GLDF | Revue : Points de Vue Initiatiques | 2T/1979 |
Saint Jean et Solstice d’été Depuis que la
Franc-Maçonnerie spéculative existe, c'est-à-dire depuis le XVIlle siècle, les
Francs-Maçons, réunis dans les Loges de Saint Jean, célèbrent la Saint Jean
d'hiver et la Saint Jean d'été. Déjà avant eux, leurs prédécesseurs, les
Francs-Maçons opératifs, les bâtisseurs de Cathédrales, célébraient les deux
Saint Jean. Mais bien avant encore, depuis les origines de l'Humanité, il est
certain que l'Homme, vouait un culte au Soleil, car, de toute éternité, l'Homme
a craint les Ténèbres, symbole de Mort, et adoré le Soleil, symbole de Lumière
et de Vie. Et ce n'est sûrement pas par hasard que l'Eglise a fait coïncider
les deux Saint Jean avec les deux solstices. « Solstice », en
latin « sol stat », le Soleil s'arrête, s'arrête avant de commencer sa descente
ou de reprendre son ascension. Cette descente, suivie de cette ascension sont
évidemment symboles de Mort et de Résurrection : c'est le symbolisme de toutes
les Initiations, de tous les temps. Dépouiller le vieil homme, mourir à la vie
antérieure, Renaître. Quoi de plus normal
que de trouver dans ce culte du Soleil, dans ce solstice, ici, aujourd'hui, le
point de convergence de toutes les Religions, de toutes les Initiations, à la
recherche de la Lumière. Car c'est bien de cela qu'il s'agit, c'est bien le
but, conscient ou non, de tous les Hommes : progresser vers la Lumière, vers la
Connaissance. C'est ainsi que le symbolisme de la Saint Jean d'Eté se confond
avec le symbolisme du solstice et du Soleil, et, par là-même, conduit au
symbolisme de la Lumière et de la Connaissance. Les Manuscrits de
la Mer Morte nous ont appris que Jean-Baptiste avait vécu parmi les Esséniens,
dans cette secte juive rigoriste dont l'idéal était fait de bonté, de vérité,
de justice, d'ascèse, et d'humilité — en un mot de ferveur spirituelle. Ces
Manuscrits de la Mer Morte nous ont appris aussi que les Esséniens vivaient
dans l'Oasis de QUMRAN et que cette Oasis était appelée « Le Désert ». Voilà
qui éclaire d'un jour nouveau la « Vox clamantis in Deserto ». Il ne s'agit pas
d'une voix qui se perd dans les sables et que personne n'entend, mais au
contraire d'une voix qui appelle, qui appelle vers la rupture avec l'existence
passée et la renaissance à une existence nouvelle. Nous avons dit que
c'est la définition même de toutes les Initiations. Et c'est de la même
manière que l'Initiation Maçonnique appelle les « cherchants ». Or, ces «
cherchants », de jadis et d'aujourd'hui, que cherchent-ils, sinon eux-mêmes ? Mais revenons à
Saint-Jean Baptiste. Il est défini comme l'Annonciateur il est « la Voix »
alors que Saint-Jean l'Evangéliste sera « la Parole ». Mais est-ce que cette
dualité n'est pas un peu artificielle ? Dans l'église Saint-Rémy de Reims, un
vitrail représente les deux Saint- Jean — le Baptiste et l'Evangéliste — en une
seule figure. La fusion des deux Saint-Jean est soulignée par la présence
au-dessus de leurs têtes de deux tournesols (fleurs solaires par excellence),
dirigés en sens opposé, vers les deux solstices. C'est en somme la représentation
chrétienne du « Janus Bifrons » des Romains — et nous voilà ramenés avant l'ère
chrétienne. Janus était le Dieu des « Collegia Fabrorum », c'est-à-dire des
corporations d'artisans, ancêtres des Compagnons du Moyen Age. Il faut
souligner que c'est en son honneur, en l'honneur de Janus, que les Romains
célébraient les deux fêtes solsticiales, d'hiver et d'été. La voilà, l'Unité
dans la Dualité. Janus était le « Clusius », c'est-à-dire le porteur de Clefs,
celui qui ouvre. Ovide dit que personne n'entre aux Cieux si Janus ne lui ouvre
la porte. N'est-ce pas là la définition même de l'Initiant ? Mieux encore, un
bois gravé de « l'Azoth », ouvrage de l'alchimiste Basile Valentin, représente,
aux pieds d'Atlas portant la sphère cosmique, un buste de Janus et un jeune
enfant épelant un alphabet. Le symbolisme n'est-il pas évident de Janus devant
le Cosmos, donc Initiant et de l'Apprenti « qui ne sait qu'épeler » ? Les Maçons opératifs,
les Compagnons, représentaient les deux Saint-Jean par un cercle pointé portant
deux tangentes parallèles diamétralement opposées, les points de contact des
deux tangentes avec le cercle représentant les deux solstices. Dans la tradition
hindoue, le solstice d'hiver ouvre la « deva yana », la porte des Dieux et le
solstice d'été la « pitri yana », la porte des Ancêtres. Ces « portes »
solsticiales correspondent ainsi à la « porte des Dieux » et à la « porte des
Hommes » du symbolisme pythagoricien. La porte hivernale introduit la phase
lumineuse du cycle solaire, la porte estivale sa phase d'obscurcissement, et
c'est pourquoi l'Eglise a placé la naissance du Christ au solstice d'hiver et
celle du Baptiste au solstice d'été, ce qui explique la formule évangélique : «
Il faut que Lui grandisse et que moi je décroisse. » Depuis que l'Homme
existe, il a toujours craint les Ténèbres, symbole de mort — ne dit-on pas
couramment d'un moribond qu'il « ne passera pas la nuit » ? -- mais il a
toujours voué, sous des formes différentes, un culte au Soleil, au Soleil
fécondateur, source de Vie et symbole d'Espérance, source de Lumière et de
Chaleur, et source de Connaissance. Dans « la
République », Platon décrit le Soleil comme l'image du Bien, tel qu'il se
manifeste dans la sphère des choses visibles. Et pour les Hindous, le Soleil est
« le nourrisseur », l'origine de tout ce qui existe, le principe et la fin de
toute manifestation. C'est le principe actif dont la Lune est le principe
passif, le reflet. Il est essence et substance, forme et matière. « Son Père
est le Soleil, sa Mère est la Lune », dit la Table d'Emeraude. Symbole cosmique,
le Soleil est le Symbole du Père et c'est pourquoi, disent les psychanalystes,
on le retrouve si souvent dans les dessins d'enfants. C'est le symbole du
principe générateur, de l'autorité. C'est le symbole du guide, du chef, du
souverain, Louis XIV ne s'appelait-il pas lui-même « le Roi Soleil » ? Dans
l'Antiquité, on appelait « Héliopolis «, « Cité du Soleil », la Capitale, le
Centre spirituel Primordial, symbole d'Intelligence Cosmique. Soleil, source de
Lumière. Le symbolisme de la Lumière peut se concevoir à partir de deux pôles :
« Fiat Lux » et « Post Tenebras Lux ». En s'engageant vers la Lumière, premier
aspect du monde informel, on s'engage dans le chemin qui semble pouvoir mener
au-delà de la Lumière elle-même, c'est-à-dire non seulement au-delà de toute
forme, mais encore au-delà de toute sensation et de toute notion. La Table
d'Emeraude, véritable « Table de la Loi » pour les Alchimistes et
les Hermétistes décrit ainsi la Création du Monde : « La première chose qui
parut fut la Lumière de la Parole de Dieu. Elle donna naissance à l'Action,
l'Action au Mouvement et celui-ci à la Chaleur. Dans la Kabbale, le
rayonnement de la Lumière à partir du « Point Primordial » engendre l'Etendue
et c'est ainsi que nous pouvons interpréter la signification du « Fiat Lux ». Ce symbolisme de la
Lumière, nous allons le retrouver sous tous les Cieux et dans tous les Temps. Dans l'Ancien
Testament, la Lumière est
le Bonheur. Alors que le Feu est douloureux, la Lumière est douce, la Lumière
est l'Amour. Le Christianisme, évidemment, est tout pénétré du Symbolisme
de la Lumière. Jésus apporte la Lumière, il est la Lumière. Saint Martin dit
que la Lumière doit être perçue sans réfraction, sans intermédiaire. C'est le
caractère direct de l'Illumination Initiatique. En Islam, la Lumière s'identifie avec l'Esprit. Le
Coran déclare : « Dieu est la Lumière des Cieux et de la Terre. Sa Lumière est
comme une niche dans un mur, où se trouve une lampe, et la lampe est dans un
verre, et le verre est comme une étoile brillante. Elle est allumée avec
l'huile d'un arbre béni, qui n'est ni d'Orient, ni d'Occident, et cette huile
est allumée et l'éclat de sa lumière brille sans que le feu y ait été mis.
C'est Lumière sur Lumière. » Les Soufistes interprètent ainsi cette parabole :
la Lanterne de verre est le coeur de l'Homme, la niche dans laquelle elle est
placée est son corps, la lampe est sa conscience, illuminée par la Lumière de
l'Esprit. C'est ce que signifie « Lumière sur Lumière
». En Chine, pour les Bouddhistes, Lumière et
Illumination sont identiques. La Lumière est une expression des forces
fécondantes, c'est la chaleur qui donne la vie, c'est « une force qui pénètre
le ventre de la femme et la féconde ». Les héros de la mythologie chinoise
naissent « après qu'une
Lumière Merveilleuse ait envahi la chambre de leur mère ». Ne retrouvons-nous
pas là le symbolisme de l'immaculée Conception par le Saint-Esprit ? symbolisme
qui n'est pas uniquement chrétien. Enfin, dans la tradition
celtique, nous trouvons une
équivalence symbolique de la Lumière et de l'Oeil. Les Gallois appellent le
Soleil « L’Oeil du Jour ».
Les Irlandais désignent le brillant du Soleil par l'expression « Lumière de
l'Oeil ». Et je ne trahirai aucun secret en disant que dans les Temples
Maçonniques, on trouve à l'Orient, source de Lumière, l'Oeil dans le Delta
Lumineux. A ce symbolisme de
la Lumière se trouve étroitement associé le symbolisme des Ténèbres : « Post
Tenebras Lux, car la Lumière a besoin des Ténèbres et je ne reviendrai pas sur
le symbolisme du blanc et du noir. L'Ancien
Testament considère que les
Ténèbres sont Mal, Malheur, châtiment et Mort. Dans les
Manuscrits de la Mer Morte,
dont nous avons déjà parlé, on trouve le livre « de la guerre des Enfants de la
Lumière contre les Enfants des Ténèbres «. Et à propos de ce combat, qu'il me
soit permis de me ressouvenir de la merveilleuse « Flûte Enchantée » de
notre Frère Mozart. SI, pour Saint-Jean
l'Evangéliste, « les Ténèbres sont la dualité du Yang et du Yin qui sont
inséparables, chacun contenant une trace de l'autre. TCHOUANG TSEU écrit : «
Les hommes sages savent que Lumière et Ténèbres sont de même nature. » Le
retour de l'Homme à son Origine nécessite donc la résolution de cette dualité, la
reconstitution de l'Unité première. Le symbolisme de la
sortie des Ténèbres se retrouve dans tous les Rituels d'Initiation, quels
qu'ils soient. Il se retrouve dans la mythologie végétale où une graine,
enfouie dans les ténèbres de la Terre, donne naissance à une plante nouvelle
qui s'élance vers la Lumière nourricière. Il se retrouve même dans les concepts
des cycles historiques. Et dans tous les plans cosmiques, une époque sombre est
suivie d'une époque lumineuse, pure, régénérée. Cette Lumière
spirituelle n'est autre que la Connaissance transfigurante que les
Francs-Maçons ont pour devoir de s'efforcer d'acquérir. Or, la Connaissance
est, pour nous Francs-Maçons, inséparable de la Liberté. Sa recherche est
universelle, dans le temps et dans l'espace. Elle est inséparable de la Liberté
: nous pensons qu'il n'y a pas de Liberté sans Connaissance, pas plus qu'il ne
peut y avoir de Connaissance sans Liberté. La Liberté par la Connaissance, nous
en découvrons la Lumière dans nos Temples, après avoir « laissé nos métaux à la
porte ». Nous découvrons alors la véritable Liberté, notre propre Liberté, que
nous tentons d'acquérir en essayant de nous débarrasser de l'esclavage des
superstitions, des ignorances, des passions. La Connaissance ne
peut pas être imposée de l'extérieur, son approche ne peut être que le résultat
d'une quête patiente, constante et individuelle, car l'initiation est une
aventure individuelle et chacun la vit sur son propre chemin. La Déclaration de
Principe de la Grande Loge de France proclame : « Dans la recherche constante
de la Vérité, les Francs-Maçons n'acceptent aucune entrave et ne s'assignent
aucune limite. Ils respectent la pensée d'autrui et sa libre expression. Ils
recherchent la conciliation des contraires. » C'est en application de ces
Principes que nous pensons que la quête de la Lumière et de la Connaissance est
universelle dans le temps et dans l'espace. En effet nous l'avons retrouvée
dans l'Ancien et dans le Nouveau Testament, dans la Kabbale et dans le Coran,
dans la mythologie Hindoue et dans la symbolique Chinoise, et aussi, bien
évidemment, dans notre démarche Maçonnique. Oh I certes nous savons bien que
nous n'avons pas acquis la Connaissance et que nous ne l'acquerrons jamais.
Mais peut-être notre réflexion nous met-elle en mains la clef de l'escalier au
sommet duquel brille la Lumière. Redisons-le une
dernière fois : Avec tous les Hommes de bonne volonté, les Francs-Maçons de la
Grande Loge de France cherchent à s'approcher de la Lumière et de la
Connaissance et c'est en définitive le sens du message qu'ils ont essayé de
faire passer aujourd'hui, jour de la fête solsticiale de la Saint Jean d'été. |
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