toutes les futures expéditions lointaines. Le concile de Clermont au cours duquel le pape Urbain II prêcha la croisade est avant tout un concile de paix dans lequel le pape constate une fois de plus que la quiétude à l’intérieur de la chrétienté est troublée par des guerres intestines, les combats, les pillages des chevaliers à la poursuite de gloire et de gains, et ce, au péril de leur vie éternelle. Le pape offre donc à ces trublions un moyen de se sauver dans l’exercice de leur profession guerrière. « Qu’ils marchent donc au combat contre les infidèles ceux qui jusqu’ici se livraient à des guerres privées et criminelles à l’encontre des fidèles » passage du concile de Clermont. L’intention de purger ainsi l’Occident des maux qui l’accablent en envoyant les chevaliers combattre au loin les infidèles, peut paraître simpliste et cynique, c’est pourtant l’un des buts poursuivis ouvertement par le pape, qui très clairement, dénonce les guerres intérieures comme des activités coupables et périlleuses pour l’âme, mais exalte le combat pour la libération de Jérusalem comme méritoire et salutaire. Ce que nous pouvons qualifier de troisième cause est d’ordre politique, car doit-on considérer la croisade comme une aide militaire à l’empire d’Orient dans le prolongement de la guerre sainte, ou de la Reconquista espagnole. Ce pèlerinage ayant pour but principal Jérusalem et les lieux saints, nous pouvons l’assimiler à la fois à une opération pénitentielle et une opération militaire à coloration eschatologique (lié à la fin des Temps, du grec eskaton), ces aspects ne s’excluent pas et sont très certainement entremêlés dans les motivations des futurs croisés. Nous avançons aussi l’idée selon laquelle Urbain II aurait voulu créer en Orient, au-delà de l’empire de Constantinople, des états latins théocratiques directement rattachés au saint Siège, ce qui sous-entend une intention délibérément hostile envers l’empereur Alexis. Or, il s’avère que les relations longtemps tendues entre Rome et Constantinople s’étaient améliorées à la veille du concile de Clermont, un réel esprit de concorde régnait, il faut donc concilier ces deux affirmation ; La croisade est bien destinée vers la délivrance de Jérusalem, et elle est aussi destinée à aider les chrétiens d’Orient, dans un climat de concorde et dans la perspective d’une réunion des églises séparées depuis 1054. C’est au concile de Plaisance en mars 1095, dix ans après la prise de Tolede et peut après la prise de Noto, villes d’Espagne, dans un climat de chrétienté conquérante que l’idée de croisade fit sa première apparition. Le pape Urbain II reçut des envoyés de l’empereur Alexis Comnène venus dresser un tableau de la situation en Orient, ce dernier était désireux de recruter des mercenaires, car après la défaite de la bataille de Mantzikert, et la perte d’une partie de son territoire, l’empereur Alexis Comnène envisage alors de pouvoir reprendre à l’ennemi ce qui lui avait été enlevé en s’associant aux latins. Les terre de Palestine étaient perdues depuis plus de quatre siècles, et la notion d’héritage du Christ pouvait ouvrir de nouvelles perspectives, une reconquête commune de ces terres prestigieuses accomplie au nom du Christ et non de Saint Pierre, par des Milites Christi d’Orient et d’Occident rassemblés sous la bannière du Saint Siège et menés par le légat du pape, ne pouvait que favoriser la réunion des deux églises. Les évènements n’ont pas permis la concrétisation de ces espérances, les croisés plus nombreux, plus divers et surtout plus indisciplinés que prévu les ont vite brisés par leur attitude à Constantinople. Le Quatrième aspect de cette question, est la terre de Palestine elle-même : Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer par la suite de la conquête musulmane de la Palestine, les pèlerinages vers la Terre Sainte ne s’étaient pas interrompus après le VIIème siècle. Peu nombreux et souvent individuel au cours du Xème siècle, leur fréquence s’accroît vers l’an Mille et dans le premier tiers du XIème siècle. La Terre Sainte attirait alors des chrétiens de toute obédience qui fondèrent à Jérusalem des églises et des hospices pour les pèlerins. Le voyage s’effectuait toujours par voie de mer au cours des IXème et Xème siècles. De l’Italie du sud, les pèlerins s’embarquaient pour l’Egypte d’où ils rejoignaient la Terre Sainte par la voie terrestre. Une fois parvenue sur place, ces pèlerins ne semblent pas avoir été inquiétés et disposaient d’une assez grande liberté de mouvements. Ce climat de tolérance se détériora sous le règne du calife Al Hakim lorsque se développa une politique d’oppression des non musulmans. Succédant à son père en 996, il ordonna en 1008/1009 de détruire églises et synagogues, et surtout la destruction du Saint Sépulcre à Jérusalem. Il convient de souligner l’importance de cette destruction dans les mentalités en Occident, elle ne constitue pas une des causes proprement dites de la croisade, car après la mort de Al Hakim, sa sœur prenant la régence, envoya des émissaires à Constantinople afin de négocier la reconstruction du Saint Sépulcre et des autres églises. En fait l’impact dans les mentalités occidentales provient que cet acte se produisit dans un climat apocalyptique, une dizaine d’années après l’attaque de Saint Jacques De Compostelle par Al Mansur. La concomitance des ces événements développa en Occident un mouvement d’opinion aussi bien à l’égard des juifs que des musulmans. Néanmoins les pèlerinages reprirent au cours des années 1020/1030 et on ne discerne nulle part de volonté de Guerre Sainte ou de récupérer par la force le Tombeau du Christ. Alors les croisades et a fortiori la première celle qui permit la prise de Jérusalem en juillet 1099, et la constitution pendant plus de deux siècles des états latins d’orient, ne sont elles que les conséquences de mouvements sociaux et démographiques en occident ? Couplés à des desseins politiques dans le cadre de la réunion des deux églises latines, l’aspect de pèlerinage dans la croisade demeure indiscutable, il ne faut pas occulter la dimension de guerre sainte qui ne peut être évacuée des appels à la croisade et des motivations, qui ont poussé les chevaliers à aller combattre les musulmans en Terre Sainte, et, dans une moindre mesure sans doute en Espagne. La croisade se situe dans la pensée pontificale dans la droite ligne de l’idée d’une guerre sacralisée, dès lors qu’il s’agit d’une lutte prônée par un pape et entreprise dans l’intérêt de la papauté, de l’église et de la chrétienté. L’aspect de pèlerinage qui était inexistant ou mineur dans les entreprises précédentes (conquête de la Sicile, Reconquista espagnole), devient prépondérant dans l’appel d’Urbain II, m’étant l’accent sur la délivrance du Saint Sépulcre faisait ipso facto, de l’expédition armée, un pèlerinage. Les privilèges et indulgences liés au voyage à Jerusalem s’appliquent donc tout naturellement pour la croisade. Ce pèlerinage armé est prescrit aux chevaliers en rémission de leurs péchés, de ce fait, une expédition armée qui au début du XIème siècle aurait probablement donné lieu à pénitence, se transforme en pénitence. Le pèlerinage jadis pénitent, désarmé, se mue en guerrier, pour l’obtention des mêmes grâces et pour le pardon de ses fautes. Les futurs Croisés deviennent des Milites Christi, cette expression traduit une réelle progression dans la valorisation idéologique de ces guerriers au service de l’église. Le thème de la libération de l’héritage du Christ était à l’évidence beaucoup plus mobilisatrice, pour les mentalités des chevaliers de cette époque, que celui de la défense ou de la Reconquista du patrimoine de Saint Pierre en Espagne. |
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