Janus
Le
Dieu des portes et des commencements
J’ai
déjà eu
l’occasion de parler, ici, des principes
généraux de l’analogie et
d’une de
leur particularité, la diasophie. L’un des
symboles les plus remarquables de
cet aspect duel de la pensée sacrée est celui
représenté par le dieu Janus.
Pourquoi, s’agissant d’étudier les
symboles maçonniques, celui-ci
précisément ? Tout simplement parce que
nous le connaissons bien, figuré
de multiples manières depuis les alchimistes, mais aussi
présenté et décrit
bien des fois sous d’autres aspects. Bien entendu, en
évoluant, le dieu romain
perd son existence propre mais le symbole duel garde toute sa vigueur.
Le passé
et
l’avenir mélangés dans un
même rituel reproduisent bien souvent le désir des
hommes de croire que ce qui a été est
l’immuable garantie de ce qui sera et que
cela puisse perdurer comme pérennisant l’avenir
dans une conception particulièrement
immobiliste de la nature humaine.
Telle
n’est pas
l’image que nous offre le symbolisme de Janus, en effet, les
visages opposés
dont les regards ne peuvent jamais se croiser représente
l’avenir comme lié au
passé mais néanmoins indépendant. Les
erreurs commises ont des origines connues
mais n’empêchent à aucun moment
l’avenir d’exister. Janus se présente
comme
l’image du passage d’un monde à
l’autre, d’un temps à l’autre,
l’image d’un
présent indéfinissable. On peut
connaître la passé, concevoir l’avenir,
mais il
est impossible de décrire le présent avec
objectivité.
Qui
est Janus et
quel symbolisme représente-t-il ?
Le
Dieu aux deux
visages...
Il figure
sûrement parmi les plus grands et les plus anciens dieux du
Panthéon romain. Il
serait même supérieur à Jupiter le dieu
suprême.
Son histoire
commence lorsqu'il s'est établi dans le Latium,
après avoir accosté l'Italie
avec sa flotte. Il recueillit Saturne, le dieu des Semailles et des
Grains,
chassé des cieux, alors qu'il régnait sur le
Latium. En remerciement de son
hospitalité, celui-ci offrit à Janus le don de la
"double science".
Ce pouvoir permettait de maîtriser la science du
passé et celle de l'avenir,
d'où la représentation de Janus avec deux visages
orientés dans des sens
opposés.
Janus eut aussi
un fils, Tiberinus, qui se noya dans le Tibre et donna son nom
à ce dernier.
Viennent alors
de nombreuses autres attributions telles que celle de gardien des
portes (Janus
Bifrons), ce qui justifie encore son double visage. Il est
également le
dieu du Commencement (Januarius peut se traduire
par
"janvier" ou "mois de Janus") et des Quatre Saisons (Sa
tête est alors représentée non pas avec
deux visages mais avec quatre).
Les Romains
ouvraient les portes de son temple en temps de guerre, pour montrer que
le dieu
était parti combattre, puis ils les refermaient durant la
paix, ce qui symbolisait
sa réintégration dans son sanctuaire ; il pouvait
ainsi veiller sur la ville.
De par ses
attributions, Janus était le dieu principal d'une
cité qu'il pouvait surveiller
dans tous les sens, sans que rien ne lui échappe.Chez les
Saliens, prêtres qui
tirent leur nom du verbe salire ("danser"), il
est même
considéré comme le "dieu des dieux" dans leur
hymne.
Il était
également le premier nommé dans toutes les listes
de dieux et dans toutes les
prières, avant même Jupiter.
Son prêtre
portait le nom révélateur de rex
sacrorum ("roi des choses
sacrées") et son temple à Rome était
assez petit et clôturé (sauf en temps
de guerre, bien sûr), en bronze. Il se situait sur le forum
et portait le nom
de Janus Geminus, ou "double Janus". Un passage
voûté
traversait le sanctuaire à l'est et à l'ouest.
Ovide a
raconté
que Janus s'appelait Chaos à
l'époque où l'air, le feu, l'eau et la
terre ne formaient qu'une masse. Quand les
éléments se séparèrent,
Chaos prit
sa forme de Janus; ses deux visages représentent la
confusion de son premier
état. D'autres légendes font de Janus un roi de
l'âge d'or du Latium. Il y
aurait accueilli Saturne chassé du ciel par Jupiter.
L'origine de son
nom est Incertaine. Cicéron la cherche dans le verbe ire.
D'autres
préfèrent le radical div (dividere)
et
supposent que la première forme du nom était Divanus.
Une
troisième hypothèse envisage une forme Ja,
na, parfois employée
pour Diana, dont la racine dius ou dium
évoquerait l'idée du
ciel lumineux.
Cette
dernière
étymologie s'accorde avec la constatation que Janus fut
à l'origine un dieu
solaire. Comme on le voit, ses attributions sont nombreuses,
importantes, et
dérivent les unes des autres.
Le culte de
Janus fut établi soit par Romulus, soit par Numa, et resta
toujours populaire
chez les Romains. Janus figurait en tête dans les
cérémonies religieuses, et,
en sa qualité de père des dieux, passait le
premier dans leur énumération, et
même avant Jupiter. On l'honorait au premier jour de chaque
mois, et le premier
mois de l'année (Januarius) portait
son nom.
Étant le
dieu
des portes, il est par le fait même celui des
départs et des retours, et par
extension celui de toutes les voies de communication. Sous le nom de Portunus,
il est considéré comme le dieu
des ports; et comme on voyage aussi bien
par eau que par terre, il passe pour avoir inventé la
navigation.
Janus
était
aussi le dieu des commencements, Dieu solaire, il présidait
au lever du jour (Matutinus
Pater). On ne tarda pas à le
considérer comme le promoteur de toute
initiative et, d'une façon générale,
il fut placé à la tête de toutes les
entreprises humaines. De là vient que les Romains lui
attribuèrent un rôle
essentiel dans la création du monde. Il passa pour le dieu
des dieux, Janus
Pater.
Le
Dieu des portes et des passages
« …tu
les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes
portes. »
Deutéronome
6 :4
Janus (en latin,
« porte », ou «barbacane»)
présente ce trait particulier d'être un dieu
essentiellement italique et plus précisément
romain. Il ne figure dans aucune
autre mythologie et pourtant l’aspect symbolique
qu’il recouvre ne trouve pas
uniquement ses sources dans la culture du latium.
Janus est
d’abord le dieu de toutes les portes
: des portes publiques (
jani ), sous lesquelles passaient les routes, et des portes
privées. Il a
donc pour insignes la clé qui ouvre et ferme la porte, et la
baguette (virga) dont les portiers se servent
pour écarter
tout ce qui ne doit pas franchir
le seuil. Ses deux visages (Janus
bifrons) lui
permettent de surveiller le dehors et l'intérieur du
logis, comme
l'accès et la sortie des portes publiques.
Sur le point de
ses attributs particuliers, René Guenon fait état
d’un curieux document
représentant expressément le Christ sous les
traits de Janus. Il s’agit d’un
cartouche peint sur une page détachée d'un livre
manuscrit d'église, datant du
xve siècle et trouvée à Luchon, le
médaillon représente un buste de Janus
Bifrons, avec un visage masculin et un visage
féminin, ainsi que cela se
voit assez fréquemment; il porte une couronne sur la
tête, et tient d'une main
un sceptre et de l'autre une clef.
Sur les
monuments romains Janus se montre, comme sur ce cartouche la couronne
en tête
et le sceptre en la main droite, parce qu’il est roi; il
tient, de l'autre main
une clef qui ouvre et ferme les époques; c'est pourquoi, par
extension d'idée,
les Romains lui consacraient les portes des maisons et des villes. Dans
la
quatrième des grandes antiennes d'avant Noël, la
liturgie sacrée acclame ainsi
Jésus : « O Clavis David, et
Sceptrum dornus lsrae ».
L'interprétation
la plus habituelle des deux visages de Janus est celle qui les
considère comme
représentant respectivement le passé et l'avenir;
cette interprétation, tout en
étant très incomplète, n'en est pas
moins exacte à un certain point de vue. C'est
pourquoi, dans un assez grand nombre de figurations, les deux visages
sont ceux
d'un homme âgé et d'un homme jeune;
l'emblème dont il est fait mention ici se
montre cependant plus précis. En effet, un examen attentif
ne permet pas de
douter qu'il s'agit du Janus androgyne, ou Janus-Jana et
il est à
peine besoin de faire remarquer le rapport étroit de cette
forme de Janus avec
certains symboles hermétiques tels que le Rebis,
mais aussi avec le
mythe de l’être humain unique de la
création, celui qui serait homme et femme
et que l’Éternel aurait
séparé en deux entités. Un
être unique que l’on
retrouve dans le « banquet » de
Platon, mais aussi dans la Bible où,
dans un premier temps, au premier livre de la Genèse
« Dieu créa
l'homme à sa semblance, à la semblance de Dieu il
le créa,
homme et femme il les créa »,
puis, comme pour compléter
la création, dans le second livre de la Genèse
l’Eternel tire la Femme du côté
de l’Homme. Ce n’est pas ici le moment
d’aborder le symbolisme propre de Ish et
Isha, contentons-nous de constater que l’image de Janus est
parfois Androgyne,
comme pour rappeler que l’être humain est double.
Étant le
dieu
des portes, il est par le fait même celui des
départs et des retours, et par
extension celui de toutes les voies de communication. Sous le nom de Portunus,
il est considéré comme le dieu
des ports; et comme on voyage aussi bien
par eau que par terre, il passe pour avoir inventé la
navigation.
Mais le symbole
qui nous arrêtera ici est plus particulièrement
celui des commencements.
Le
Dieu des commencements et de l'initiation...
« Si
je
t'oublie, Jérusalem, que ma droite
m’oublie! »
Psaume
137
Dieu des
commencements, des portes, entrées
et passages, Janus est le dieu de l'initiation (initiare
signifie
"commencer"). En vertu d'un certain symbolisme astronomique sur
lequel semble reposer les cultures sacrés les plus
anciennes, on soulignera
aussi les liens fort étroits entre les deux sens suivant
lesquels les clefs de
Janus peuvent être considérées, soit
comme celles des deux portes solsticiales,
soit comme celles des « Grands
Mystères » et des « Petits
Mystères ».
Ce
symbolisme auquel nous faisons allusion est celui du cycle zodiacal, et
ce n'est
pas sans raison que celui-ci, avec ses deux moitiés
ascendante et descendante
qui ont leurs points de départ respectifs aux deux solstices
d'hiver et d'été,
se trouve figuré au portail des cathédrales. On
voit apparaître ici une autre
signification des deux visages de Janus : il est le «
Maître des deux voies »
auxquelles donnent accès les deux portes solsticiales, ces
deux voies de droite
et de gauche que les pythagoriciens représentaient par la
lettre Y. Ce sont ces
deux mêmes voies que la tradition hindoue désigne
comme la « Voie des
Dieux » et la « voie des
ancêtres » ce qui nous ramène
à l'idée de
l'initiation aux mystères.
Enfin, ces deux
voies sont aussi, en un sens, comme les portes par lesquelles on y
accède,
celle des cieux et celle des enfers et l'on remarquera que les deux
côtés
auxquels elles correspondent, la droite et la gauche, sont ceux
où se
répartissent les élus et les damnés
dans les représentations du Jugement
dernier, qui se rencontrent si fréquemment au portail des
églises, et non en
une autre partie quelconque de l'édifice.
Ces
représentations, expriment quelque chose de tout
à fait fondamental
c'est-à-dire une sorte d'abrégé
synthétique de l'Univers
Dans la
symbolique chrétienne, ces deux voies ont
été remplacé par les deux Jean. Jean
le baptiste, ouvrant la Porte du Ciel, est devenu le patron de tous les
Initiés
et, bien entendu, des Francs-Maçons.
Les
deux Jean et
Jésus sont des
« dieux » solaires :
- le
Baptiste
annonce le lever du soleil
-
l'Evangéliste
regarde le soleil se coucher
Les
Evangiles
nous disent que dès que Marie apprend qu'elle est enceinte,
elle se rend chez
sa cousine Elisabeth, elle-même enceinte de six mois.
Celle-ci accouchera donc
de Jean-Baptiste six mois avant la naissance de Jésus.
Or, dans six
mois nous fêterons Noël, fête de la
naissance du soleil nouveau. Le soleil du
solstice d'Eté, étant à son
apogée, ne peut que décroître. C'est
pourquoi
Jean-Baptiste dira :"Il faut que je décroisse pour
qu'il croisse".
Autrement dit, il faut que la lumière extérieure
qui nous inonde aujourd'hui
cède la place au soleil intérieur du solstice
d'Hiver.
On ne
possède aucune statue ni aucun buste de Janus, mais ses
effigies monétaires
sont nombreuses. Il est généralement
représenté avec un double visage, sous les
apparences d'un homme âgé, barbu : la couronne de
lauriers ne figure pas sur
toutes ses images. En cela, Janus ressemble étonnamment au
Dieu du monothéisme
méditerranéen : pas ou peu de
représentation et un extraordinaire
thésaurus symbolique, le message proposé est
celui d’un concept profondément
humain ; l’évolution et la conscience des portes
à ouvrir pour y parvenir.
Cette notion est importante car elle fonde les civilisations. Au
delà de la
simple constatation de son existence, l’Homme
prend onscience de son
intelligence et des portes qu’elle permet d’ouvrir.
La diasophie
qualifie la pensée double, c’est à
dire, concevoir dans un même langage
symbolique ou philosophique, une chose et sa représentation.
Cette conception
duasophique se présente de telle manière que
chaque élément de la chose conçue
et de sa représentation puisse prendre une forme propre, une
signification
propre. Cette conception duelle de la pensée permet, non pas
une symbolique
universelle, mais une pensée symbolique universelle. Ainsi,
la chose et sa
représentation se trouvent liées chacune
à d’autres représentations. Ce
semblant de multiplication de schémas identique permet
d’identifier non pas une
identité culturelle mais bien une identité
humaine dont la culture ne serait
qu’un reflet identifié dans le temps et dans
l’espace. Ainsi il n’y a pas
universalité des symboles mais universalité de la
nature humaine.
la
Clef de
David et le Sceptre de la maison d'Israël
Jana
ou Diana, Déesse lunaire n’est autre que
l’aspect féminin de Janus.
Gn
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